AMA…LLEGORIE. Par Gérard Kleczewski

Image créée par une intelligence artificielle à la demande de Cyril Kleczewski

C’est l’histoire d’un chien. Du genre chien très méchant. Enragé même. Son propriétaire est parfaitement au courant qu’il doit le surveiller, le museler, lui interdire d’approcher de la grille de son pavillon, faute de quoi Ama, c’est le nom du chien, se jettera sur les passantes et les passants qui longent régulièrement la grille, vieilles dames et enfants compris.

Au fil des ans, Paulo, c’est le nom du propriétaire d’Ama, ne fait absolument rien pour calmer sa fureur, bien au contraire. Ça le rassure Paulo de posséder un molosse.

Isolé dans la vieille bicoque qu’il a héritée de sa mère, au milieu d’un quartier bourgeois qu’il juge hostile, Paulo voit Ama comme son arme… létale. Il est celui qui s’attaquerait sans coup férir aux mollets et à la gorge de quiconque tenterait d’empiéter sur son territoire.

Peu lui importent les risques majeurs qu’Ama fait courir aux voisins, vieilles dames et enfants compris. Il dit « j’men balec » quand on lui fait remarquer que posséder un tel molosse devrait être interdit. Ça le fait même rire, Paulo, de faire peur à ses contemporains plus riches et plus heureux en apparence que lui. Pourquoi remplacerait-il Ama par un toutou trottinant dans l’allée, de la niche à la grille, et aboyant mollement aux inconnus qui passent ?

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Ce qui devait arriver arriva… Un après-midi que Paulo faisait la sieste, après avoir fait un sort à une bouteille de Jack Daniels, Ama décida de franchir le portail qu’on croyait pourtant sûr et suffisamment haut pour éviter tout danger. Il se jeta sauvagement, pendant de longues minutes, sur tous les voisins et passants, vieilles dames et enfants compris, qui avaient la malchance d’être sur son chemin cet après-midi-là.

Ce fut une boucherie… Elle dura jusqu’à que David Sillon, un habitant du quartier alerté par les cris, qui possédait un port d’arme et s’entraînait régulièrement au tir sportif, régla le sort d’Ama d’une balle entre les yeux…

Le bilan humain fut lourd, la chaussée et le trottoir des rues environnant la bicoque de Paulo passèrent en quelques minutes du gris sale au rouge sang…

Quand Paulo apprit ce qui s’était passé, il fut saisi de tristesse… Pour son Ama, tué dans la fleur de l’âge par « une gâchette trop facile »…

Les flics dépêchés sur place lui firent remarquer qu’Ama avait fait énormément de victimes et qu’il aurait pu avoir un mot ou une attention pour elles. En guise de réponse, ils reçurent un haussement d’épaule, suivi d’un crachat au sol.

Avant de tourner les talons, les policiers dirent à Paulo qu’il aurait bientôt des nouvelles de la Justice. Qu’elle ne manquerait pas de le convoquer prochainement.

Mais, contre toutes attentes, se présentant en victime de la situation, c’est Paulo qui saisit le premier la Justice. Aidé gracieusement par un avocat réputé du barreau, avide de buzz, à l’embonpoint proportionnel à ses habituels émoluments, il attaqua donc le premier ses voisins qui, prétendait Paulo, n’avaient eu de cesse d’exciter Ama, jusqu’au jour fatal… Trop de bruits, de fêtes, de piaillements d’enfants, de signes extérieurs de richesse et de bonheur… Insupportable à ses yeux.

Contre toutes attentes, au mépris des victimes du rodéo carnassier d’Ama, certains prirent fait et cause pour Paulo et pour son chien, devenus « victimes de la barbarie » d’un tireur fou…

Des manifestations de soutien eurent même lieu devant le pavillon de Paulo et de protestation devant la mairie puis le pavillon de David Sillon. Celui-ci dût être protégé puis exfiltré du quartier qu’il habitait depuis plus de 20 ans. Des élèves organisèrent aussi une manifestation de soutien dans le hall de leur lycée aux cris de « Sillon assassin ! Justice pour Ama et Paulo »

Quant aux avocats des victimes du chien Ama, ils furent diabolisés, accusés par les soutiens de Paulo de n’être que des fâcheux, les porte-voix de sales types désireux d’en finir avec ce pauvre bougre, encore éploré par la mort de son Ama qu’il chérissait tant…

La question devint sociale et sur les plateaux de télévision et de radio, a fortiori sur les réseaux sociaux, on s’écharpa. Le pauvre déclassé vivant en reclus aux côtés des nantis, sans jamais pouvoir accéder à leur monde opulent et méprisant, devint un héros.

Ceux qui vivaient à ses côtés dans le quartier de Learis, dont certains avaient perdu un enfant, un père ou une grand-mère, n’en crurent pas leurs yeux et pour tout dire éprouvèrent une forme irrépressible de dégoût pour la nature humaine… 

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A l’heure où j’écris ces lignes le procès de Paulo n’a pas encore eu lieu. La Justice lui reproche de s’être servi d’Ama comme d’une arme par destination. Mais il se dit que, face à la mobilisation d’une partie de la population qui ne retombe pas, Paulo pourrait être relaxé ou ressortir avec une peine de principe. Déjà son gros avocat imagine, en se frottant les mains, son client porté en triomphe sur les marches du Palais de Justice.

Si cela advient, les familles des victimes se sentiront-elles seulement capables de croire encore dans les hommes et dans la supériorité de la civilisation sur la barbarie… ?

NB: ce texte est 100% fictif… Enfin disons 99% Titre : 😉

© Gérard Kleczewski

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