Morts pour la France. Oui mais laquelle  ?  Thomas Stern

J’ ai eu l’honneur d’être invité le 21 février 2024 à l’entrée au Panthéon des Manouchian-Mélinée et Missac – et de leurs  22 camarades fusillés au Mont Valérien le 21 février 1944. Je dois ce privilège à la présence, sur l’Affiche Rouge, de mon oncle Thomas Elek, juif hongrois fusillé à 18 ans  aux côtés de ses camarades de combat, au Mont-Valérien.

Pour moi, le point culminant de la cérémonie fut la récitation, devant les cercueils des Manouchian, des 22  noms -difficiles à prononcer comme le dit Aragon dans son poème- interprétée ensuite avec talent par Feu!Chatterton.

“Marcel Rajman”, dit une voix

-“Mort  pour la France”, répond une autre.

Et la même litanie sera  répétée vingt deux fois pour Wolf Wajsbrot, Celestino Alfonso, Thomas Elek et les 19 autres qui me pardonneront, j’espère, de ne pas les citer. Deux français parmi eux -Rouxel et Cloarec- mais pour les autres tous des “métèques” et parmi eux beaucoup de juifs.

Cette récitation des noms ponctuée d’un “Mort pour la France”  constitue un poème à elle seule. Poème de bienvenue offert par une France accueillante à  des étrangers qui ont payé de leur  sang et les armes à la main le droit d’être ensevelis et honorés dans son sol.

Il a été si long à venir, ce rapatriement ô combien posthume! Il aura fallu 80 ans pour que soit démentie la prophétie lugubre de Thomas Elek qui, pressentant son arrestation par la police française, confiait  à sa mère en 1943 : 

-“Nous on va tous crever et dans deux ans, personne ne saura qu’on a existé”

La France t’a donné tort, Thomas. Te voilà au prix de ta vie devenu un de ses fils éternels, du fond de ta tombe marquée d’une étoile de David -que presque  plus personne n’ose aujourd’hui porter dans ses rues- tant est grande la crainte de s’en voir châtié.   

Te voilà, Thomas Elek, contraint de poser avec tes camarades,  pour une des nombreuses photos qui furent prise par la presse collabo avant votre exécution, dans la cour de la prison de  Fresnes. Elles constitueront l’iconographie  dont seront tirés les éléments de propagande ( affiche, brochure, articles de presse,   ) qui serviront à tenter de  vous disqualifier aux yeux des français comme métèques, juifs, et terroristes de l’ “Armée du Crime”.

Tu es, Thomas, à l’extrême droite de l’image, séparé de Manouchian par  4 de tes camarades  fixant du regard, comme Fingerzweig et Grizwack,  un objectif, tandis qu’après Wajsbrot qui a les mains jointes, Boczov et Manouchian en fixent crânement un autre.

Qui  regardes-tu, Thomas, au-delà de l’objectif  que tu fixes, dans ce moment capital, car tu sais bien que ces images seront les dernières traces visibles  de toi sur cette terre ? Ta mère? Les tiens ? La France ? Comme dans la complainte de Mandrin quand il dit  “Monté sur la potence, je regardais la France “?

J’aime me laisser aller à penser  que c’est à  moi que parvient ce regard d’archange égaré  parmi les voyeurs qui te clouent sur leurs images.  

Moi, l’enfant interloqué d’avoir dès quatre ans posé mes yeux sur cette image,  pour les attacher aux tiens. Ton regard qui m’a sauvé de la rage impuissante devant l’insondable horreur qui a miné mon père  sa vie durant comme elle a mutilé celle de ses fils, parce que son père sa mère son frère et ses soeurs furent raflés par la police française puis  gazés à Sobibor. 

Pourtant l’antisémitisme french touch ne m’aura pas épargné ma vie durant. Traité encore de youpin récemmment par un jeune bordelais chic, roué de coups de pied  à cinq ans pour les mêmes raisons par un alsacien ivrogne, chahuté au lycée, perpétuellement questionné pour savoir s’il faut m’appeler Stern ou Chtern. Passons. Je déteste, cela aussi tu me l’a appris, me poser en victime. Surtout ces temps-ci où le statut de victime de quelque chose est un préambule obligé pour quiconque veut se faire entendre. 

