Dans une lettre publiée par le “Guardian”, le réalisateur hongrois reproche notamment au lauréat de l’Oscar du meilleur film international d’avoir eu recours à “des arguments diffusés par la propagande destinée à éradiquer toute présence juive sur Terre”.
László Nemes, le réalisateur du film Son of Saul, n’a pas aimé le discours prononcé par son collègue Jonathan Glazer, auteur de The Zone of Interest, lorsqu’il est monté sur scène pour recevoir un Oscar du meilleur film international. Et il l’a fait savoir à « The Guardian », qui se fait écho de ses griefs.
S’exprimant lors de la cérémonie à Los Angeles le dimanche 10 mars, Jonathan Glazer a déclaré que lui et son producteur, James Wilson, se tenaient “devant vous comme des hommes qui refusent que leur judéité et l’Holocauste soient détournés pour une occupation qui a causé tant de souffrances pour tant d’innocents. Qu’il s’agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de celles des attaques incessantes qui se déroulent à Gaza, elles sont toutes des victimes de cette déshumanisation.”
Ces propos ont suscité “à la fois des applaudissements et de l’opprobre”, souligne le quotidien londonien, notamment de la part de l’Anti-Defamation League qui a réagi sur les réseaux sociaux : “Israël ne détourne pas le judaïsme ou l’Holocauste en se défendant contre des terroristes génocidaires. Les commentaires de Glazer aux Oscars sont à la fois factuellement incorrects et moralement répréhensibles. Ils minimisent la Shoah et excusent le terrorisme le plus odieux.”
Glazer “aurait dû garder le silence”
Lauréat du même Oscar en 2015 pour son film sur un prisonnier juif forcé de travailler dans les chambres à gaz d’Auschwitz, László Nemes s’est lui aussi offusqué des propos du cinéaste anglais. “La Zone d’Intérêt est un film important”, admet Nemes. Mais bien que celui-ci “remette en question la grammaire du cinéma”, son réalisateur “aurait dû garder le silence au lieu de révéler qu’il n’a aucune compréhension de l’Histoire et des forces qui détruisent la civilisation, aussi bien avant ou qu’après l’Holocauste”.
“S’il avait le sens des responsabilités qui incombe au réalisateur d’un film comme le sien, il n’aurait pas eu recours à des arguments diffusés par la propagande visant à éradiquer toute présence juive sur Terre”, tacle Nemes dans une lettre publiée intégralement par The Guardian. Selon lui, Glazer ne fait qu’attiser le sentiment antisémite, ce qui est “particulièrement troublant à une époque où nous atteignons les niveaux de haine anti-juive d’avant l’Holocauste – mais cette fois, d’une manière branchée et progressiste”.
The Zone of Interest, rappelle le journal britannique, se déroule essentiellement à l’extérieur des murs d’Auschwitz, “dans le paradis domestique créé par le commandant SS Rudolph Höss et son épouse Hedwige”. Les prisonniers ne sont pas représentés dans le film, sauf à travers la bande sonore qui “capte leurs cris et les grincements industriels du camp de la mort voisin”.
Le choix artistique de se concentrer sur les auteurs plutôt que sur les victimes a peut-être “du sens, ironiquement”, cingle Nemes qui note qu’ “il n’y a absolument aucune présence juive à l’écran dans The Zone of Interest”. Selon le cinéaste hongrois, il est ainsi facile d’être “choqué par l’Holocauste, en toute sécurité dans le passé”, sans voir “comment le monde pourrait un jour achever le travail de Hitler – au nom du progrès et du bien sans fin.” Jonathan Glazer n’a pas encore souhaité répondre au Guardian.
Courrier international
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