Et l’État d’Israël, menacé de l’extérieur et affaibli de l’intérieur, a rarement été aussi clairement indispensable
L’antisémitisme est en hausse partout dans le monde.
Dans le monde arabe, mais aussi et surtout en Occident, sont organisées de grandes manifestations « propalestiniennes », au cours desquelles beaucoup appellent non seulement à soutenir les habitants de Gaza en pleine guerre, mais aussi à nier le droit à l’existence du seul État juif.
Dans des pays censés être éclairés, les agressions physiques contre les Juifs sont de plus en plus fréquentes. Aux États-Unis, certains étudiants juifs choisissent désormais l’université où ils étudieront en fonction du courage dont ils auront besoin s’ils veulent s’identifier comme juifs, ou même « pire », comme sionistes. Une actrice juive du West End de Londres, qui interprète le rôle principal d’une pièce de Shakespeare remaniée sur l’antisémitisme, s’est vu signifier que, pour sa propre sécurité, elle ne pouvait pas sortir du théâtre en raison des manifestations dangereuses qui se déroulaient à l’extérieur.
Les Juifs du monde entier redoutent plus qu’il y a cinq mois – plus que depuis des dizaines d’années – de s’identifier ouvertement comme Juifs.
Et tout a commencé après le 7 octobre, le jour où une armée de terroristes d’un gouvernement islamique violemment antisémite a envahi Israël à partir des territoires voisins, a massacré 1 200 personnes et en a enlevé 253 autres, et aurait poursuivi ses massacres dans tout le pays s’il l’avait pu.
Et depuis lors, tout s’est intensifié, lorsque le gouvernement israélien, après avoir échoué à protéger son peuple des attaques meurtrières de l’ennemi, a compris qu’il devait impérativement veiller à ce que le gouvernement terroriste du Hamas ne puisse pas poursuivre son programme avoué de massacrer les Juifs, encore et encore et encore, jusqu’à la destruction d’Israël.
J’ai grandi il y a un demi-siècle dans un Londres où l’antisémitisme était discret. Un Londres où le prix à payer pour fréquenter une école juive dans un quartier de la classe ouvrière était la confrontation occasionnelle avec des jeunes voyous de l’école non juive située en bas de la rue, où la communauté juive organisée ne se mettait généralement pas en avant et où la poignée de ministres juifs du gouvernement de Margaret Thatcher préféraient pour la plupart ne pas afficher leur appartenance à la communauté juive.
Aujourd’hui, ce qui était discret est devenu flagrant, et Londres, théâtre hebdomadaire de rassemblements de dizaines, voire de centaines de milliers de personnes mues par la haine, l’ignorance ou les deux, est emblématique de la montée mondiale de l’hostilité à l’égard des Juifs.
Nous pensions, après la Seconde Guerre mondiale, qu’une majeure partie de l’humanité avait réalisé tout le mal qu’elle était capable de faire, qu’elle avait pris du recul et qu’elle était en grande partie déterminée à ce que jamais cela ne se reproduise. Nous pensions qu’au moins de notre vivant et pour quelques générations à venir, la haine la plus ancienne avait été reléguée à l’arrière-plan. Nous avions tort.
Il y a deux générations, la plupart des membres de la famille de mon père ont fui l’Allemagne nazie pour Londres juste à temps – un an avant que la synagogue de Francfort fondée par mon arrière-grand-père ne soit incendiée lors de la Nuit de Cristal. Aucun gouvernement, dans aucun pays qui se veut raisonnable, n’approuve l’antisémitisme ou les attaques contre les Juifs. Mais certains gouvernements font preuve d’une empathie croissante à l’égard de l’hostilité obsessionnelle et partiale envers Israël, ainsi qu’à l’égard de politiques qui affaibliraient la capacité du seul État juif à se défendre contre ses ennemis génocidaires avoués.
Je ne pense pas qu’il y ait eu de période plus inquiétante pour le peuple juif depuis la Seconde Guerre mondiale.
Et l’existence d’Israël, menacée de l’extérieur et affaiblie de l’intérieur, a rarement été aussi clairement indispensable.
La politicaillerie alors qu’Israël brûle
Au risque d’employer un euphémisme, je dirais que notre gouvernement est extrêmement problématique.
Parce qu’il nous a failli le 7 octobre, en refusant tout bonnement d’admettre que le Hamas était bien plus déterminé à détruire Israël qu’à gouverner Gaza et qu’il s’apprêtait à l’envahir.