Et voilà, Thomas, que, me voyant croiser ton regard, je me laisser aller à imaginer  qu’après  tout, tu pourrais bien du fond de ton éternité  voir à travers mes yeux de désormais vieil homme ce qu’est devenue cette France que tu voulais si ardemment voir libre. Je suis au fond soulagé que tu ne puisse rien voir de ce que nous sommes devenus. Au moins tu es mort grandi, les yeux ouverts, dans ce que Charlotte Delbo, envoyée à Auschwitz pour faits de résistance, appelait la tornade de l’histoire.  

Un vent violent  souffle aussi  sur la France  d’aujourd’hui, Thomas, mais c’est un vent de panique. Loin de nous grandir il nous aveugle et nous rapetisse. Notre Macron dont le nom en grec signifie grand s’est  subitement micronisé sous l’effet amoindrissant d’un résultat électoral  incompatible avec son narcissisme de surdoué jupiterien. Car on  ne peut pas toujours s’aimer sans que personne ne vous aime. Métamorphosé par la profondeur de sa blessure narcissique en Joker,   il dissout l’ordre politique des choses à partir d’un message simple :  Moi aussi je peux foutre le bordel si je veux nananère !

La dissolution, sous la double urgence d’une accélération ingérable du tempo politique liée à la menace d’un triomphe annoncé du  Rassemblement National, cloue chacun de stupeur, agitant dans une même turbulence les agitateurs et les agités, ceux qui étaient déjà fous et ceux qui s’affolent.

Les contrecoups de ce  “Coup d’Etat Psychique”  pour reprendre l’expression pertinente de Raphael Liorca dans sa tribune du Monde, le 18 juin, sont de l’ordre du jamais vu en politique. Le  Grand Perturbateur  qui ne se gouverne plus  nous  shoote à sa propre angoisse.Plus personne ne sait où il habite, dans une France déjà minée par les difficultés économiques, la guerre aux portes, le carnaval sanglant de l’Islamisme radical, et les chahuts douteux de LFI, dans la rue comme à la Chambre.

 Politique de la psychose ou psychose de la politique ? À coup sûr, panique à bord sur tous les bords, bienvenue à Pétocheland. Tout le monde joue à se faire peur par le biais  de l’autre devenu l’Adversaire démoniaque -sauf le Rassemblement National qui opte pour le look costard cravate et Force Tranquille, mais qui est dupe ? Pas mal de gens, il me semble.  

Marx disait que lorsque le sol de leur propre histoire tremble les hommes la rejouent dans les  atours de leur passé  sous la forme d’une tragédie puis d’une farce sordide… Quand on ne sait plus comment jouer on rejoue. Ainsi en va-t-il  de ce remake bricolé à la hâte du “Front Populaire”  baptisé  “Nouveau” comme on fait des lessives ou des chips au goût indien sur les linéaires.

À peine constitué que déjà on s’y purge,  ce qui ne l’empêche  d’aller pâturer en foule l’herbe de l’unité, sur l’incontournable trajet République-Bastille-Nation. Farce ou tragédie ? Les images qui suivent invitent, surtout si on est juif, à opter pour la seconde hypothèse.

                     

C‘est vrai, il y a de quoi avoir peur, surtout quand on est juif. D’autant que le terrorisme -avec lequel flirtent ce genre d’allumés- a comme son nom l’indique pour première et unique  mission de faire régner la terreur. La vraie. Mais est-ce une raison pour perdre son sang froid et s’aller blottir dans les bras de ceux qu’on ne croit plus antisémites, sous-prétexte qu’ils n’aiment pas trop les musulmans ?

À cet égard et quel que soit par ailleurs l’immense respect que je lui porte je ne peux que m’attrister de voir Serge Klarsfeld  faire allégeance au Rassemblement National. Ne se serait-il pas lui aussi un peu trompé de film, voire d’époque ? Ou même de film d’époque ? J ‘ai l impression de voir les Klarsfeld père et fils jouer dans un remake des “Visiteurs”. Ils ressemblent à deux juifs du pape surgis -sans rouelle ni bonnet jaune- du 13e siecle, réfugiés jusque-là en  papauté avignonnaise  et venus se placer  dévotement sous l’aile bienveillante  de la bientôt nouvelle Reine de France. Une reine qui longtemps les aurait boutés hors du royaume  ou livrés aux barbaresques de l’islam sans remord.

Calmons-nous les amis, on n’est pas dans le Comtat Venaissin au 13e siècle ! Les juifs de France n’ont rien à quémander d’aucune souveraineté qui ne soit pas la leur. Nous juifs virgule citoyens français virgule exigeons de nos élus qu’ils protègent nos droits de citoyens point.

