Rachel Khan : « Monsieur le procureur général de la CPI, il faut un Tribunal de Nuremberg du 7 octobre, voilà tout »

Le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, à Bogotá, en Colombie, le 25 avril 2024. LUIS ACOSTA / AFP

TRIBUNE – Le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a réclamé des mandats d’arrêts contre des dirigeants israéliens et du Hamas. La juriste et écrivain Rachel Khan lui adresse une lettre ouverte.

Monsieur le procureur général de la CPI,

Je me permets de vous écrire, partageant le même nom de famille, sujet à ricanements, ce qui crée un certain sentiment de proximité.

Je ne m’étendrai pas ici sur le fait que vous contribuez involontairement à alimenter l’antisémitisme en mettant sur un pied d’égalité Netanyahou et le Hamas. Si l’on devait fournir des arguments aux haineux, votre demande de mandat d’arrêt conjoint en serait un parfait exemple. De toute façon, tribunal ou non, droit ou non, Israël est coupable depuis des millénaires et plus encore depuis le 7 octobre, car certains diront que le pogrom «ne tombe pas du ciel», n’est-ce pas ?

Je souhaiterais ici vous parler de l’institution que vous dirigez, la Cour pénale internationale (CPI), souvent critiquée, ignorée et méconnue. En raison d’une notoriété limitée, je comprends la nécessité de menacer de mandat d’arrêt des personnalités médiatiques comme Netanyahou, afin de mettre en lumière cette CPI qui peine à exister et à créer du droit.

En lançant ce mandat, la CPI se positionne comme un rempart contre l’impunité du Hamas.

Cependant, Monsieur Khan, au-delà des apparences et des polémiques, vous avez accompli, sans doute involontairement, quelque chose de significatif en demandant un mandat d’arrêt international contre les terroristes du Hamas. Ce geste, bien que passé inaperçu auprès des haineux obsédés par la nazification des Juifs, est un signal fort pour les victimes de ces barbares et pour tous ceux qui croient en un monde où les Juifs ont le droit de vivre, un monde de justice et de dignité humaine.

En lançant ce mandat, la CPI se positionne comme un rempart contre l’impunité du Hamas, dont la charte prône un génocide, l’éradication d’Israël et des Juifs, qui est responsable du pogrom du 7 octobre, de la détention arbitraire d’otages, de femmes violées, de la terreur des tunnels, de l’usage d’armes dans les hôpitaux, et de la destruction du peuple palestinien qu’il prétend défendre en l’utilisant comme bouclier humain. Je m’interroge d’ailleurs sur les moyens de la CPI pour enquêter sur toutes les ramifications de ces actes, de la complicité de l’United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees (Unrwa) jusqu’au financement de l’Union européenne.

Avec votre demande, vous rappelez que le Hamas et ses dirigeants sont reconnus comme un «groupe terroriste» par de nombreux pays. Vous donnez ainsi du poids à cette notion. Pourquoi sinon les parlements nationaux retiendraient-ils cette qualification sans aucune conséquence juridique, voire en entérinant l’impunité de ces groupes ?

En droit international, seuls les États sont responsables. Voilà tout le problème que vous enjambez, Monsieur Khan.

En filigrane, vous soulevez un enjeu majeur : il n’existe pas de droit international du terrorisme tangible. Au vu des actes subis sur tous les continents de la part d’al-Qaida, de l’État islamique, de Boko Haram, du Hezbollah, des Talibans et du Hamas, le droit international a 50 ans de retard. Depuis 1970, combien de victimes de ces actes ignobles, visant des innocents, majoritairement musulmans, sont restées impunies ? Les chiffres sont vertigineux, avec plus de 200 000 attaques terroristes.

Or, en droit international, seuls les États sont responsables. Voilà tout le problème que vous enjambez, Monsieur Khan. C’est parce que seuls les États sont responsables qu’Israël est systématiquement présumé coupable.

