CRIS DE GUERRE XVII. Nidra Poller. 26-27 juin 2024

Votez pour moi,  je voterai pour vous

Je suis, comme dirait l’autre, candidate à rien. Ce que je vous propose, en fait, c’est de voter à ma place.  Citoyenne américaine, vivant à Paris depuis 1972, j’ai le droit de voter pour le président de mon pays d’origine. Alors que, étrangère, je ne peux pas voter en France. C’est normal.

Restée américaine par fidélité au pays qui a accueilli ma famille de réfugiés  juifs européens au début du 20esiècle et parce que je ne voulais pas, je l’avoue, dépendre de cette administration française vieillotte, poussiéreuse et entortillée des années 1970.  Qui plus est, j’aurais perdu, en demandant la naturalisation, ma nationalité américaine. 

En tant qu’Américaine résidant à l’étranger, je vote par absentee ballot [correspondance] dans la circonscription de ma dernière résidence, à Baltimore, Maryland, où les Democrats auront la victoire, quoi que je fasse. Eloignée de la vie américaine par des milliers de kilomètres, dont un océan, et par la détresse d’une société effondrée [c’est pire qu’ici], sans débat et sans dialogue, je ne saurais mesurer les conséquences de l’élection au niveau domestique. 

Par contre, européenne et sioniste, je suis à la merci du choix des Américains en ce qui concerne les relations étrangères. Bien que ma voix ne compte pour rien là-bas et ne serait pas exprimée ici, je dois clarifier, ne serait-ce que pour moi-même, l’enjeu.

Trump versus Biden en novembre ? Plus âgée que ces candidats, en bien meilleure forme physique et intellectuelle, je n’hésite pas à les juger, l’un comme l’autre, trop vieux pour être président d’une grande puissance démocratique. Comment comprendre que ce jeune pays n’a pas trouvé du sang neuf ? Que le parti Republican ne trouve pas le courage de s’émanciper de Donald Trump ?  

Je ne voterai pas pour Trump. Pourrais-je faire abstraction de la philosophie politique de gauche et voter pour Biden, (ou un autre candidat Democrat), en reconnaissance de son leadership pendant ces années de guerre, le courage de soutenir l’Ukraine et d’Israël au point de compromettre sa réélection ? 

On verra ça demain. C’est la France qui me préoccupe aujourd’hui.

Dans quelles proportions la France sera-t-elle ingouvernable ?

Je ne vois pas d’autre espoir qu’un découpage de la législature en trois blocs de poids quasiment égal : des populistes d’origine bolchevik/ tendance Hamas, des populistes d’origine Vichyste/ tendance Russe et des républicains en provenance de divers partis affaiblis mais, à titre individuel, adultes et moyennement fiables. 

C’est jouable. A condition de résister à la pulsion des sondages et d’exposer, par des arguments rationnels, la réalité des populistes afin d’en détacher suffisamment de voix pour priver le RN d’une victoire fêtée d’avance et LFI de son emprise sur la gauche. Le temps presse.

Je trouve inutile le ping-pong extrême gauche, extrême droite, source d’énergie renouvelable pour les deux volants populistes. Ce qui est extrême c’est le populisme, une stratégie visant un pouvoir non-démocratique en exploitant les frustrations et le ressentiment du « peuple », défini, non pas par son appartenance à la nation, mais par les émotions qui  le rendent vulnérables aux populistes. On promet la justice sociale, la paix dans la rue et dans le monde, des revenus abondants et l’élimination de ceux qui empêchent ces bienfaits de se réaliser pleinement et durablement. Un peuple borné n’a plus la force de résister quand les populistes raflent la mise et imposent leur pouvoir  autoritaire. 

Certes, le président démocratiquement élu et son parti affaibli n’ont pas résolu les problèmes qui nous rongent et nous minent—la subversion jihadiste et son lot de fléaux dont le narcotrafic, la criminalité, la haine du Juif ; la vie chère et les bas salaires ; les services publics et l’écosystème compromis ; la guerre à nos portes et l’Iran en coulisses. Comment croire qu’un RN qui n’a jamais gouverné saura mieux faire ? A quoi bon se laisser duper par un LFI  révolutionnaire faisant semblant de concourir dans les urnes ? 

L’honnête citoyen respectueux des valeurs nobles de la gauche peut-il cautionner une salade assaisonnée à la haine du Juif et l’amour du Hamas ?  Comment se persuader que les quelques feuilles socio-écolos servies sur une assiette locale ne sont pas empoisonnées ? Un vote sanction serait salutaire. Coupez le mal dans son sein.    

Au moins, du côté de l’affront populaire [le NFP] c’est palpable : on voit les flammes, on sent le soufre.