Parce qu’il nous a divisés et affaiblis dans les neuf mois qui ont précédé la guerre en cherchant à soumettre notre système judiciaire à sa majorité politique, brisant ainsi les protections fondamentales et affaiblissant radicalement notre démocratie.
Parce qu’il inclut dans la coalition au pouvoir, des partis et des ministres, dont les programmes racistes et expansionnistes sont incompatibles avec le courant dominant en Israël, qui ont miné l’identification avec Israël dans de nombreux milieux à travers le monde bien avant le 7 octobre et la réponse de l’armée israélienne.
Parce que, par sa nature même, il sape la crédibilité d’Israël auprès des dirigeants internationaux et de l’opinion publique internationale en ce qui concerne la conduite immensément complexe de la guerre contre le Hamas – une guerre menée dans un environnement urbain presque impossible, contre un ennemi amoral. La composition de la coalition vient alimenter les craintes de tous les alliés d’Israël quant aux pertes de non-combattants, des craintes qui sont exacerbées lorsque les choses tournent mal, comme ce fut le cas avec les dizaines de morts lors de la tentative d’acheminement de l’aide par convoi, jeudi dernier.
Parce qu’il se révèle incapable de véritablement diriger un pays traumatisé qui a besoin de dirigeants compétents, alors que la campagne se prolonge et s’épuise contre un Hamas qui détient toujours 130 otages et qui les exploite avec tout le cynisme possible pour tenter de survivre à la guerre.
Nous avons un gouvernement profondément problématique et, en la personne de Benjamin Netanyahu, nous avons un Premier ministre de plus en plus contesté – l’homme au sommet de la hiérarchie qui refuse néanmoins de reconnaître que c’est lui qui est le principal responsable de la catastrophe qui s’est produite sous son mandat. Comme nous l’a rappelé la publication, mercredi, du rapport dévastateur de la commission d’enquête de l’État sur la catastrophe du Mont Meron, son refus d’accepter la responsabilité est systématique.
Pendant les quelques courtes semaines qui ont suivi le 7 octobre, durant lesquelles le pays entier était en choc, le Premier ministre a réfréné son instinct de division et s’est attaché à coordonner la réponse de Tsahal au Hamas et les efforts visant à dissuader des ennemis encore plus puissants à l’extérieur des frontières.
Mais depuis des mois, il refuse d’élaborer une stratégie pour la bande de Gaza et se montre réfractaire à la vision américaine de la période post-Hamas, car cette vision pourrait entraîner un effondrement de sa coalition et de son emprise sur le pouvoir.
Et c’est ainsi qu’Israël se prépare à assumer seul la responsabilité du nombre colossal de plus de deux millions de Palestiniens, dans un territoire où la machine de guerre du Hamas s’est étendue à presque tous les quartiers, en surface et sous terre, et dont une grande partie est aujourd’hui en ruines.
Cela lui aura pris des semaines, jusqu’à mardi, pour faire preuve de bon sens et décréter que l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, au sommet du mont du Temple à Jérusalem, resterait ouverte aux fidèles musulmans, moyennant une évaluation des conditions de sécurité, quand débutera le Ramadan, la semaine prochaine. Il a longuement hésité avant de finalement rejeter les pressions exercées par son ministre de la Police, Itamar Ben Gvir, un homme résolument irresponsable, qui voulait imposer des restrictions draconiennes aux Arabes israéliens, au moment où le Hamas est déterminé à provoquer des frictions dans l’enceinte, et plus particulièrement au sein de la communauté arabe israélienne, dont l’identité avec l’Etat semble s’être renforcée le 7 octobre, mais pour qui l’accès à la mosquée Al-Aqsa reste un sujet extrêmement sensible.
Il refuse de faire un réel effort pour s’assurer que la communauté ultra-orthodoxe, le secteur de la population israélienne qui connaît la croissance la plus rapide, partage la charge de la responsabilité que représente l’accomplissement de son service militaire, ou de tout autre service national, au même titre que ses compatriotes qui, en ce moment même, se battent et meurent. Et ce, parce que cela aussi pourrait conduire à l’effondrement de sa coalition.
Et, enfin, il a pris l’habitude, ces derniers temps, de déclarer, lors des conférences de presse où il appelle à l’unité tout en semant la discorde, que quiconque souhaite le voir évincé par des élections alors que la guerre est en cours, soutient l’ennemi. Comment cela ? Parce que, affirme-t-il, le plus grand rêve du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran est de voir Israël plongé dans une campagne politique amère en plein conflit.