La CPI, créée par le Traité de Rome en 1998, a pour objectif de poursuivre les individus responsables de crime contre l’humanité, de génocide et de crime de guerre. Mais peut-on parler de crime de guerre pour des armées non régulières ? Votre rôle en tant que procureur général est essentiel pour maintenir cette mission, pour promouvoir la justice internationale mais aussi qualifier juridiquement ce qu’est la barbarie des terroristes islamistes.

Monsieur Karim Khan, allez jusqu’au bout de votre démarche : il faut un Tribunal de Nuremberg du 7 octobre, voilà tout. Un tel tribunal serait un pas significatif vers une justice qui regarde en face les drames de son temps.

Alors, je vous le dis, Monsieur le Procureur, face au Hamas qui frappe les Israéliens mais aussi les Palestiniens, vous pourrez compter sur mon soutien. Que puisse voir le jour un droit international qui punisse enfin ce terrorisme filmé aux relents de solution finale 2.0.

Ce jeudi 23 mai sera votée à l’Assemblée générale des Nations unies une résolution proposée par l’Allemagne et le Rwanda qui porte sur la condamnation du massacre de Srebrenica commis en 1995. Arnaud Gouillon, directeur du bureau pour la diaspora et les Serbes des Balkans du gouvernement de Serbie. 

© Rachel Khan

Source: Le Figaro

https://www.lefigaro.fr/vox/monde/rachel-k

Rachel Khan est juriste, scénariste, actrice et écrivain. Elle est l’auteur de Encore debout. La République à l’épreuve des mots (L’Observatoire, 2024).

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8 Comments

  1. L’Allemagne a dit qu’elle était prête à arrêter Netanyahu…Le retour du nazisme dans toute l’Europe.
    Symboliquement, c’est fort : elle envoie des chars aux Ukrainiens pour combattre la Russie et se dit prête à arrêter un dirigeant juif…Les vieilles habitudes en sommeil refont toujours surface.

    • Ce vous dites concernant l’Allemagne m’étonne et ne correspond en rien aux déclarations officielles du Chancelier Olaf Scholz ni à celles du gouvernement autrichien, qui ont été rendues publiques, après l’invraisemblable demande du Procureur Khan. Je crois sur ce point que vous vous méprenez. S’il y a bien un pays en Europe qui combat l’antisémitisme et cet antisémitisme relooké qu’est l’antisionisme, à la différence des États catholiques traditionnellement hostiles au judaïsme et à Israël : Espagne, Irlande, Belgique, France (?) etc., c’est bien l’Allemagne, et pas seulement par mauvaise conscience. Les Juifs allemands ont eu un tel poids dans la culture occidentale, qu’il est impossible, pour les Allemands eux-mêmes, de ne pas éprouver une nostalgie pour ce passé culturellement glorieux et incomparable. Les nazis n’ont pas seulement assassinés les Juifs d’Europe, ils ont détruit aussi la culture allemande classique à sa racine. Qu’est-ce que l’Allemagne depuis ? Une BCE et des voitures qui se vendent dans le monde entier. Sehnsucht.

      • Passé « culturellement glorieux et incomparable ». Vous surestimez grandement l’importance de la culture germanique. L’Europe de la culture était surtout située à l’ouest et au sud : Grèce _ Italie – France- Espagne- Angleterre
        En outre, aucun gouvernement n’a autant œuvré pour l’islamisation de L’Europe que celui d’Angela Merkel : cette illuminée a signé l’arrêt de mort définitif de son propre pays et de tout le reste de L’Europe de l’ouest.

      • Historiquement, les États protestants sont tout aussi hostiles au judaïsme que les États catholiques : quand les troupes françaises sont arrivées en Allemagne en 1806, les Juifs étaient ghettoisés et c’est Bonaparte qui leur a donné les mêmes droits que le reste de la population allemande.

