Fin de la fashion week rue Saint Guillaume. Par Jacques Tarnero

À Sciences Po si le ridicule  tuait, les morts pourraient se compter par centaines.

Il ne manquait que Bella et Gigi Hadid pour que le spectacle soit complet.

Porté élégamment en noir, vert ou bleu, la keffieh est tendance dans ce haut lieu de la mode du Quartier latin. Les militantes qui souffrent avec Gaza vont bientôt pouvoir rentrer chez elles le cœur plus léger car la direction de Sciences-Po leur a garanti qu’elles ne seraient pas sanctionnées et qu’elles pourront poursuivre leurs études sans crainte. Ouf ! Nous voilà rassurés ! Ces héroïnes ont pris de tels risques qu’on avait peur pour elles après leur lourd combat rue St Guillaume.

Avec une régularité toute pavlovienne, la rue Saint Guillaume avait  fusionné avec la rue arabe de Gaza la souffrante dès que la nouvelle était tombée : « Israël commet un génocide à Gaza ! Le pays de l’apartheid affame Gaza ! » C’est le « ministère de la santé du Hamas » qui l’a dit et le lider maximo l’a confirmé ! « Gloire à Gaza ! Gloire à la lutte héroïque de Sciences Po ! Vous êtes l’honneur de notre pays ! », a-t-il déclaré après avoir dénoncé le comportement « digne d’Eichmann » du recteur de l’université de Lille pour avoir interdit la rencontre avec Rima Hassan, la candidate insoumise aux élections européennes. La France peut être fière de ses enfants : ils brandissent haut et fort le drapeau de la Commune, celui de Gavroche, celui de Manouchian!!! 

Comme les limites de l’imposture sont repoussées chaque fois que Mélenchon prend la parole, il faut lui reconnaître un talent certain pour la bouffonnerie. Les mains peintes couleur sang exhibées par ses supporters renvoient au lynchage en 2000 à Ramallah de deux soldats israéliens. Il n’est pas seul dans cette enflure. Dominique de Villepin le conforte dans cette dénonciation du pouvoir occulte de l’argent étouffant les voix libres de la Palestine occupée par l’Entité sioniste ! Même le Président de la Tunisie l’a dit : quand un ouragan ravage les côtes du Maghreb et que celui ci est nommé « Daniel » par les services de la météo, cela prouve l’influence du lobby sioniste dans le contrôle du climat !

Tous des héros, ces esprits libres ! Tous des esprits qui osent dire le vrai, contre la mainmise de l’impérialisme occidental contre « le Sud global », pliant sous le joug de la servitude de l’homme blanc! D’ailleurs Judith Butler l’a confirmé: le Hamas est un mouvement de Résistance contre l’asservissement des LGBT etc ++ ! Fort de ce soutien venu de l’Université de Berkeley, la pensée woke a considéré qu’il était bien normal que des femmes juives aient été expulsées des rangs de la manifestation du 8 mars dernier en faveur des droits des femmes ! Gloire à ces héroïnes qui savent saluer les héros du Hamas ! Ils nous montrent la voie !

Faut-il continuer la liste des inepties débitées tous ces mois passés depuis ces lieux d’intelligence ? De l’université de Harvard à celle de Columbia on ne sait plus qui emporte la palme de cette ivresse. Il faut bien reconnaître qu’elle n’est pas nouvelle. La France n’est pas en reste. Le goût pour les imposteurs s’inscrit dans une grande tradition intellectuelle dans la gauche de la gauche française. Ils sont toujours présents ceux qui célébraient il y a peu le soleil radieux de Mao Zedong et celui des khmers rouges ou encore celui de Staline. Tous ces Beria de papier ont communié devant l’autel des crimes de masse : hier au Goulag, aujourd’hui à Gaza. 

Que la radicalité est séductrice, comme elle sait donner au mensonge une aura de courage, comme l’indignation à peu de frais donne à la falsification une allure de vérité ! Déjà dans les années 80 un imposteur prétendait que les chambres à gaz n’avaient pas existé, qu’elles étaient un mensonge sioniste destiné à voler les palestiniens. Grace à l’impertinence de ses propos, l’escroc eut un certain succès médiatique. Il fallut que la justice s’en mêle pour que l’imposture fût disqualifiée et condamnée. Il faut croire que l’histoire ne sert pas à grand chose pour ceux qui font du tweet leur outil majeur de culture.

