“Antisémitisme: Il y a quelque chose de pourri au royaume de Belgique”. Tribune de Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme

L’attaque meurtrière du 7 octobre 2023 a déclenché une libération de la parole et des actes antisémites. Entre politiques alignés sur le narratif du Hamas et médias complaisants. Comment comprendre qu’à la fin du XIXe siècle tant de politiques, journalistes et humanistes étaient anti-dreyfusards, que des hordes de manifestants vociféraient impunément leur haine du capitaine juif sur les grands boulevards, que la culpabilité d’Alfred Dreyfus était acquise pour la majorité? Simplement en observant ce qui se passe en Belgique depuis le 7 octobre 2023. Car c’est bien aux mêmes discours incendiaires, aux mêmes éditoriaux borgnes, aux mêmes passions tristes, aux mêmes foules haineuses, à ce même égarement populaire que l’on a affaire. À la nuance près qu’aujourd’hui l’État juif a remplacé le capitaine juif sur le banc des accusés.

Quelques exemples.

Une étoile de David intègre une croix gammée

Les politiques, tout d’abord. Par idéologie, électoralisme, couardise ou antisémitisme refoulé, la plupart des formations politiques belges se sont alignées sur le narratif du Hamas concernant les pogroms du 7 octobre et la guerre qui s’est ensuivie. Quasi instantanément à gauche et à l’extrême gauche, progressivement pour d’autres au centre droit de l’échiquier politique. Chez les socialistes, un député anciennement ministre de la Défense accuse Israël de commettre un «génocide» et compare, sur X, la riposte militaire israélienne aux crimes nazis: «Gaza aujourd’hui, c’est Varsovie hier.» La présidente du Parlement, qui a liké le tweet de son camarade d’infamie, refuse de qualifier le Hamas d’organisation terroriste. Un ex-ministre désormais patron des Mutualités socialistes poste sur Facebook une illustration dans laquelle une étoile de David intègre une croix gammée. La ministre de la Coopération au développement assimile l’État d’Israël au IIIe Reich. Et le président du Parti socialiste plaide pour des «sanctions économiques contre Israël», dresse un parallèle entre l’invasion russe de l’Ukraine et la guerre défensive menée par Tsahal à Gaza, soutient «la démarche de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice» et défile dans une manifestation propalestinienne d’où fusent des appels rageurs à l’intifada et le slogan de la Solution finale 2.0 «From the river to the sea, Palestine will be free!»

Appels à la destruction d’Israël

Chez les écologistes, un élu bruxellois retweete un tract glorifiant les pogroms présentés comme un «acte de résistance» et apportant un «soutien indéfectible à la lutte du peuple palestinien dans toutes ses modalités et formes de lutte, y compris la lutte armée». La vice-Première ministre veut poursuivre l’État d’Israël devant la Cour internationale de justice pour génocide. La ministre de l’Environnement refuse de qualifier le Hamas d’organisation terroriste. La ministre de la Culture demande l’exclusion d’Israël de l’Eurovision. Un député précédemment responsable de la branche belge du mouvement antisémite BDS appelle au boycott de l’État juif et salue la «dignité» et la «retenue» de manifestations propalestiniennes où résonnent les appels à la destruction d’Israël, la négation des massacres du 7 octobre et l’apologie du Hamas. Et la coprésidente du parti écologiste assure le service après-vente en clamant des «Free Free Palestine» au meeting de lancement de la campagne électorale des Verts. Celle-là même qui, en 2021, postait sur Instagram une story reprenant une chanson en arabe qui prône l’annihilation du peuple juif en se référant à une sourate du Coran.

