La liste publiée en ligne classe les écrivains dans les catégories « pro-israéliens/sionistes », « pro-palestiniens/anti-sionistes », « c’est compliqué » ou « des deux côtés ».
JTA – L’agent de la romancière Talia Carner l’a contactée jeudi matin pour lui faire savoir qu’elle figurait sur une liste devenue virale.
Généralement, c’est une bonne nouvelle pour un auteur. Mais Carner sait bien que la vérité est tout autre : depuis décembre, dit-elle, elle est harcelée par des personnes persuadées que le contenu de son dernier ouvrage, qui se déroule après la Shoah, est la preuve qu’elle soutient Israël. Aujourd’hui, elle est sur une liste virale baptisée « Votre auteur préféré est-il sioniste ? » – clairement du côté « oui ».
Elle ne conteste pas la conclusion, mais craint les conséquences de ce classement. Même si l’adage dit que toute publicité est bonne à prendre, elle assure : « Pas dans mon cas. Cela me rend très nerveuse », a-t-elle déclaré à la Jewish Telegraphic Agency. « Cet antisémitisme me dévore ».
La liste, créée cette semaine par une utilisatrice de X nommée Amina, compile messages sur les réseaux sociaux, déclarations publiques et lectures attentives pour classer les auteurs en catégories : « Pro-Israël/sioniste », « Pro-palestinien/anti-sioniste » et diverses nuances de « C’est compliqué », à commencer par « Des deux côtés ».
La liste propose également des actions à prendre en fonction des réponses à la question du titre. « Si OUI, il est suggéré de ne pas leur donner d’argent (achat de leurs livres, streaming de leurs émissions/films) ou de promouvoir leur travail sur les réseaux sociaux », peut-on ainsi lire. « Si ce n’est pas clair, à vous de décider. Je suggère de s’abstenir d’acheter/promouvoir jusqu’à plus amples preuves ».
Pour les défenseurs des auteurs Juifs, cette liste confirme l’existence d’un climat d’intolérance au sein duquel les auteurs perçus comme pro-israéliens font face à l’exclusion et au harcèlement.
« Nous entendons parler de listes comme celle-ci depuis des mois. En voir une, assortie des explications, a quelque chose de réellement effrayant », confie Naomi Firestone-Teeter, PDG du Jewish Book Council, dans un communiqué.
Capture d’écran de la liste, sous forme de feuille de calcul Google, intitulée « Votre auteur préféré est-il sioniste ? », qui montre comment utiliser la liste des auteurs que les créateurs du document jugent pro-israéliens ou pro-palestiniens. (Capture d’écran Google)
« Tout cela nous ramène aux années 1930. Appeler au boycott des auteurs juifs et de leurs livres revient à brûler des livres », estime la présidente du groupe, Elisa Spungen Bildner, dans un communiqué. (Bildner est également membre du conseil d’administration de 70 Faces Media, la société mère de la JTA.)
Cette liste ajoute encore à l’agitation qui règne au sein du monde littéraire : les prix littéraires les plus prestigieux, la direction du centre culturel juif de New York 92NY, les grandes cérémonies de remise de prix et le personnel du magazine Artforum sont tous travaillés par les tensions liées à la guerre entre Israël et le Hamas, qui dure aujourd’hui depuis sept mois. Le mois dernier, le groupe littéraire de liberté d’expression PEN America a annulé sa cérémonie annuelle de remise de prix, ainsi que son festival, la plupart des nominés ayant appelé au boycott du groupe, auquel ils reprochent de ne pas suffisamment critiquer Israël.
La liste, qui comptait près de 200 noms jeudi, suggérait que le simple fait de ne pas se prononcer sur la guerre était de nature à éveiller le doute.
Karen McManus, auteure de « One of Us is Lying », est qualifiée de « peu claire » dans ses opinions, avec le commentaire : « Apparemment pas engagée ». Tout comme Salman Rushdie, lauréat du Booker Prize qui a failli être tué en 2022 par un homme rendu fou par sa critique de l’islam ; Rushdie a soutenu une collecte de fonds pour Gaza mais a également participé à un événement de PEN America, indique le document, ce qui conduit à la conclusion qu’il est « au mieux, des deux côtés ».
La plupart des auteurs présents sur cette liste et considérés comme pro-palestiniens le sont à la faveur de messages sur les réseaux sociaux faisant état de leur inquiétude au sujet de la guerre d’Israël contre le Hamas à Gaza. Certains ont participé à un événement, en février, au cours duquel des auteurs ont vendu aux enchères des livres signés pour collecter des fonds pour les enfants amputés de Gaza.