Garroté par l’obésité de ses procédures, l’Etat fait des déclarations d’autorité sans que celles-ci se traduisent en actes forts devant le désastre qui s’annonce. L’Etat  de droit s’efface devant l’état de fait de la société. La première des urgences françaises n’est ni le déficit public, ni les JO, quand le feu de la guerre se rapproche de nos frontières. Pour faire face aux dangers c’est d’abord réarmer l’idée que l’appartenance à une même culture européenne démocratique n’est pas une infamie, et que cette idée s’incarne dans une histoire portée par des idéaux partagés où ne figurent ni la charia ni le jihad. Or, mondialisation aidant, l’ensemble des personnes qui  constituent le peuple s’est aujourd’hui fractionné en bandes, en tribus, porteuses de violences ritualisées. A-t-on déjà oublié la décapitation de Samuel Paty, l’assassinat de Dominique Bernard ? Les « quartiers » dans les « territoires » se sont substitués  à l’unité de la nation et c’est bien  de déréliction de la société qui dit l’état dans lequel on s’enfonce. Quand des mineurs de quinze ans deviennent des assassins au couteau, quand à l’université ce sont des étudiants juifs qui sont l’objet de menaces au nom du soutien à la Palestine version Hamas, quand la vulgarité et la bêtise deviennent la norme, il y a quelque chose de profondément détraqué dans notre supposé « vivre ensemble ». Il y a longtemps que les « territoires perdus de la République » ont élargi leur surface à l’ensemble du pays.

Comment la direction de Sciences Po (si elle existe), peut-elle s’être couchée devant les exigences d’un groupuscule ayant joué à cette mascarade d’un soutien à la cause palestinienne quand cette même cause applaudit aux crimes abominables commis en son nom, le 7 octobre dernier ? 

Où est la parole des enseignants de ce lieu éducatif quand c’est la vérité des faits qui est bafouée ? N’est-ce pas l’histoire, entre autres, qu’on y enseigne ? Comment est-il possible que ce soit le mensonge idéologique qui tienne lieu de savoir ? Connaissent-ils la charge du mot « génocide » pour désigner la guerre menée par Israël contre ceux qui justement ont tenté d’en commettre un le 7 octobre ? 

Il manque un Raymond Aron pour remettre les pendules à l’heure.

Il manque une parole forte disant que les impostures idéologiques, que les mensonges restent des mensonges et des impostures, même proférés avec la prétention du grand cœur. Il manque une parole qui dise la menace, la nomme, l’identifie, tire la sonnette d’alarme. Les moutons qui se griment avec des keffiehs, avant de retourner confortablement chez eux, jouent une triste farce. Usant de simulacres, ils prétendent être animés d’un souci d’indignation et de compassion pour le malheur d’un peuple. S’interrogent-ils sur les raisons de ce malheur ? Sur ses origines, sur son histoire ? Comment un parti politique peut-il en toute impunité glorifier les massacreurs du 7 octobre? Comment peut-il accepter les félicitations du pouvoir iranien alors qu‘il assassine les jeunes filles non voilées à son goût ? Ces louanges ne leur font pas problème ? 

La paix entre Israël et la Palestine ne pourra être inventée que par des humains d’abord capables d’affronter leurs propres démons. Que l’on joue, ici,  à une mascarade substitutive est un désastre de la pensée. À moins d’avoir le goût pour le désastre, ayons le courage collectif d’affronter ces imbéciles.

C’est un climat détestable qui est en train de s’installer en France, nourri à la fois d’escroquerie intellectuelle déjà éprouvée autant que de bêtise. Tous ceux qui jouent à la guerre civile, tous ceux qui ont exclu des femmes juives le 8 mars dernier du cortège célébrant les luttes pour l’égalité des droits, ont soit perdu la tête soit au contraire, sont partisans d’un ordre fanatique, totalitaire dont l’humanité a déjà, sous d’autres formes, payé le prix. 

Est-ce cette peste que là que l’on souhaite voir s’installer en France ?