Le Rassemblement national au lissage brésilien

Marine le Pen veut à tout prix être présidente de la République. Comme si elle était formée et dépêchée par son père pour décrocher la lune qui lui a échappé… de peu. Elle est versatile : Frexit un jour, porteuse d’un programme économique de gauche et sagement habillée en petite-bourgeoise, TikTok aujourd’hui, faisant campagne en jeans serrés, photoshoppée en jeunette aux côtés du BoyToy Jordan sur les panneaux électoraux.  Faute d’accomplir la réunion des droites, elle a récupéré la belle Marion qui avait brièvement donné un visage française-de-souche au métèque Zemmour qui, lui, s’est fait lave-linge pour un RN qui poursuit son opération de mises-en-scène avec costumes, coiffures, pirouettes et chouquettes…

The better to eat you with, my dear. (Pour mieux te manger, mon enfant) A se demander pourquoi les médias toutes tendances confondues se sont prêtés au jeu de la « dédiabolisation» du Front National. Il aurait suffi de faire leur travail d’investigation, de coller au réel et de juger à partir d’éléments concrets. [Fourest en liberté. RN : double discours et double fond | TF1 INFO. Au lieu de quoi, on pose sans cesse La Question : Le RN est-il d’extrême droite, Marine Le Pen n’est-elle plus d’extrême droite, l’extrême droite est-elle aux portes du pouvoir, si le RN n’est plus d’extrême droite pourquoi pas leur donner la majorité absolue ? Untel, tout respectable qu’il soit, déclare qu’en cas de duel NFP-RN, il votera RN sans hésiter. Donc, ce n’est plus l’extrême droite, n’est-ce pas ?

C’est quoi ?

Regardons la stratégie « binationalité ». Position du départ : finie la binationalité. La future présidente de la République a même précisé que les Franco-israéliens n’auront qu’à choisir. Leur binationalité correspondrait donc à la loyauté douteuse, parce que duale, des Juifs. Et, si on comprend que ce sacrifice est exigé en échange d’un coup contre les Franco-maghrébins, tant pis, ils doivent arrêter de pleurnicher et soutenir la purification de la nation.

Se voyant sur le chemin du Matignon, Jordan Bardella envoie la question de la binationalité chez le coiffeur pour un lissage brésilien.  Il n’a jamais été question de priver nos  concitoyens de leur binationalité, quelle idée ! Il voulait tout simplement souligner l’importance de protéger une cinquantaine de postes ultra stratégiques du danger attenant à la nomination de fonctionnaires binationaux. Un franco-russe aux services nucléaires, par exemple.

Quel exemple ! Comble de duplicité de la part d’un parti soupçonné d’affinités russes.

Que devient, dans cette configuration, l’interdiction de l’abattage cacher et halal ? [Bardella indique qu’il n’y aurait plus de viande halal ni casher en cas victoire de Le Pen (rtl.fr)] S’agirait-il seulement d’une cinquantaine de steaks, sans plus ? Qu’en sera-t-il de l’immigration zéro ? L’abrogation du droit de sol ? Le renvoi de 100% des OQTF ? La fin du laxisme judicaire, de l’AME pour les clandestins, de la racaille à tout coin de rue ?  La suppression des allocations familiales pour les parents des mineurs récidivistes, la préférence nationale dans les HLM,  l’exonération d’impôts pour les moins de 30 ans, le rétablissement de l’ordre à l’école ? 

Il ne s’agit pas d’un simple jeu de grandes promesses non tenues, mais des clins d’œil radicaux suivis de rétractions de mauvaise foi. D’un côté on jette un voile de suspicion sur les présumés coupables tout en exigeant des pouvoirs exceptionnels pour réussir des objectives extravagantes, de l’autre on joue les raisonnables pour étouffer les réticences républicaines. 

Un cheveu qui dépasse

N’oublions pas que c’est Marine Le Pen la cheffe. Personne n’a voté, la victoire est du domaine du spéculatif et déjà madame Le Pen met en garde le président Macron que ses prérogatives sont désormais sujettes à son bon vouloir. En cas de cohabitation, déclare-t-elle, le rôle présidentiel du chef des armées sera honorifique. Il deviendra chef des couronnes florales.  C’est elle, en soufflant dans l’oreille du jeune Jordan, qui décidera de fournir, ou plutôt pas, d’armes à l’Ukraine.  Sa nièce Marion, alors étiquetée Reconquête, avait bien défini les limites du soutien convenable à ce pauvre pays envahi : Pas d’armes. Dans l’intérêt de la paix. Maintenant rentrée au bercail, elle ne risque pas de virer belliqueuse.