Coincé comme moi entre l’extrême gauche la plus bête et l’extrême droite la plus sournoise du monde, qu’aurais-tu fait Thomas ? De toi j’ai appris ceci : on a tous peur dans notre vie. Mais la panique ne doit jamais guider nos choix d’hommes libres. Si le bulletin que je vais mettre dans l’enveloppe me susurre “Tu m’as choisi parce que tu as peur”, j’en fais une boulette de papier et je la fous à la poubelle.

Thomas  Stern     

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5 Comments

  1. la dissolution, un geste d’ego blessé ? je n’y crois pas une seconde. et tout ce texte pour expliquer le vote blanc… soit. la seule chose certaine : voter LFI c’est voter pour les tortionnaires d’enfants juives, en Israël et en France.

  2. Je ne suis pas d’accord avec la dernière partie du texte : si Serge Klarsfeld décide de voter RN, c’est parce que ce dernier n’est PAS un parti d’extrême droite. Cela ne veut pas dire que le parti de MLP est irréprochable et admirable, loin.de là. Mais l’ennemi à affronter est bien avant tout la FI, le plus dangereux parti d’extrême droite d’Europe et son allié macroniste. Plus je cherche à établir une distinction entre le Front Populaire (aka Front Islamiste ou Front Antisémite) et le gouvernement macroniste, plus il m’apparaît évident qu’elle n’existe pas.

  3. Cher M. Stern,

    cet hommage particulièrement émouvant que vous rendez à votre oncle Thomas Elek, fusillé avec vingt-et-un de ses autres camarades au Mont Valérien, nous oblige à nous recueillir devant sa mémoire, comme à réfléchir à ce que peut bien signifier de nos jours, pour nous, le terme « mort pour la France » et, en outre, à méditer sur le sens que peuvent avoir sa vie et son martyre dans la perspective du choix civique et politique que nous devrons faire les 30 juin et 7 juillet prochains.

    Car il s’agit d’abord de faire un choix. Les résistants, qui ont été fusillés, avaient tous fait un choix par lequel ils auront mis leur vie en jeu. Ils n’ont pas botté en touche, attendant que la guerre s’achève ou renvoyant dos-à-dos, comme le chantait jadis, hélas, Brassens, l’oncle qui aimait les Tommies et celui qui aimait les Teutons. Soyons, par conséquent, au moins dignes d’eux, de leur sacrifice, en choisissant à notre tour d’aller voter, pour accomplir un acte beaucoup moins risqué pour notre vie personnelle. Par une confortable et commode indifférence, ne refusons pas l’obstacle en allant cueillir des champignons ou en votant blanc. Car si ne pas aller voter serait faire preuve de lâcheté, voter blanc, montrerait de l’aveuglement, puisque ce serait oublier que le but d’une élection n’est pas de permettre à l’électeur d’exprimer son opinion, confondant ainsi élection et sondage, mais de désigner quelqu’un pour exercer une fonction politique, au sein d’un État dont nous sommes les citoyens et dont nous avons intérêt à respecter un peu et protéger les fragiles institutions.

    Mais comment se laisser guider dans un tel choix ? Et surtout par quoi ? Votre texte m’a paru particulièrement bien nous montrer quelles seraient nos raisons de voter.

    On peut choisir, en premier lieu, de voter par fidélité pour le passé, au nom de la mémoire d’une nation ou de parents assassinés. Si l’on se tourne vers ce passé tragique, alors le choix s’impose de lui-même : il est impossible de voter pour le RN, héritier de ceux qui furent du côté de leurs bourreaux. On ne vote pas pour les descendants des antisémites et des assassins d’hier. Les morts par millions nous crient de ne pas les trahir, de ne pas les tuer une seconde fois. Voter RN, en dépit de ce qu’affirme Serge Klarsfeld un peu étourdiment, est inenvisageable, au regard de la tragédie indicible de ce lourd héritage.

