Georges-Elia Sarfati. De Vichy à Jérusalem. Note de circonstance

Depuis quelques années, le nouvel essor de l’antisémitisme, a pu conduire un certain nombre de citoyens français de confession juive à se poser la question de la redéfinition de leur engagement politique. Il est vrai que la France est le seul pays d’Europe où des Juifs ont été victimes d’assassins invariablement mus par l’idéologie du djihad, ou, ce qui est plus acceptable, à sa version universaliste, le ‘’palestinisme’’. Ce n’est pas ici le lieu de revenir sur la chronologie de ces exactions, dont une partie a été assimilée par les autorités politiques et judiciaires de notre pays à des passages à l’acte pathologiques. Dans nombre d’occasions, depuis deux décennies, nous avons appris que la psychiatrie représente une saine alternative au droit pénal chez des juges soucieux de ne pas faire de vague.

Dans ce contexte, le ‘’danger islamiste’’ a permis à l’extrême droite française, mais aussi européenne, de recycler sa rhétorique séculaire. L’étranger y porte toujours le masque de la trahison, de la double allégeance, du danger, de la subversion des ‘’valeurs éternelles’’. C’est au demeurant une constante de cette même rhétorique de conjuguer à souhait le repli obsidional avec la suspicion obsessionnelle, à l’endroit de l’élément allogène, ou désigné comme tel. Par extension, il a toujours été dans la nature de l’extrême droite d’assigner tacitement à l’ennemi de l’intérieur ainsi désigné la fonction de ciment idéologique destiné à fortifier sa conception étriquée de la nation.

Et parce que la communauté juive de France se sent de plus en plus exposée, et fragilisée par la montée en puissance d’un antisémitisme débridé, qui ne se soucie plus de maintenir une distinction factice avec l’antisionisme, la tentation est grande pour beaucoup de ses membres d’envisager d’apporter leurs suffrages à une extrême droite dont certains représentants n’ont pas hésité à s’ériger en défenseurs de « nos concitoyens juifs » (« Nous serons un rempart… »).

Bien oublieux qui se laisserait prendre à cette mutation argumentative, qui consiste d’abord au plan politique immédiat à transformer un désarroi en opportunité électoraliste. Ce ne serait plus un argument de campagne, mais une véritable ‘’révolution…nationale’’ !

Deux contre-arguments, qui valent pour mémoire, demandent ici à être tirés de l’oubli. 

Première question, à double détente : Un citoyen français de confession juive peut-il sensément apporter son suffrage à des formations politiques dont les fondateurs ont théorisé, justifié et donné leurs lettres d’infamie à l’antisémitisme moderne ? Un citoyen français de confession juive peut-il sensément, sans faire fi de l’histoire, ou mieux de son savoir familial, cautionner dans une élection où se joue aussi le devenir politique et éthique de l’Europe, des formations politiques dont la filiation s’enracine directement dans l’histoire de la déportation des Juifs de France ?

Deuxième question, elle aussi à double détente, après un second rappel. La principale formation de l’extrême droite a depuis plusieurs années fait savoir, par le biais de son programme officiel, que si ses représentants parvenaient au pouvoir, ils délégaliseraient la possibilité pour quelque citoyen français que ce soit de parcourir le monde avec deux passeports, ou seulement d’exciper d’une double nationalité. Pour l’extrême droite, un Juif a toujours été un ‘’élément allogène’’, un « cosmopolite ». Disons qu’aujourd’hui, pour les nouveaux fascistes, le ‘’métèque’’ a seulement changé de visage. De là à complètement naturaliser ‘’le Juif’’…

 Mais à notre connaissance, depuis 1948, il existe quelque part dans le monde un Etat appelé Israël, lequel entretient quelque relation avec les Juifs du monde entier… Or la plupart, plus encore depuis le 7 Octobre 2023, n’y sont pas indifférents.  Il est par conséquent bon, en la circonstance, d’ajouter à ce rappel, la réitération d’une très vieille recommandation : Ne jamais décider de rien, sans avoir réfléchi au mieux à toutes les conséquences de notre décision. Au risque de le regretter un jour.

© Georges-Elia Sarfati

Georges-Elia Sarfati : Philosophe, linguiste, psychanalyste existentiel. Fondateur de l’Université Populaire de Jérusalem. Poète, lauréat du Prix Louise Labbé.

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3 Comments

  1. Je partage en parti votre avis, en particulier concernant la double nationalité. Ce que vous dites vaut pour les franco-israëliens mais également pour les franco-marocain qui, à ma connaissance, ne peuvent abandonner leur nationalité marocaine car ils sont sujets du roi.
    Par ailleurs il y a un problème avec l’ extrême-droite, mais on ne peut pas durant des siècles nous faire le coup du ” retour de la bête immonde “.
    La bête immonde la gauche l ‘ a pas mal entretenue.

    Pour préciser le problème de la Collaboration: quelques faits :
    Les communistes n’ont rejoint la Résistance que quand le pacte germano soviétique est tombé à l’eau en 1941.
    Thorez secrétaire du parti communiste a déserté et s’est réfugié en URSS

    Les munichois Déat et Laval étaient de gauche en 1938/39, Daladier était radical-socialiste.

    On constate une surreprésentation par rapport à leur poids politique des militants d’extrême droite parmi les fondateurs de la Résistance et les premiers soutiens du général de Gaulle.
    Selon Simon Epstein, à Londres en 1940, autour du général de Gaulle, on trouve une conjonction de Juifs sur-représentés par rapport à leur poids dans la population et d’ancien maurrassiens et cagoulards, eux-mêmes en surnombre par rapport à leur poids politique d’avant-guerre.
    source :
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Un_paradoxe_fran%C3%A7ais

    Pour terminer on peut lire un article tout simple, factuel, dont le titre est parlant : « Quand la gauche collaborait, 1939-1945 »
    Le lien : https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/12/10/tv-quand-la-gauche-collaborait-1939-1945_5227582_1655027.html

    Sur Vichy, le casino de Vichy le jour du vote pour Pétain, on peut relire les biographies et les textes de Blum. En ce jour fatidique ils s’ est retrouvé seul, tous ses amis socialistes le fuyant.

  2. L’antisémitisme revenant par la Gauche depuis 25 ans, la droite n’ayant pas toujours été exemplaire, les extrêmes jetant soit de l’huile gauchiste sur le feu islamiste soit promettant la fin de l’abattage rituel ou de la circoncision, il devient difficile de savoir pour qui voter, tous les partis ayant fait preuve d’une désinvolture coupable sur la question de l’antisémitisme qui n’est pas réellement combattu !

    Néanmoins le CRIF n’hésite pas à appeler subliminalement à voter pour Macron, malgré son bilan sur l’antisémitisme.

    Si les valeurs universalistes et républicaines auxquelles tiennent les Juifs de France ne s’incarnent plus dans les différentes propositions politiques, alors une seule conclusion logique s’impose !

  3. Si vous voulez conserver vos 2 passeports, votez pour Macron ou le PS. Ainsi, vous aurez une immigration musulmane hostile aux juifs sans fin.

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