Philippe Guibert. Macron redonne la main aux électeurs et oblige les forces politiques à sortir de leurs contradictions ou démagogies

Ça ne manque pas de sel . Beaucoup disaient que ça ne pouvait durer, qu’on n’en pouvait plus de ce pouvoir minoritaire qui n’écoute personne, qu’il fallait changer de politique, revenir devant le peuple…

Et quand Macron le décide – enfin ! – voilà que tout le monde crie : “Au fou !”

Mais les élections, c’est fait pour faire campagne et essayer de convaincre pour gagner ! Si on n’en est pas capable, il faut plus travailler et accepter le verdict des urnes. Et si le RN gagne, eh bien c’est la démocratie !

Le mérite de Macron est de rompre avec le système issu du quinquennat qui consiste à ne jamais revenir devant le peuple entres deux scrutins présidentiels en se planquant derrière une majorité parlementaire assez factice et /ou derrière la constitution avec son 49al3, pour tenir bon coûte que coûte malgré l’impopularité et la perte des élections intermédiaires .

On était au bout du bout de ce système qui a dénaturé la Vème République pour en faire une Vème bis sans le peuple. Avec une très grave crise de légitimité à la clef.

Il y a des risques ? Bien sûr, celui de la démocratie, de la cohabitation, de coalitions improbables. Mais après l’immense frustration de 2022 – une réélection sans campagne ni majorité – c’était inéluctable. Sinon c’était soit la paralysie , soit une motion de censure soit la violence au bout du chemin.

Macron prend au mot le RN qui à mon humble avis bluffait en demandant une dissolution auquel personne ne croyait. Chacun est désormais placé devant ses responsabilités. Le RN qui est loin d’être prêt à gouverner. La gauche profondément divisée, après l’échec de la NUPES, et la droite qui à force de ne pas choisir entre Macron et Le Pen ne pèse plus grand chose.

Là est le calcul. Mais qui a vu un pouvoir déclencher des élections quand ça arrange ses oppositions?

Bien joué : Macron aura enfin redonné la main aux électeurs et obligé les forces politiques à sortir de leurs contradictions ou démagogies.

© Philippe Guibert

Philippe Guibert est enseignant et chroniqueur à Cnews

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3 Comments

  1. Ce qui frappe l’esprit, c’est le contraste saisissant entre des articles de prop Macronienne édifiants comme celui-ci ou au mieux passables et la grande pertinence des commentaires d’internautes _ du moins la majorité d’entre eux. L’intelligence politique se trouve essentiellement chez des anonymes éclairés. Pas (ou rarement) chez les gens dont c’est le métier.

  2. A Michel et Jérôme O.

    Je vous trouve sévères tous les deux à l’égard de Philippe Guibert. Laissons de côté un instant les critiques ad hominem toujours un peu faciles quand elles dispensent de répondre sur le fond. Ce qui est dit du quinquennat, de la dérive institutionnelle qu’il a provoqué en limitant le vote populaire à la seule élection présidentielle, renforcée par l’inversion du calendrier – de sorte que tout pouvoir élu peut désormais « tenir » cinq ans contre le peuple, « enjamber » le résultat des élections intermédiaires (municipales, régionales), employer le 49.3 pour faire passer le budget ou quelques lois phares et permettre toutes les alliances de circonstance y compris les plus improbables –, me paraît constituer une opinion de bon sens, sur laquelle on peut tomber d’accord au simple regard des faits.

    La décision de dissoudre l’Assemblée a au moins le mérite de forcer ceux qui ne voulaient décider de rien, à devoir (se) décider à leur tour, à sortir de l’ambiguïté en s’exposant personnellement. Que le PS et le PCF, qui hier n’avaient pas de mots assez durs pour agonir Mélenchon, se rallient à LFI en cette occasion et bricolent dans leur arrière-cuisine une alliance électorale, un programme, avec cerise sur le gâteau, une désignation d’un chef de campagne, Premier ministre putatif, montre bien, quand même, qui sont ces gens. Si les mots nous dissimulent, les actes nous découvrent. Et le spectacle de leur nudité est édifiant : pas très érotique. Choisir de « lutter contre l’extrême droite en s’alliant avec les Insoumis, c’est lutter contre un incendie avec des bidons d’essence » pour reprendre ici les mots de Raphaël Enthoven. De l’autre côté, le spectacle de Ciotti, enfermé à double tour au siège des LR, montre à lui seul de quel bois les républicains de droite sont faits et de quoi ils sont capables. La geste de M. Ciotti, c’est la folie grotesque du père Ubu.

    J’ai été très frappé, mais pas surpris, d’apprendre qu’à Bruxelles on se disait incrédules et inquiets devant la décision de Macron d’en appeler aux électeurs. Cela confirme que Bruxelles constitue bien un nouvel artefact politique : une démocratie de haut-fonctionnaires, déparée du moindre peuple, pour laquelle le vote est plus une cérémonie folklorique quinquennale qu’un acte politique réel. Et comme tous les Eurocrates ont appris à l’école qu’Hitler avait pris le pouvoir par le moyen des élections, l’Europe n’a de cesse de se méfier de la démocratie, ne voulant conserver de la chose que le mot. Un mot prestigieux qui a encore un peu d’aura et peut servir d’arme idéologique efficace contre des ennemis politiques qui ne le sont pas, pas même de nom. Car s’il est difficile de tenir la Russie pour une démocratie réelle, il est très audacieux d’affirmer que l’Ukraine en est une et qu’Israël serait un État völkisch. L’Union européen a gardé quelques beaux restes de l’Europe allemande laquelle, on s’en souvient, aimait beaucoup les Ukrainiens mais peu les Russes pour ne rien dire des Juifs…

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