        La « pensée allemande » a engendré le nazisme, le stalinisme et leurs multiples dérivés : je ne vois là rien d’admirable. Heine (1797-1856) poète allemand de confession juive et installé à Paris voyait avec terreur la montée du totalitarisme en Allemagne et prédisait déjà l’avènement du nazisme. Et c’était dans les années 1840-1850…

        • « La » pensée allemande ou plus justement de langue allemande existe-t-elle ? Il y en a beaucoup et de bien différentes. Je parlais plutôt de ce que les juifs de langue allemande avaient culturellement produits au XIXe et XXe, une fois qu’ils étaient sortis du ghetto, et que nombre d’enfants de rabbins allaient pouvoir exercer leur talent dans les domaines de la littérature, de la musique, de la philosophie, de la science, etc., sans devenir à leur tour des rabbins, à quoi ils étaient promis par leur éducation familiale. Cela dit, je ne sous-estime pas l’antisémitisme terrible auquel ils durent se confronter, tous et toutes.

          Les effets de ce « miracle » judéo-allemand, auquel je pense, apparaît surtout dans la deuxième moitié du XIXe et au XXe siècle jusqu’en 1933. La liste est longue et impressionnante : Heine, les Mendelssohn, Marx, Husserl, Freud, Kafka, Benjamin, Scholem, Wittgenstein, Einstein, Arendt, Adorno, Horkheimer, Mahler, Kraus, Döblin, Celan, etc. La liste n’est pas bien sûr exhaustive.

          Certes, Heine, dans « de l’Allemagne » a été le premier à prédire que l’idéalisme et le romantisme allemands produiraient un monstre politique en Allemagne, capable d’étonner le monde. Toutefois le nazisme est-il l’effet direct, mécanique de ces œuvres de l’esprit ? Je ne le crois pas. Comme je ne crois pas que l’œuvre de Marx soit la cause directe du stalinisme russe. Des phénomènes aussi complexes que le nazisme et le stalinisme ont des causes multiples et c’est se rassurer que d’en tracer une généalogie purement idéologique ou théorique, comme si l’histoire était un destin écrit d’avance dans des œuvres écrites précisément. Je ne crois pas que les idées, à elles seules, fassent l’histoire même si elles y contribuent, cela qui pourrait le nier. Sans la guerre de 14, la crise économique de 29, le soviétisme stalinien, l’antisémitisme allemand n’aurait pas, par ses seuls écrits, y compris Mein Kampf, pu produire le nazisme.

          • @Alainbienaimé Merci pour ces précisions mais je ne suis pas d’accord avec la dernière partie de votre analyse : Johann G. Fichte (1762-1814) a été l’un des précurseurs de l’idéologie hitlérienne. Cela est parfaitement acté . Et lui-même était l’héritier de l’école philosophique allemande du dix-huitieme. Dogmatisme et « idéalisme » germaniques Versus libéralisme et hédonisme français (Voltaire et Diderot). L’influence de cette philosophie allemande a ouvert la voie au nationalisme prussien et au pangermanisme puis au national-socialisme ainsi qu’au marxisme. Hilter n’est pas un produit de la crise de 1929 qui n’a joué qu’un rôle d’accélérateur : l’Allemagne des années 1900-1910 était déjà en cours de nazification : génocide des Hereros en 1904 et complicité avec l’empire Ottoman lui-même génocidaire…

            « Partout où va l’Allemagne elle corrompt la civilisation » écrivait Nietzsche dans « Ecce Homo ».

  2. Des voix s’élèvent contre cette énormité de la CPI et ce n’est pas trop tôt : :
    Avocats et juristes juifs se rebiffent contre la Cour Pénale Internationale
    « Il ne peut y avoir d’équivalence morale ou juridique entre le Hamas – une organisation terroriste qui commet des atrocités innommables, retient encore 128 otages (dont des enfants, des femmes et des personnes âgées), prend continuellement et délibérément pour cible des civils, entrave intentionnellement les tentatives de fournir une aide humanitaire à la population civile et abuse délibérément du droit international – et Israël, un État démocratique qui s’engage à respecter le droit international et à défendre son territoire et ses citoyens contre une attaque concertée menée à partir de toutes ses frontières et visant à sa destruction, tout en atténuant les dommages causés aux civils exploités en tant que boucliers humains. »
    https://resistancerepublicaine.com/2024/05/24/avocats-et-juristes-juifs-se-rebiffent-contre-la-cour-penale-internationale/

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