Alain Bienaimé. Quelques réflexions sur le terme “islamophobie”, en réponse à M. Hafiz, Recteur de la Grande Mosquée de Paris

M. le Recteur Hafiz déclare sur Twitter : “Je suis profondément choqué et consterné par les déclarations au Figaro de Philippe Val. Affirmer ouvertement son islamophobie, une HAINE irrationnelle d’une religion entière (je mets en majuscule, A.B.), est non seulement irresponsable mais également dangereux”. 

Sans vouloir paraître trop pédant, je voudrais rappeler à M. le Recteur, qui doit bien le savoir du reste, ce que veut dire exactement en grec le mot “islamophobie”, ce néologisme employé par les Frères musulmans dans la lutte idéologique et politique qu’ils mènent partout en Europe afin de prendre le pouvoir par la voie des urnes et y installer des Républiques islamiques, après leur conquête récente de la Grande Mosquée de Paris. Ce simple mot, qui constitue une vraie arme de guerre, n’est peut-être pas, en l’espèce, le mot le mieux choisi, puisqu’il peut facilement se retourner contre ceux qui l’emploient, comme le prouve Philippe Val, qui n’hésite pas à se déclarer ouvertement « islamophobe » et à faire d’un trait d’infamie, un titre de gloire parfaitement assumé. Mais enfin, le position de Val reste marginale, de sorte que la force polémique de ce terme en fait un moyen redoutablement efficace, capable de faire taire les gens plus pusillanimes ou tous ceux qui ne veulent pas vivre en permanence avec un service de sécurité pour les défendre.

Que signifie, en effet, littéralement, le mot “islamophobie” ? Est-il l’affirmation d’une « haine » de l’Islam, comme feint de le croire M. le Recteur Hafiz dans son tweet ? Si j’ouvre le Bailly, j’y lis que le mot “phobos” signifie “peur”, “crainte”, et nullement “haine”, qui se dit en grec “misos”. Le “misogyne” hait les femmes, le “misanthrope” hait ses semblables. Ainsi l’islamophobe n’est pas celui qui “hait” l’islam, mais celui qui en a “peur”. Si l’on avait voulu parler d’une haine de l’islam, il aurait fallu forger le mot : “islamomisie”, ce qui eût été plus exact étymologiquement mais moins heureux morphologiquement.

La ruse que permet le mot “islamophobie”, jusque dans son faux sens parfaitement calculé, consiste à jouer précisément sur ce double sens, à la fois de la haine et de la peur, alternativement ou simultanément. En effet, quand ce terme n’est pas employé dans le faux sens de “haine” de l’islam – emploi qui permet de dénoncer un délit autorisant le dépôt d’une plainte au pénal –, mais dans le vrai sens de “peur” de l’islam, le terme “phobie” suggère aussitôt que cette peur serait de nature pathologique, irrationnelle, infondée chez celui qui l’éprouverait : en somme qu’elle serait un simple délire ou une hallucination à soigner de toute urgence. Ce terme est donc finalement moins une faute sémantique qu’un habile moyen tactique. Il permet d’accuser quelqu’un soit de racisme, de haine, soit de folie, de phobie, d’en faire un délinquant ou un fou, c’est-à-dire d’exclure qu’il puisse être une victime, ayant eu à pâtir de l’islam, au cours de sa vie passée. Il permet de sous-entendre aussi que l’islam serait par définition toujours libérateur, apportant la paix à qui sait s’y soumettre, à l’inverse des islamophobes qui, eux, vrais et seuls fauteurs de troubles, viendraient jeter le discrédit sur toute une communauté qui pratique sa foi en toute discrétion.

Or, franchement, M. le Recteur, vous ne pouvez pas interdire aux “mécréants” d’avoir peur de l’islam et tenir simplement cette peur pour la lubie de quelques esprits égarés. La peur est un sentiment irrépressible que l’on peut légitimement ressentir devant une religion aussi particulière, qui peut employer tantôt le sabre, la kalashnikov ou l’explosif, tantôt le double langage, la fausse promesse, la taqîyya, pour parvenir à s’imposer historiquement. Et je ne sache pas que ce sentiment de peur, éprouvé par quiconque, soit, en soi, une chose condamnable s’il repose sur des faits qui objectivement viennent le justifier. Une telle peur n’a plus rien alors de pathologique ou de délirant. Elle exprimerait même une saine prudence. Et ce serait peut-être un devoir, de la part de ceux qui la nourrissent, de s’interroger sur eux-mêmes pour en comprendre la cause et chercher le moyen d’y remédier, autrement que par des formules creuses et paresseuses.

Cette peur, l’actualité la plus récente est là pour lui donner corps. Elle ne doit plus être un sujet d’étonnement. C’est d’ailleurs l’inverse qui serait étonnant : de ne pas avoir peur de l’islam quand on n’est pas musulman, voire peut-être même quand on l’est… Car bien des musulmans sont secrètement islamophobes et souffrent du poids du qu’en-dira-t-on communautaire, à commencer par tant de jeunes filles, obligées de se couvrir de ce tissu lugubre, donnant l’impression qu’elles portent le deuil d’un proche ou qu’elles expient l’éclat de leur jeunesse. C’est leur désir, me direz-vous ? Allons donc ! Nos désirs sont de toutes les choses celles qui nous appartiennent le moins. Quand on parle avec des musulmans, M. le Recteur, et c’est souvent éclairant, faites-le parfois, je vous l’assure, la umma ressemble plus au monde de 1984 qu’à l’abbaye de Thélème.

