

« Alors que la situation à Gaza s’aggrave de jour en jour, Israël craint d’être mis au ban des nations«
C’est sous la plume d’un Guillaume de Dieuleveult d’un nouveau cru que Le Figaro publie un texte très discutable sur « l’État hébreu, de plus en plus isolé sur scène internationale, qui fait bloc et s’estime incompris face aux critiques des chancelleries occidentales inquiètes de la crise humanitaire dans l’enclave ».
Morceaux choisis
« L’émotion mondiale et l’élan de solidarité causés par les barbaries commises le 7 octobre et ses 1200 morts en une seule journée, ne sont plus qu’un lointain souvenir. Au diapason des opinions publiques, la communauté internationale est de plus en plus sévère à l’égard d’Israël. C’est Joe Biden, jeudi, lors du discours sur l’état de l’Union, s’adressant aux dirigeants israéliens. « L’aide humanitaire ne peut pas être une considération secondaire ou une monnaie d’échange », a lancé le président, dont le soutien à Israël s’est révélé vital ces derniers mois. Quelques jours plus tôt, sa vice-présidente, Kamala Harris, avait plaidé en faveur d’un cessez-le-feu. C’est également le ministre chinois des Affaires étrangères qui, appelant lui aussi à un cessez-le-feu, dénonce « une honte pour la civilisation ».
Ou encore Emmanuel Macron, faisant part sur X de sa « profonde indignation » après la mort d’une centaine de personnes dans une émeute de la faim, fin février. David Cameron, le ministre britannique des Affaires étrangères ; Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne ; le Brésil, l’Espagne… De partout viennent les condamnations.
Un risque d’isolement lourd de conséquences pour Israël
Mais Israël fait la sourde oreille. Jeudi, Benyamin Netanyahou a pris la parole devant des soldats. « Bien sûr qu’il y a une pression internationale, et elle augmente », a reconnu le premier ministre. « Mais c’est précisément quand la pression internationale augmente que nous devons serrer les rangs », a-t-il poursuivi, avant de s’adresser « aux leaders du monde »: « Quand nous combattons les meurtriers du 7 octobre, nous empêchons le prochain 11 Septembre ». À la peine dans les sondages, Netanyahou semble être, cette fois, sur la même longueur d’onde que la majorité des Israéliens. Selon une enquête d’opinion publiée le 20 février par l’Institut israélien pour la démocratie (IID), 68 % des Juifs israéliens s’opposent à l’idée que leur pays devrait permettre l’envoi d’aide humanitaire aux habitants de la bande de Gaza.
Dès le 7 octobre, Joe Biden a su qu’il n’obtiendrait rien d’eux sans leur faire comprendre qu’il les aime. Après cinq mois d’écoute et de bienveillance, il a décidé de resserrer la vis, en introduisant l’idée qu’il fait la distinction entre Netanyahou et l’État d’Israël Denis Charbit, professeur de science politique à l’Université ouverte d’Israël
« Israël a toujours redouté l’isolement », relève Chuck Freilich, ancien conseiller de sécurité auprès du cabinet du premier ministre et chercheur à l’Institut national pour les études sécuritaires de l’université de Tel-Aviv. « Si le pays ne parvient pas à finir rapidement cette guerre et à résoudre le problème du Hamas, il pourrait être plongé dans une crise avec l’Europe et les États-Unis. Or c’est quelque chose que nous ne pouvons pas nous permettre », estime-t-il. Selon lui, les récentes sanctions américaines et de certains pays européens contre des colons pourraient être une première étape. « Les États-Unis disposent de toute une palette, du blocage des accords de coopération à l’arrêt du soutien militaire ». Vendredi, la presse israélienne s’inquiétait de possibles mesures américaines et britanniques contre des officiers de l’armée israélienne, soupçonnés de crimes de guerre.
Fin connaisseur de la société israélienne, professeur de science politique à l’Université ouverte d’Israël, Denis Charbit s’inquiète lui aussi de ce risque d’isolement. Il en a vu les premières manifestations dès décembre, quand des présidents de prestigieuses universités américaines ont adopté une posture en demi-teinte sur la question de l’antisémitisme. « Voir quelque chose d’aussi imprévisible dans ces citadelles de la raison, du libéralisme, a été un tournant pour nous », se souvient-il. Il estime en revanche que Joe Biden a su trouver la bonne attitude à l’égard des Israéliens. « Dès le 7 octobre, il a su qu’il n’obtiendrait rien d’eux sans leur faire comprendre qu’il les aime. Après cinq mois d’écoute et de bienveillance, il a décidé de resserrer la vis, en introduisant l’idée qu’il fait la distinction entre Netanyahou et l’État d’Israël ».
Incompréhension des Israéliens
Alors que le monde tourne vers eux des yeux courroucés, les Israéliens, toutes tendances confondues, se sentent de plus en plus incompris. « Du point de vue des Israéliens, personne, dans le monde occidental, ne comprend la réalité de la situation à laquelle ils sont confrontés », analyse Tamar Hermann, spécialiste de l’opinion publique au sein de l’IID. Comme si nul n’avait saisi qu’ils mènent un combat pour leur propre survie, contre un ennemi acharné à les détruire. Franco-israélien, Stephan Blajman remarque autour de lui beaucoup de ressentiment à l’égard des pays occidentaux.
« Ils ont lâché Israël, ils ont pris fait et cause pour les Palestiniens et le Hamas. Regardez: tout ce que dit le Hamas est pris pour argent comptant, alors que les déclarations d’Israël sont systématiquement reçues avec suspicion. De toute façon, nous, les Juifs, n’avons jamais pu compter que sur nous-mêmes. On sait que quand on dépend des autres, ça se passe toujours mal pour nous. Aujourd’hui pas moins qu’avant », conclut-il, amer. « C’est vrai qu’il y a chez nous cette idée que le monde est contre nous, qu’il ne peut pas comprendre notre douleur », reconnaît un habitant de Tel-Aviv qui s’inquiète, face à la hausse de l’antisémitisme en Europe, de voir ressurgir « les mauvais instincts ». « Il y a des répits, des pics, mais c’est comme ça. Dans le fond, nous avons le sentiment que la Shoah n’a pas vraiment changé la donne. Nous, les Juifs, avons toujours été seuls et ça continue. Alors nous nous replions sur notre douleur, sans être capables de voir celle des autres ».
Source: Le Figaro. © Guillaume de Dieuleveult