Dragueurs de Paris, années 1970

Oui, mais Israël et les Juifs ? Faut-il croire au discours philosémite de la fille de Jean-Marie Le Pen, amie d’Israël ? Pourquoi pas ? Sans jeter le moindre doute sur sa sincérité personnelle, peut-on attribuer au Rassemblement national, en tant que parti politique, la même bienveillance et, encore plus important, les contours d’une politique moyen-orientale ? C’est moins sûr. Dans le contexte d’un populisme « les Français d’abord », on évitera tout ce qui pourrait entrainer le pays dans des conflits lointains, tirant sur des ressources mieux consacrés aux nationaux. Se dessine l’image d’une politique étrangère française à l’ancienne, distinguée, sans parti pris et sans passions partisanes, respectée de tous, amis et ennemis. A mon avis, un gouvernement RN ne sera pas moins « cesser- le-feu et solution à deux Etats » que la Macronie.

Et moi, je ne serais pas plus à l’aise avec le soutien verbal d’un tel gouvernement qu’avec l’amitié d’un Orban, allié de la Russie. 

Ahh, la Russie. Plus la Chine, la Corée du nord et l’Iran.

Peut-on nier le penchant russe du Rassemblement national ? Ce penchant, est-il compatible avec le sionisme d’un électeur français, insatisfait, par ailleurs, de la politique du gouvernement actuel ?

Est-ce anecdotique ? Ou essentiel ?

 On était ciblées, ma sœur et moi–jeunes divorcées et mères de famille, américaines naïves–par les dragueurs « à la Porsche » :  ils nous faisaient la cour en tentant de soutirer de quoi financer leur voyage au Havre plus les frais d’essence et de dédouanement de la Porsche qui les attendaient sur le quai. Ils reviendraient pour nous emmener sur les routes du plaisir, avec une escale dans la belle maison de campagne d’un copain, la découverte de restaurants gastronomiques, des balades sur la Côte d’Azur …

Ce n’était pas un cas ou deux, c’était un genre. A l’affût de cœurs sensibles en manque de répondant, ils promettaient monts et merveilles en échange de l’argent à investir dans l’affaire suivante. 

Je pense à ces dragueurs en regardant Marine, Jordan et leurs troupes. Sans envergure, sans profondeur, sans expérience, ils crânent et ils racolent. Mes poches sont vides, mais si vous me donnez de quoi monter à Matignon, je reviendrai vous chercher et on filera de beaux rêves.

Le prétendu ralliement du LR, c’est la Porsche. Ils en parlent sans arrêt et les journalistes laissent faire, je ne sais pas pourquoi. Le rassemblement n’a rien rassemblé. Éric Ciotti est cité à toutes les sauces, car il n’y a pas de gros gibier dans la besace. Les LR, tout rabougris qu’ils soient, ont eu l’intégrité de ne pas suivre la pente descendante.  

Ras le bol de ce Macron arrogant

La France mérite mieux que le dégagisme. Mieux que des élites pourries par complicité avec le Hamas, mieux que la haine des élites par jalousie. Et si c’est l’arrogance qui gêne, pourquoi cautionner l’insolence arrogante d’une Manon Aubry ? D’un Jordan Bardella ? 

Si j’écris depuis plus de vingt ans sur la stratégie de l’Islam de conquête du 21e siècle, ce n’est pas pour la nier aujourd’hui. Ni pour en forger les clefs du pouvoir pour des populistes de petite vertu. Je ne leur fais pas confiance. Face au conflit existentiel mûri depuis des décennies (des siècles, depuis toujours) le RN propose une opération de marketing. C’est superficiel, creux, insincère et incohérent. Des affinités, des compromissions, des liens et une histoire, en nette contradiction avec la prétention de répondre aux inquiétudes légitimes de la nation, bouillonnent sous la surface lisse d’un parti opaque, aux ambitions injustifiées.  [voir Frédéric Haziza, https://www.amazon.fr/Vol-au-dessus-dun-nid-fachos/dp/2213681058]

Le 10 juin, je me suis trouvée soudain orpheline. 

Quoi ? Nous n’avons pas de gouvernement ? 

Depuis lors, entraînée dans les profondeurs d’une crise métapolitique, consciente comme toujours des énormes qualités et défauts du pays que j’ai choisi sans vraiment choisir, je me sens drôlement responsable du bien-être de cette France où j’ai pourtant enraciné ma famille errante. 

© Nidra Poller

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2 Comments

  1.  » La future présidente de la République a même précisé que les Franco-israéliens n’auront qu’à choisir  »
    .
    Les Franco-marocains ne peuvent choisir. Sujet du roi ils ne peuvent abandonner la nationalité marocaine. Supprimer la binationalité revient pour eux à cesser d’ être Français.

  2. Ne nous inquietons pas trop , il y a des millions de binationaux franco arabes et je ne soupçonne pas Mme Le Pen d avoir plus de courage que ses compatriotes politiciens hexagonaux 🤣
    Donc , a moins de prendre des mesures uniquement envers les franco israeliens , elle ne bougera pas une oreille et marchera a la baguette des banques et de l UE qui tiennent la France exsangue par les cordons de la bourse .

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  1. Nidra Poller. Intermezzo Japon  - Tribune Juive

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