Tribune Juive

La guerre des Raphaël, par Patrick Besson

Raphaël Glucksmann et Raphaël Enthoven

Les deux Raphaël : Glucksmann et Enthoven. Ils ont les mêmes idées générales et le même âge difficile selon Henry James : 44 et 48 ans. Ainsi que le même physique avantageux, rareté aussi bien chez les philosophes que chez les hommes politiques. Tous deux fils-à-papa célèbre : Glucksmann celui d’André, Enthoven celui de Jean-Paul. Ils ont été élevés avec sérieux et tendresse. Ils ont fait de bonnes études, sauf que celles d’Enthoven étaient excellentes. Ils écrivent les mêmes livres de gauche bien accueillis à droite et ont les mêmes positions de droite bien accueillies à gauche. Leurs ennemis intérieurs à tous les deux : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Sont encore d’accord pour haïr, en politique extérieure : la Russie de Poutine et la Palestine du Hamas. Le capitalisme n’est pas leur ennemi, mais il n’est pas non plus leur ami : ils font avec lui leur petite cuisine idéologique aux fines saveurs républicaines. Se retrouveront-ils côte à côte sur le fleuve Niémen avant que le général Macron, en tenue de combat, ne les entraîne, dans un grand élan démocratique, vers la Moscovie, où les trois compères comptent bien mettre aux arrêts de rigueur le dictateur Poutine ?

Vérification faite, ni Emmanuel ni les deux Raphael n’ont reçu la moindre formation militaire. Ça leur manquera. Il faudra aussi tester leur résistance au froid. Leurs papas aux longs cheveux, exemptés de service militaire, n’en avaient pas moins l’esprit guerrier, surtout André. Combien de fois a-t-il, de son vivant, condamné la mollesse des démocraties contre ce qui était alors le bloc communiste ? Il fallait attaquer la Russie, naguère soviétique, avant qu’elle ne nous attaque.

Le rêve du philosophe décédé semble sur le point, au printemps 2024, de se réaliser : L’Union européenne en ordre de bataille pour terrasser l’ours russe. Les Raphaël, surtout Glucksmann, se frottent les mains propres. La victoire du bien européen sur le mal asiatique serait près, grâce à nos guillerets penseurs, d’arriver.

Les deux Raphaël ont eu de spectaculaires conquêtes féminines dont je tairai, avec une discrétion qui m’honore, l’identité connue de tous. Ces célèbres dames de cœur les accompagneront-elles sur le front russe pour leur soutenir le moral, qui n’a jamais été très bon, dans les mêmes circonstances climatiques, chez les soldats de Napoléon et ceux d’Adolf Hitler, sans remonter jusqu’à l’Armée rouge de Léon Trotski, qui réduisit à la portion congrue les corps expéditionnaires européens venus combattre la jeune révolution des soviets.

Ces deux petits garçons amoureux de leur papa, chacun à sa manière : Raphaël comme un veuf tendre fidèle à la mémoire du défunt et Raphaël telle un ado colérique et vengeur. Le premier à un avantage sur le second : il fait de la politique. C’est plus facile à comprendre, pour les électeurs, que la philosophie. On passe beaucoup plus souvent dans les médias quand on fait des discours que lorsqu’on fait des livres. Jusqu’aux élections européennes, l’étoile Glucksmann brillera fort. L’autre Raphaël trouvera sans doute la parade militaire.

© Patrick Besson

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