Daniel Sarfati. J’attends, l’estomac noué. Plutôt que de me ronger les sangs, je vais aller Bd St Michel acheter un tapis iranien

Boulevard St Michel, il y a un magasin d’artisanat iranien. 

On y vend des tapis, des vases, des miroirs et de la verroterie très colorée. 

Vous n’y trouverez ni drones ni missiles de croisière. 

Le patron, un vénérable vieillard à la barbe blanche, est un poète. 

Il affiche parfois ses vers en persan sur la vitrine. Ça ne parle jamais de guerre ni de représailles, mais d’amour. Un jour, il me les a traduits. 

Ce sont ses filles qui tiennent la boutique. 

Elles proposent de très jolis foulards, qui se portent autour du cou ou sur les épaules. 

Pour les cheveux, elles préfèrent les laisser libres. 

Ce sont des femmes fortes et séductrices qui parlent des hommes sans vouloir les déconstruire. Elles se veulent leurs égales. 

Le mot « féministe » en persan ne doit pas avoir la même signification qu’en français. 

Leurs tapis sont somptueux, moelleux. 

Ils sont faits pour s’y endormir, au coin d’une cheminée auprès d’un chat roulé en boule. 

Ou alors pour voler comme Aladin. 

Un tapis volant ne transporte que des rêves, jamais de bombes. 

J’ai passé la nuit à attendre une mauvaise nouvelle. 

À Téhéran, quelques enturbannés, au sommet de l’Etat, ont dû se demander toute la nuit si ça valait le coup de bombarder Tel Aviv. 

Ils ont peut-être conclu que leur survie politique passait par une gesticulation guerrière, sans passage à l’acte. 

Je ne sais pas. J’attends, l’estomac noué. 

Plutôt que de me ronger les sangs, je vais aller Bd St Michel acheter un tapis. 

Il faut toujours marchander le prix d’un tapis. 

Les rêves n’ont pas de véritable prix.

© Daniel Sarfati

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