Hamid Enayat. TRIBUNE. Iran : les élections présidentielles du 28 juin sont une simple façade, l’enjeu réel est la planification de la succession

Les candidats à la présidentielle (dans le sens des aiguilles d’une montre) Mohammad Bagher Ghalibaf, Alireza Zakani, Mostafa Pourmohammadi, Masoud Pezeshkian, Saeed Jalili et Amirhossein Ghazizadeh-Hashemi pendant un débat au studio de la télévision d’État iranienne à Téhéran le 17 juin 2024.

Les candidats à la présidentielle (dans le sens des aiguilles d’une montre) Mohammad Bagher Ghalibaf, Alireza Zakani, Mostafa Pourmohammadi, Masoud Pezeshkian, Saeed Jalili et Amirhossein Ghazizadeh-Hashemi pendant un débat au studio de la télévision d’État iranienne à Téhéran le 17 juin 2024. IRIB – MORTEZA FAKHRINEJAD

Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI). Pour La Dépêche, il analyse la prochaine élection présidentielle. L’Iran a annoncé le 9 juin les six candidats, pour la plupart conservateurs, approuvés pour l’élection du 28 juin pour remplacer le président Ebrahim Raisi, tué dans un accident d’hélicoptère.

En 1988, l’Ayatollah Khomeiny, le fondateur de la République islamique d’Iran, fut obligé sous la pression d’une campagne internationale massive menée par l’opposition, le Conseil National de la Résistance iranienne (CNRI), d’accepter un cessez-le-feu dans sa guerre de huit ans contre l’Irak. Il comparait cette décision à « boire la coupe de poison ». Auparavant, il soutenait que le chemin vers Jérusalem passait nécessairement par Karbala* et insistait pour que les combats continuent jusqu’à la dernière maison à Téhéran. Ce fut un moment décisif. Engagé dans une guerre coûtant deux milliards de dollars, ayant entraîné des millions de morts et de blessures, et sans gains tangibles, Khomeiny se retrouva confronté à un dilemme existentiel. Face à plus de trente mille détenus politiques, majoritairement des Moudjahidines, capables de renverser son régime, il choisit de les exterminer pour assurer la survie de son administration.

Actuellement, le Guide suprême Ali Khamenei fait face à une crise similaire. Sachant que régler la question de sa succession après sa mort serait impraticable, surtout avec un taux de participation de seulement 5 % lors des dernières élections parlementaires, et confronté à des milliers d’unités de résistance prêtes à renverser son régime, il est impératif pour lui de résoudre cette question de son vivant.

La disparition d’Ebrahim Raïssi* constitue une perte immense

Khamenei a qualifié sa mort de « tragédie considérable pour le pays », en soulignant qu’aucune autre personnalité n’avait servi avec autant de dévouement. Raïssi, totalement soumis à Khomeiny lors du massacre de 1988 et toujours loyal envers Khamenei, n’avait jamais divergé d’avec ce dernier et, contrairement au candidat actuel Mohammad-Bagher Ghalibaf, ne cherchait pas à instaurer une nouvelle forme de gouvernance. Avec Raïssi, Khamenei aurait pu faciliter la succession de son fils Mojtaba. En son absence, il est ardu d’atteindre un consensus entre les différentes factions du régime.

Issus de dogmes médiévaux et représentant un fascisme religieux, ces clans se distinguent des partis politiques contemporains par leur manque de segmentation interne évidente. Opposés à toute institution démocratique, ils sont en perpétuel conflit pour augmenter leur influence et leurs butins. De ce fait, ils doivent convenir d’un successeur pour Khamenei. L’« ingénierie électorale », comme l’appellent les membres du régime, n’est en réalité que la mise en place ou l’imposition d’un tel accord. Les élections ne sont qu’un moyen de légitimer le successeur choisi par Khamenei, faute de quoi le régime pourrait s’effondrer de l’intérieur.

Le premier débat présidentiel, centré sur l’économie, n’a pas su proposer des mesures efficaces pour un pays où la majorité vit sous le seuil de pauvreté. Le quotidien étatique Mostaghel Online a souligné que « ce débat a réussi à décourager bon nombre d’électeurs indécis de voter ».

Perspectives : renforcement de la répression et consolidation du pouvoir, quel que soit le président élu

Depuis sa création, la légitimité du régime a été constamment remise en question, culminant dans un effondrement total lors du soulèvement de 2022. Les statistiques officielles révèlent une participation dérisoire de seulement 5 % aux récentes élections législatives, illustrant ainsi la crise de légitimité profonde du régime et l’ampleur des mouvements de résistance qui luttent contre son autoritarisme.

Face à ces échecs répétés, Ali Khamenei, le guide suprême, double la mise sur la répression pour étouffer toute contestation, tout en avançant dans son ambition nucléaire pour assurer la survie du régime. Il maintient sa politique belliciste, s’assurant que les conflits régionaux ne menacent pas directement son autorité, tout en continuant de réprimer sévèrement le peuple, en particulier les femmes.* Karbala, une ville sainte chiite au cœur de l’Irak, est un haut lieu de pèlerinage pour les musulmans chiites, visitée par des dizaines de millions de fidèles chaque année.
* Ebrahim Raïssi, président iranien, a trouvé la mort dans un accident d’hélicoptère le 19 mai.

© Hamid Enayat

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