S’il est tout à fait justifié de soutenir qu’Israël ne peut pas se permettre de mener une campagne politique qui sème la discorde au plus fort d’une guerre qui pourrait bien s’étendre à de multiples nouveaux fronts, il est absolument inacceptable de qualifier de traître quiconque pense différemment.
Cette semaine, alors qu’Israël brûle, Netanyahu aurait déployé des efforts considérables pour compliquer la visite aux États-Unis et au Royaume-Uni de son collègue du cabinet de guerre et rival politique le plus puissant, Benny Gantz.
On aurait pu s’attendre de la part d’un Premier ministre à ce qu’il encourage, informe et oriente un collègue de haut rang dans une coalition d’urgence lors d’un voyage pour rencontrer certains des plus hauts responsables dans la capitale de l’allié le plus important d’Israël.
Mais Netanyahu, en désaccord ouvert avec le président Joe Biden et incapable d’obtenir une invitation de la Maison Blanche, aurait ordonné aux ambassadeurs d’Israël dans les deux pays de ne pas accompagner Gantz lors de ses rencontres, et aux ambassades à Washington et à Londres de ne pas assister Gantz, même pour assurer sa sécurité lors de la partie britannique de sa visite.
Certaines de ces informations sont inconcevables et le cabinet du Premier ministre a démenti plusieurs d’entre elles. Mais le fait est que Mike Herzog, l’envoyé d’Israël aux États-Unis, n’était pas présent lors des réunions de Gantz à Washington.
Écrire sur ce genre de petitesse d’esprit autodestructrice dans le contexte des crises actuelles peut sembler mesquin, mais c’est bien là le problème : pour Netanyahu, ainsi que pour une grande partie du gouvernement, les intérêts personnels et politiques étroits priment toujours.
En témoigne, par exemple, la décision pompeuse et mal conçue du nouveau ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, de rappeler l’ambassadeur d’Israël aux Nations unies, Gilad Erdan, pour des consultations afin de protester contre les efforts ostensibles de l’ONU visant à minimiser son propre rapport, longtemps retardé, sur les viols systématiques, les viols collectifs et les abus sexuels perpétrés par le Hamas le 7 octobre et contre les otages depuis cette date.
Il est risible que le rapport ne désigne pas directement le Hamas comme responsable des crimes, tout en validant indépendamment les preuves d’Israël – et ce dans une ONU si perpétuellement hostile à Israël. S’il y avait jamais eu un moment pour souligner la position de l’ONU à l’égard d’Israël, plutôt que de la dénoncer, la publication de ce rapport aurait été le moment idéal. Mais voilà, personne ne connaît vraiment Katz et personne ne s’intéresse à lui, et, s’il veut atteindre son objectif de devenir un jour Premier ministre, il doit faire couler l’encre à son sujet…
Un hachoir à viande humaine ?
La semaine dernière, dans le New York Times, une phrase de Thomas Friedman intitulée « Israel Is Losing Its Greatest Asset: Acceptance » [Israël perd son plus grand atout : la reconnaissance] m’est restée en travers de la gorge. Friedman, sans doute l’éditorialiste le plus influent du journal le plus influent au monde, a écrit : « L’opération Israël-Gaza commence donc à ressembler, pour un nombre croissant de personnes, à un hachoir à viande humaine dont le seul but est de réduire la population afin qu’elle soit plus facile à contrôler pour Israël ».
Relisez cela, et rappelez-vous que Friedman chuchote a l’oreille du président américain. Au mépris d’une partie de sa propre base, alors que la bataille pour sa réélection ne cesse de s’intensifier, Joe Biden a continué à résister aux appels à une fin immédiate de la guerre et à donner à Israël les moyens militaires et diplomatiques pratiques de la mener jusqu’à ce que le Hamas soit désarmé.
Qui sont ces « personnes de plus en plus nombreuses » auxquelles Friedman fait référence et dont l’évaluation fausse et méprisable équivaut à une accusation de génocide ?
© David Horovitz
https://fr.timesofisrael.com/nous-vivons-la-p
David Horovitz est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de “Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël” (2000) et “Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme” (2004).
Ce qui m’inquiète, c’est que la gauche israélienne n’a rien appris de l’histoire, elle continue dans le déni de croire à une paix possible avec les Palestiniens malgré le 7 octobre.
Deux fois nous avons perdu le Temple et le pays à cause des divisions internes, et cette fois, nous n’avons pas de temple mais nous risquons de perdre le pays dans lequel notre retour est arrivé après 1880 ans environ d’attente.