DÉCRYPTAGE – Benny Gantz, principal rival de Netanyahou, menace de quitter le cabinet de guerre faute de plan pour l’après-guerre.
La survie du cabinet de guerre israélien ne tient plus qu’à un fil. Formé au lendemain de l’attaque terroriste du 7 octobre, il regroupe des personnalités de l’opposition qui ont accepté de joindre leurs forces à la coalition de Benyamin Netanyahou. Jusqu’à présent, nul en Israël n’ignorait les désaccords profonds traversant cette union hétéroclite de partis suprémacistes juifs, ultraorthodoxes et de droite israélienne plus modérée. La brouille est désormais officielle.
Une date a même été prévue pour le divorce: ce sera le 8 juin, a promis Benny Gantz dans une conférence de presse qu’il a donnée samedi soir. Chef du Parti de l’unité nationale, en tête dans les sondages depuis le début de la guerre, Benny Gantz est un ancien ministre de la Défense, ancien chef d’état-major. Il est considéré comme le principal rival de Benyamin Netanyahou, celui qui serait en mesure de lui ravir le pouvoir en cas d’élections.
Au cœur de la dispute se trouvent la question de la poursuite de la guerre, et celle de l’avenir de la bande de Gaza: le fameux «jour d’après», dont nul ne sait encore à quoi il ressemblera. Cette question se pose pourtant avec une acuité renforcée, car le Hamas prouve qu’après plus de sept mois de combats intenses, il a gardé sa capacité de nuisance. Sa «destruction totale» est pourtant présentée depuis le début de la guerre comme un des objectifs principaux du gouvernement de Netanyahou.
«Ni Hamastan, ni Fatahstan»
Mais chaque jour, des soldats israéliens tombent dans des combats de guérilla et l’espoir de la libération des otages s’étiole: sur les quelque 130 toujours aux mains du Hamas, impossible de savoir combien sont en vie. Dimanche, les corps de cinq d’entre eux – trois Israéliens et deux travailleurs thaïlandais — ont été retrouvés. D’après le ministère de la Santé du Hamas dans la bande de Gaza, plus de 35.000 Palestiniens sont morts depuis le début de la guerre. La crainte d’un embourbement de l’armée israélienne dans le territoire palestinien est de plus en plus vive dans l’État hébreu.
Au cœur de la dispute se trouvent la question de la poursuite de la guerre, et celle de l’avenir de la bande de Gaza : le fameux « jour d’après », dont nul ne sait encore à quoi il ressemblera
Mercredi dernier, c’est le ministre de la Défense, Yoav Gallant, pourtant membre du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahou, qui avait donné une conférence de presse dans laquelle il refusait l’hypothèse d’un «régime militaire» dans la bande de Gaza. En tant que puissance occupante, l’armée israélienne pourrait effectivement être dans l’obligation de prendre en charge le quotidien des plus de 2 millions de Palestiniens de la bande de Gaza, ce qui aurait des conséquences très lourdes sur l’économie israélienne. Pour éviter ce spectre, Yoav Gallant plaide pour la fin des opérations militaires et la prise en main du territoire par l’Autorité palestinienne, dirigée depuis Ramallah, en Cisjordanie, par Mahmoud Abbas, le président du Fatah, grand rival du Hamas.
Benyamin Netanyahou a aussitôt balayé cette proposition d’un revers de main: «Ni Hamastan, ni Fatahstan», a-t-il lancé. Il sait qu’une opposition frontale avec son ministre de la Défense pourrait lui coûter cher. L’an dernier, au cœur de la tempête provoquée par sa «réforme judiciaire», le pays entier s’était levé quand il avait décidé de limoger Yoav Gallant: il avait été contraint de le réintégrer et d’abandonner son projet.
Pris en tenaille
Samedi, c’est donc un autre poids lourd qui est entré en lice. Les revendications de Benny Gantz sont de la même veine que celle du ministre de la Défense. Il a esquissé un plan qui prévoirait, outre le retour des otages, le démantèlement du Hamas et la démilitarisation de la bande de Gaza, la mise en place d’une organisation internationale – associant occidentaux, palestiniens et voisins arabes – pour administrer le territoire palestinien. Il a surtout sonné la charge contre Benyamin Netanyahou, en déplorant que «des considérations personnelles et politiques aient commencé à entrer au sein du lieu le plus sacré de la défense israélienne.»
Benny Gantz a esquissé un plan qui prévoirait, outre le retour des otages, le démantèlement du Hamas et la démilitarisation de la bande de Gaza, ainsi que la mise en place d’une organisation internationale pour administrer le territoire palestinien
Une référence à l’idée, communément admise chez les opposants à «Bibi», que ce dernier tenterait de tirer profit de la situation pour rester au pouvoir. Mais aussi au fait que le premier ministre est tenu pieds et poings liés par ses plus proches alliés, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Tous deux chefs de petits partis suprémacistes juifs, ils lui assurent une précieuse majorité de 64 sièges, sur 120, à la Knesset. Or, tout au contraire de Benny Gantz ou de Yoav Gallant, ces sionistes religieux refusent que l’armée quitte la bande de Gaza. Avec leurs partisans, ils poussent de toutes leurs forces pour un retour des colonies israéliennes dans le territoire palestinien, comme c’était le cas avant le retrait israélien de 2005.
Benyamin Netanyahou est pris en tenaille entre la branche modérée et la branche radicale de sa coalition. Quelle solution privilégiera ce fin stratège politique, notoirement connu pour son habileté à durer? Pour l’instant, rien ne transpire de ses intentions, si ce n’est qu’il rejette les conditions fixées par Benny Gantz. Elles ne conduiraient, selon lui, qu’à «une défaite pour Israël, à renoncer à la libération des otages, à laisser le Hamas intact et à établir un État palestinien», perspective qu’il rejette, sans pour autant fixer de cap.
© Guillaume de Dieuleveut
Correspondant à Jérusalem
Gantz a ete integré apres le pogrom a un gouvernement elargi , il ne fait pas partie de la coalition resultant des elections democratiques , mais pour la presse française » aux ordres » , la democratie est un detail de l histoire , et on comprend bien pourquoi au vu de la » tres pauvre » vie democratique hexagonale 🤣