L’une d’entre elles, Antonia Angress, figure dans cette catégorie pour avoir publié sur Instagram un visuel de l’organisation juive non sioniste IfNotNow appelant à un cessez-le-feu, et aussi parce qu’un des personnages de son roman « Sirens & Muses » dit son opposition au régime militaire israélien dans les territoires palestiniens. « Soutient activement la Palestine et est également juive, mérite donc notre soutien », peut-on lire dans la liste.
Nombre d’auteurs identifiés comme pro-israéliens ou sionistes sont juifs, mais pas tous. (Selon les sondages, la plupart des Juifs américains se sentent liés à Israël, à l’exception des jeunes Juifs disent, dans le meilleur des cas sans opinions sur Israël et, dans le pire des cas, très critiques.) Certains défendent ouvertement Israël, mais d’autres se retrouvent dans la même catégorie sur la foi d’un message jugé pro-israélien, comme un lien d’octobre vers une collecte de fonds pour un fournisseur de services d’urgence israélien, dans le cas de la romancière à succès Kristin Hannah. Une autre auteure, Annabel Monaghan, est considérée comme sioniste parce qu’elle a « publié du contenu pro-israélien sur Instagram sans mention de la Palestine ». Le message, daté du 12 octobre, dit son inquiétude pour ses amis juifs alarmés par l’attaque dévastatrice du Hamas contre Israël et l’antisémitisme.
Les terroristes dirigés par le Hamas ont assassiné 1 200 personnes, essentiellement des civils, et enlevé 252 personnes dans des communautés du sud lors d’un massacre qui a déclenché la guerre entre Israël et le Hamas.
« Je suis en bonne compagnie, si quelqu’un comme Kristin Hannah est aussi dans la liste », ironise Carner. « La question est de savoir quelles conséquences cette liste va avoir. Plus elle s’allonge, mieux ce sera pour tous, surtout si elle contient des noms comme ceux-là ».
La liste pourrait en effet encore enregistrer de nouvelles entrées, le tweet ayant dépassé le million de vues – et plus de 8 000 partages –, dans certains cas vu par des dizaines de personnes à la fois. La créatrice de la liste, identifiée dans le document comme étant Amina Hossain, l’a mise à jour jeudi après-midi.
Elle n’a pas répondu à une demande de commentaire jeudi, mais a admis sur X que son document était devenu viral – et suscitait des critiques.
« Comme nous nous éloignons de mon public cible, j’invite mes abonnés à ne pas entrer dans des échanges avec des propagateurs de haine », a-t-elle écrit. « Vous avez autre chose à faire de votre temps et de votre énergie, et c’est exactement ce qu’ils veulent ».
Firestone-Teeter a déclaré que la liste prouvait la nécessité que le Conseil vienne en aide aux auteurs juifs confrontés à l’antisémitisme, par exemple grâce à un tout nouveau système de signalement.
« Cette liste, qui s’ajoute aux agressions dont sont victimes nos auteurs – déluge de critiques, annulations d’événements littéraires juifs, harcèlement en ligne, censure – est profondément troublante et nourrit nos inquiétudes d’une diffusion de l’antisémitisme à grande échelle à travers le monde littéraire, et au-delà », conclut-elle.
© Philissa Cramer
Cela rappelle la délation des années 30, cette Amina est une antisémite. De quel droit cibler des auteurs « pro-israéliens/sionistes »? C’est la dictature de la pensée. J’ai dans ma bibliothèque les biographies de Golda Meir, de Serge et Beate Klarsfeld et bien d’autres encore. Je suis pro-israélienne, peut t-on me considérer comme sioniste? Et même si c’était le cas ce n’est pas une tare.Personne ne m’interdira de lire les écrivains que j’apprécie et surtout penser ce que je veux. Ce sont les pires dictatures communistes et faschistes qui se sont distingués dans l’établissement de ce genre de listes. On commence par figurer sur « une liste d’auteurs maudits » et on finit dans un camp d’extermination (Robert Desnos, poète surréaliste et résistant français », mort en déportation en Tchéquie le 8 juin 1945).
Je ne comprends pas cette »inquiétude des milieux littéraires »… C’est du niveau caniveau et l’auteur de cette liste devrait normalement être poursuivie, cette initiative ne tombe t-elle pas sous le coup de la loi ? L’appel au boycott est en principe interdit, non ?
Il y’a ce que la loi réprime et la volonté des pouvoirs publiques de sévir.
Dans cette matière plus que dans tout autre, ce gouvernement ne fera rien qui puisse obérer son maintien au pouvoir. La sureté de la communauté juive, une toute petite minorité n’est que quantité négligeable face aux défis soulevés par « l’autre côté ».