“Plein d’amis juifs

Chez les communistes, la cheffe du groupe parlementaire exige un «embargo militaire et économique contre Israël», qu’elle accuse d’être «une organisation terroriste» coupable de «génocide». Le secrétaire général du parti dénonce une «épuration ethnique» et réclame le défèrement du Premier ministre israélien devant la Cour pénale internationale. Un député fustige, depuis la tribune du Parlement, «la barbarie de l’État terroriste d’Israël» et persiste, trois jours après les faits, à attribuer à Tsahal la frappe sur l’hôpital Al-Ahli touché par un missile défectueux du Jihad islamique. Et le président du Parti communiste qualifie Israël d’«État terroriste» et d’«État d’apartheid» qui se livre à un «nettoyage ethnique», il met sur le même pied les otages israéliens et les prisonniers palestiniens, demande l’expulsion de l’ambassadrice d’Israël et se défend des accusations d’antisémitisme en arguant… qu’il a «plein d’amis juifs». Homme fort des libéraux flamands, le Premier ministre belge a, lui aussi, basculé dans le camp du déshonneur. Lors d’un déplacement en Israël, en novembre 2023, il provoque un incident diplomatique entre Bruxelles et Jérusalem qui lui vaudra un satisfecit des dirigeants du Hamas: «Nous apprécions les positions claires et audacieuses du Premier ministre belge Alexander De Croo.» Début mars, il poste sur LinkedIn une vidéo dans laquelle il relaie la propagande chiffrée du Hamas, inclut les terroristes éliminés par Tsahal dans le décompte des «Palestiniens innocents tués» et omet la libération des otages israéliens des demandes qu’il formule «pour mettre fin à la guerre». Quelques jours plus tard, son parti et celui des chrétiens-démocrates flamands rallient la gauche et l’extrême gauche en souscrivant à leur tour au boycott de l’État juif. À ce jour, six des sept partis composant la coalition gouvernementale se sont prononcés en faveur du boycott, les libéraux francophones étant les seuls à résister. Des mots monstrueux Dans la soirée du 7 octobre, alors que les pogroms sont encore en cours dans le sud d’Israël, la chaîne publique belge reçoit sur son plateau un professeur de droit international de l’Université libre de Bruxelles pour «tenter de bien comprendre ce qui se passe là-bas». Pendant trois longues minutes, ce dernier n’aura pas un mot de réprobation pour le Hamas et s’emploiera à légitimer le massacre perpétré par les terroristes palestiniens en invoquant «le contexte» et «le droit international». Au terme d’une interview déférente, le journaliste de la RTBF le remercie «beaucoup» d’«être venu nous donner les clés pour bien comprendre ce qui se passe là-bas»… D’autres médias mainstreams témoignent du même tropisme. À l’instar du quotidien francophone Le Soir qui ouvre ses colonnes à une ancienne enseignante à Gaza qui, quelques jours plus tôt, exultait devant les images insoutenables fournies par la «résistance palestinienne» et les prises d’otages. «Je ne peux m’empêcher de jubiler», écrit-elle sur Facebook le 7 octobre. Ou de l’hebdomadaire flamand Humo dont la chronique titrée «Israël utilise les mêmes méthodes pour détruire une race entière que les Allemands» commence avec ces mots monstrueux: «Il n’est pas inconcevable que quelqu’un, n’importe qui, devienne antisémite contre sa nature.»

La haine descend dans les rues

Les premières manifestations propalestiniennes post-7 octobre se déroulent à Bruxelles et Anvers le 11 octobre. Ce jour-là, les «Allah akbar», «Israël terroriste» et «Nous te rachetons avec notre âme et notre sang, ô Gaza» retentissent devant le ministère des Affaires étrangères. Des manifestants brûlent le drapeau israélien, appellent à la destruction de l’État juif et brandissent des pancartes soutenant les terroristes palestiniens et justifiant les pogroms. Parmi la vingtaine de promoteurs de la manifestation figurent l’Association belgo-palestinienne, les sections jeunes des partis écologiste et communiste, deux associations dont le logo gomme Israël de la carte de leur Palestine et l’organisation Samidoun, dont le coordinateur européen, qui vit à Bruxelles et parle du 7 octobre comme d’un «jour de gloire», est membre du groupe terroriste FPLP. Ce jour-là, nombre de manifestants étaient venus célébrer un massacre de Juifs comme le monde n’en avait plus connu depuis la Shoah. Depuis, les manifestations propalestiniennes sont fréquentes en Belgique et quotidiennes à Bruxelles, avec le consentement du maire socialiste de la capitale, qui n’ose ou ne veut confronter la libération de la parole antisémite dans sa nouvelle langue, celle des droits de l’homme dévoyés.

1000%

Le 7 octobre a déclenché, en Belgique, une flambée d’antisémitisme sans précédent depuis la Libération. Deux mois plus tard, le nombre d’actes antisémites enfle de 1000%! Ce sinistre état des lieux témoigne de ce que le philosophe Vladimir Jankélévitch énonçait il y a cinquante ans déjà: «L’antisionisme offre enfin à l’ensemble de nos concitoyens la possibilité d’être antisémite tout en étant démocrate.» Avec, à la manœuvre, des pyromanes qui prétextent leur souci du devenir palestinien pour assouvir leur détestation de l’être juif. La Belgique, miroir grossissant de l’Europe?

© Joël Rubinfeld

Joël Rubinfeld est le président de la Ligue belge contre l’antisémitisme.

Source: Le Point

@LePoint (https://lepoint.fr/monde/antisemitisme-il-y-a-quelque-chose-de-pourri-au-royaume-de-belgique-20-04-2024-2558157_24.php)

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*