    On peut aussi choisir, en deuxième lieu, de voter en n’écoutant plus ces voix lointaines, en ne répondant plus à l’appel, en se bouchant les oreilles, et vouloir se laisser conduire seulement par la force de sa peur présente. Ainsi, au regard du présent qui est le nôtre, il paraît impossible de voter pour des antisionistes maladifs, des antisémites qui ont choisi de qualifier le Hamas de mouvement de résistance et ses terroristes de justiciers en armes. Par cette peur, le choix s’impose nécessairement : il est impossible de voter pour la gauche et le NFP, avec LFI, NPA, les islamo-gauchistes, Rima Hassan, Houria Bouteldja en embuscade, tous prêts de nouveau au pire pour arriver à leurs fins. Bref impossible de voter pour des gens qui défendent ouvertement des politiques d’apartheid, qui nient la laïcité et qui professent une haine génocidaire des Juifs et des Israéliens, ni possible de voter pour ceux, socialistes, qui, par pur opportunisme électoral, s’en font les complices.

    Enfin on peut choisir, en dernier lieu, de voter en se laissant conduire par la raison, laquelle nous détermine dans notre choix en prenant en compte seulement l’avenir c’est-à-dire les conséquences rationnelles de notre choix, de notre vote. Et là, selon moi, ne pouvant ni voter RN ni NFP, il ne reste plus logiquement qu’à voter pour un candidat de la majorité présidentielle, majorité possible, quoique douteuse, allant d’un grand centre gauche à un grand centre droit, conséquence logique, je le sais, qui fera bondir plus d’un des intervenants réguliers de Tribune juive, auxquels je m’empresse de demander en retour : mais alors que faire d’autre ? ou mieux, que proposez-vous donc de faire, vous, personnellement ? Je prétends pas que ce choix soit le meilleur, qu’il soit un choix d’adhésion. Ce n’est pas non plus le pire, on le voit, quand on le compare aux autres. Ce n’est peut-être, en somme, que le moins mauvais des choix, comment souvent quand nous devons nous décider et que nous ne trouvons rien qui nous paraisse meilleur ou plus nécessaire.

    Si le RN gagnait les élections et disposait d’une majorité absolue à l’Assemblée (condition supplémentaire), il ne pourrait pas appliquer son programme en restant dans le cadre constitutionnel de la Ve République et de ceux des traités européens. Il lui faudrait changer la Constitution, voire changer de régime, comme le propose aussi LFI. Toute préférence nationale proclamée, toute remise en cause du droit du sol, par exemple, seraient aussitôt déclarées inconstitutionnelles par les sages du Palais Royal. La crise politique serait inévitable, doublée d’une crise sociale sans équivalent : grèves, manifestations permanentes, blocage d’un pays devenu totalement ingouvernable, effondrement de l’activité économique. Le chaos ne serait plus seulement dans l’Assemblée mais partout dans la rue.

    Si maintenant le NFP gagnait les élections, son unité électorale de circonstance éclaterait dans le mois suivant l’élection, face aux dossiers internationaux cruciaux comme l’Ukraine ou Israël, qui s’imposeraient à lui immédiatement. Le risque serait fort grand d’assister à une montée de l’antisémitisme et de voir les frères musulmans se livrer à un entrisme forcené sur tout le territoire, dont ils contrôlent déjà nombre de quartiers populaires islamisés. Le matraquage fiscal pour financer un retour de l’âge de la retraite à 60 ans, l’augmentation des salaires, la réduction du taux de TVA, le recours massif à l’emprunt avec une augmentation des taux d’intérêt que ce recours entraînerait, tout cela ruinerait un pays dont la dette est déjà colossale et conduirait La France tout droit à une mise sous tutelle du fait de son appartenance à la zone euro et au respect des obligations internationales auxquelles cette appartenance la contraint.

    Dès lors qui dit mieux ? Que de plus malins que moi m’éclairent en me proposant d’autres choix ou d’autres raisons de choisir. Pour l’instant je n’en vois aucun de mieux ou de moins pire. Et la fidélité, la peur et la raison conjuguées expliquent le choix par défaut auquel je me résous. Et si Macron n’est pas aussi grand que son patronyme le laisse entendre, je préfère encore voter pour ce micron ou ce minus, adolescent narcissique et immature, plutôt que voir une catastrophe économique ou une guerre civile s’abattre sur notre pauvre pays, catastrophe ou guerre, que, même en votant pour lui, je ne suis pas sûr, hélas, de pouvoir écarter.

  4. Macron / melenchon , les deux faces d une piece honteuse .
    Ils ont refusé de participer a la marche contre l antisemitisme car les voyous islamistes les conseillent tous les deux de la meme maniere .
    Ils s allieront apres la pantalonnade elective actuelle pour continuer a detruire la France .

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