Dans « Ça n’engage que moi », les journalistes de « Charlie » ont carte blanche pour vous raconter ce qu’ils veulent. Mais rien ne vous oblige à lire ça. Aujourd’hui, Gérard Biard vous parle d’une tribune publiée dans « Le Monde ».
Ne mélangeons pas tout. L’antisémitisme intolérable du Rassemblement national, « fondateur, historique et ontologique« , et l’antisémitisme véniel de certains membres de La France Insoumise, « contextuel, populiste et électoraliste« . Voilà ce que nous expliquent Arié Alimi, avocat, et Vincent Lemire, historien, dans une tribune publiée le 20 juin dans Le Monde, sous le titre « L’antisémitisme de gauche connaît une résurgence incontestable, mais il est instrumentalisé pour décrédibiliser le Nouveau Front populaire« . Tout en rappelant, dans un étrange paradoxe, que l’antisémitisme de gauche a une longue histoire. Ce qui le rendrait, du coup, pas si contextuel que ça…
De tous les arguments avancés ces derniers jours pour appeler à un vote sans état d’âme en faveur de n’importe quel candidat investi par le Nouveau Front populaire — ou plutôt par LFI — quoi qu’il pense, quoi qu’il ait dit ou quoi qu’il ai fait, celui-ci est le plus absurde. Et le plus sordide. Au nom de « l’urgence », et de l’indispensable barrage à dresser contre l’extrême droite — dont personne, à gauche, ne conteste la nécessité vitale —, il faudrait faire avec une certaine forme d’antisémitisme, qui ne serait qu’une succession malheureuse d’« égarements ». Un moindre mal pour la bonne cause, en quelque sorte.
D’accord. Admettons donc ce postulat douteux qui voudrait que l’antisémitisme maquillé en « antisionisme » qui a cours à LFI ne serait qu’une question d’opportunisme électoral. Et alors ? Est-ce-que ça le rend pour autant moins nocif, moins dangereux pour les Juifs en France ? Faut-il oublier ce qui s’est passé après le 7 octobre ? Passer par pertes et profits l’explosion des actes antisémites, qui, comme le soulignent pourtant les auteurs de la tribune, ont atteint une moyenne de 500 par mois fin 2023 ? Chanter, avec Mélenchon, que l’antisémitisme est « résiduel » ? Considérer comme un détail de l’histoire du féminisme le fait que, pour la première fois, des associations militantes, et non des moindres, ont relativisé des viols et des actes de barbarie commis sur des femmes ?
Il y a quelques jours, une gamine de 12 ans a été violée, tabassée et insultée par des adolescents du même âge parce qu’elle était juive. Flairant qu’il pouvait difficilement, cette fois, botter en touche, le Guide suprême de la France insoumise a condamné cet acte odieux. Mais il a bien pris soin de ne pas prononcer le mot, simple et net, d’antisémitisme, lui préférant la formule plus tortueuse de « racisme antisémite », diluant la haine des juifs dans un grand tout et la réduisant à un épiphénomène qu’il ne faudrait surtout pas « instrumentaliser ». Mélenchon ne fait pas de lapsus. Il ne s’ »égare » jamais. En vieille crapule politique biberonnée au trotskisme lambertiste, il pèse le sens et la portée de chaque mot qu’il emploie.
Mettre ça sur le seul compte d’un électoralisme de circonstance est un peu facile. Et quand bien même. Quels autres principes consubstantiels à la gauche républicaine ces minables mercenaires politiques sont-ils prêts à renier pour un bol de soupe à l’Assemblée ? Et pour quel résultat ? La marginalisation de l’extrême droite ? Non, sa légitimation. Car il y a plusieurs manières de paver la voie au Rassemblement national. Reprendre ses idées à son compte, comme l’a fait la droite. Mais aussi lui permettre de porter, par un aberrant tour de passe-passe, des valeurs qui lui sont ontologiquement contraires. Après lui avoir abandonné la laïcité, c’est désormais la lutte contre l’antisémitisme — qui ne serait que « propagande sioniste » — qu’on lui offre sur un plateau. Marine Le Pen a dû se dire que c’était trop beau pour être vrai…
Arié Alimi et Vincent Lemire ont raison de s’inquiéter de la menace que fait peser l’extrême droite sur notre démocratie et nos sociétés. Lui barrer la route est une priorité. Mais leur tribune est aussi inepte que les propos de Serge Klarsfeld sur la prétendue innocuité du RN.
© Gérard Biard
Résumons. La gauche laisse donc au RN, en plus de l’antisémitisme « ontologique » (!), la démocratie, le vote, la laïcité, la volonté générale, le drapeau tricolore, la Marseillaise, la nation française, l’histoire de France, etc. Pour elle, tout ça appartient au passé et sent le moisi. C’est « Terra Nova » au carré : ne regarder que la démographie et se positionner en conséquence. Une stratégie qui passait, il y a peu à gauche, comme « ontologiquement » de droite. Ce naufrage de la gauche ou cette trahison doit être sans doute une trahison « contextuelle ». Attendons les prochaines tribunes du « Monde » pour nous l’expliquer et le justifier. Qu’est-il arrivé à la gauche pour que toutes les valeurs de la Révolution française deviennent, selon elle, des valeurs d’extrême droite, racistes et ségrégationnistes ? Et qu’à gauche, on n’entende que des idéologues, des militants ou des missionnaires (écoutez ou regardez le Service public). Des gens qui disent la messe mais qui refusent absolument de penser. A croire que penser ne doit plus être de gauche ! Car penser exige comme première condition de reconnaître les faits et ne pas être dans le déni permanent. D’avoir le courage de dire ce qu’on voit, mais surtout de voir ce qu’on voit, comme disait Péguy (un vieux moisi).
Dans la mesure où l’extrême droite c’est l’islamisme, l’indigénisme et leurs alliés (europeisme inclus), il faut lire ce texte entre les lignes. Tout comme la LICRA et Caroline Fourest, Gérard Biard fait mine de dénoncer le parti nazi de Mélenchon tout laissant entendre qu’en fin de compte le vrai problème n’est pas la FI et le Hamas mais MLP…Cette incapacité à comprendre l’évolution politique du monde et la nature moderne du Fascisme n’est pas uniquement due à leur inculture politique mais également à quelque chose de bien plus grave : au fond d’eux, Biard et Fourest sont des melenchonistes qui s’ignorent.