Peur, tout d’abord, des extrémistes, des terroristes du Hamas, capables de commettre le pogrome du 7 octobre en Israël et qui se voient qualifiés de résistants ou de djihadistes, dans une équivoque où se mêle, comme toujours, depuis la naissance de l’Islam, le temporel et le spirituel. Mais peur aussi des musulmans dits « modérés » qui, par crainte de la fitna, de la division, du schisme, préfèrent se taire, comme toujours, en faisant montre d’une fidélité sans faille envers d’autres musulmans, n’étant pas en droit de dire qui est bon ou mauvais fidèle, du moment que celui-ci respecte ou prétend respecter les préceptes de l’Islam. Devant la disparition de tout esprit critique, devant ce mur de silence qu’engendre l’esprit de corps communautaire, comment s’étonner que les mécréants n’aient pas peur, s’ils ont assez de courage pour garder leurs yeux ouverts et voir ce qu’ils voient ? Et particulièrement si le seul juge autorisé à séparer le bon grain de l’ivraie reste Dieu lui-même, de sorte que, si personne d’autre que lui ne fait le tri, personne ne le fera jamais parmi les fidèles ! Allah reste une bien faible force de police, M. le Recteur, surtout si le ciel est vide, hypothèse qu’on ne peut pas exclure malgré tout.

À titre personnel, je n’aurai plus peur de l’Islam le jour où la liberté de conscience sera effective dans le monde musulman et qu’elle ne reposera plus sur le seul verset du Coran (II, 256), éternellement rabâché, et qui n’est que de simples mots écrits sur du papier. Si le Coran se déclare tolérant en matière de liberté religieuse, le problème vient de ce que la grande majorité des musulmans ne le sont pas, et qu’un musulman qui se dirait, athée ou bouddhiste ou, horribile dictu, juif, serait un apostat sûrement déjà mort ou sur le point de l’être. Ne me dites pas le contraire, M. le Recteur, je ne vous croirais pas, ou je vous traiterais de menteur, ou de personne casanière voyageant peu en terres d’Islam ! Ce n’est pas ce qui est écrit qui importe – d’autant que l’écrit est toujours matière à interprétation – mais ce que l’on en fait et ce que l’on fait soi-même, en toute fin, par nos actes. A la différence du christianisme et de l’islam qui jugent l’homme sur sa foi intérieure ou la fermeté de sa fidélité, le judaïsme le juge sur ses œuvres. Ce sont elles, et elles seules, qui portent témoignage.

L’Islam serait sans doute bel et bon si on pouvait le réduire à Dieu, au Coran et au Prophète (car avec sa petite famille par la suite cela se gâte déjà un peu, comme vous le savez mieux que moi), ou à ses réalisations culturelles de première grandeur et qui sont nombreuses. Mais malheureusement il y a le reste, tout le reste : les musulmans du monde entier avec qui les choses s’aggravent considérablement et pour qui la haine des Juifs constitue le sixième pilier tacite de l’Islam et l’un des mieux respectés. Voyez-vous, M. le Recteur, je ne juge pas une assurance aux promesses mirifiques de son contrat, mais à la hauteur des remboursements qu’elle me verse quand survient le sinistre. Et quand l’écart entre les promesses et leurs réalisations est trop grand, il est humain de changer d’assurance ou de ne plus vouloir s’assurer. A moins bien sûr que l’assurance ne soit obligatoire…

© Alain Bienaimé

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4 Comments

  1. Vous dites : “…. bien des musulmans sont secrètement islamophobes et souffrent du poids du qu’en-dira-t-on communautaire, à commencer par tant de jeunes filles, obligées de se couvrir de ce tissu lugubre,.. ”
    On peut ajouter ….qui ont peur de boire un verre d’ eau lors du ramadan, qui ne peuvent choisir un petit copain non musulman etc .
    Beaucoup de femmes musulmanes, ou de femmes qui par leur apparence sont assignées musulmanes, souffrent de leur condition.

    • Est-il bien au courant, M. le Recteur, de ce qui se passe dans la communauté musulmane ? Sait-il par exemple qu’une jeune musulmane peut se faire avorter parce que son enfant, né après seulement cinq ou six mois de mariage, aurait révélé à toute la communauté qu’elle avait couché avec son fiancé avant d’être mariée et que ce n’était pas envisageable, qu’il fallait cacher cet “abominable faux pas” et lui préférer l’avortement juste pour sauver les apparences ? J’ai connu ce cas. Qu’en pense M. le Recteur ?

  2. LES REGARDS changeront quand les pays musulmans deviendront démocratiques et autoriseront toutes les religions sur leur terre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui .tous les chrétiens et juifs on été tués et mis à la porte de chez eux , alors qu’ils étaient là avant les musulmans

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