« La politique de complaisance de l’Union Européenne envers la dictature iranienne doit cesser », fustige Hamid Enayat

Maryam Radjavi Présidente élue du CNRI. Photo © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA


ENTRETIEN. Ce samedi 24 février, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) organisait une conférence à Paris sur la lutte des femmes contre le régime des mollahs. Maryam Radjavi, sa présidente, a rappelé sa volonté d’instaurer une démocratie laïque et l’égalité homme-femme. Hamid Enayat, politologue, et Hamid Assadollahi, du comité de soutien des droits de l’homme en Iran, décryptent les enjeux de cette résistance.

Valeurs actuelles. Quel est le rôle du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) dans la résistance iranienne ?
Hamid Enayat et Hamid Assadollahi. Le CNRI est une coalition de forces démocratiques iraniennes qui lutte contre toute dictature, que ce soit celle du Shah ou celle de Khomeini. Le CNRI a été créé en 1981, au début de la dictature religieuse. Cette coalition lutte pour l’avènement d’une république laïque, qui fasse une séparation entre l’Etat et la religion et pour l’égalité entre les femmes et les hommes. A l’intérieur de cette coalition il y a l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI), qui a été créée en 1964.

Quel est le rôle de Maryam Radjavi qui a animé la conférence de ce week-end ?
Maryam Radjavi est la présidente du CNRI depuis 1993. Le CNRI agit comme un parlement en exil et a choisi Maryam Radjavi comme celle qui doit assumer la présidence de la république pendant la période de transition, jusqu’aux prochaines élections législatives. Elle défend depuis toujours le rôle des femmes pour faire advenir l’Iran de demain.

Comment est-ce que l’OMPI organise sa lutte contre le régime dictatorial au quotidien ?

L’OMPI possède actuellement des milliers d’unités de résistance à l’intérieur de l’Iran qui mènent une lutte acharnée contre la dictature. On ne connaît pas le nombre exact de ses membres. Fondé en 1965, c’est rapidement devenu la première force d’opposition à la dictature. Moins d’un an après la révolution de 1979, le candidat de l’OMPI avait de fortes chances de remporter les élections présidentielles de 1980 et donc Khomeini lui-même a supprimé la candidature de son représentant. Les élections législatives qui ont suivi ont également été truquées pour empêcher l’OMPI d’avoir des députés.

Le 20 juin 1981, Khomeini a fait tirer sur une manifestation de 500 000 personnes organisée à Téhéran. Le soir même, les manifestants qui avaient été arrêtés ont été exécutés. Y compris des lycéens, sans être identifiés. Cette date marque la fin de toute légitimité politique du régime de Khomeini et de la possibilité de le réformer. C’est à cette date que la résistance a commencé. Le CNRI a été fondé un mois après, à l’initiative de l’OMPI.

L’OMPI a-t-il plus de poids que les partisans du retour du Shah ?
Oui, beaucoup plus, ça n’est pas comparable. Les partisans du Shah sont surtout en dehors d’Iran, et encore, ils ont beaucoup de mal à rassembler plus de 200 personnes dans une capitale européenne. Même à l’étranger, ils n’arrivent plus à mobiliser l’adhésion. Alors que la Résistance iranienne, en juillet dernier, place Vauban, a réuni des milliers de personnes, soutenue par des anciens ministres britanniques ou canadiens, il y avait Mike Pence, qui siège à la Chambre des représentants aux Etats-Unis. Vous savez, le règne du Shah fait partie du passé.

Est-ce que le mouvement de la résistance iranienne a des alliés à l’international ? Quelles relations entretient le CNRI avec les institutions occidentales ?
La résistance iranienne a des relations dans les parlements européens et américains. En juin dernier, une majorité de 295 parlementaires français ont signé une déclaration pour apporter leur soutien au CNRI. Il y avait un consensus, à droite comme à gauche, pour soutenir le camp de Maryam Radjavi. La même démarche a été menée auprès du parlement américain. Au total, le CNRI a récolté 3500 signataires de parlementaires du monde entier qui ont signé cette déclaration.

Dans son discours Maryam Radjavi a parlé de l’obligation du voile comme quelque chose de « contraire à l’islam ». Quel est le rapport de l’OMPI avec la religion ?
A notre avis, la religion n’est pas quelque chose que l’on impose. De même, nous pensons qu’en islam, le port du voile n’est pas obligatoire. La femme est libre de se voiler ou non. Les citoyens sont libres de croire ou non. Les femmes de l’OMPI qui sont voilées le font par choix.

Qu’est-ce que le CNRI attend de l’Europe et des Occidentaux ?
Les demandes du CNRI sont très claires : mettre les Gardiens de la Révolution sur la liste des organisations terroristes. Le Parlement européen a demandé jeudi 19 janvier à l’UE d’inscrire les Gardiens de la Révolution sur la liste des « organisations terroristes ».
Aujourd’hui, aucun gouvernement européen n’a donné suite à cette mesure. Ensuite, fermer les ambassades du régime des mollahs pour conditionner les relations avec ce régime, au minimum, à l’arrêt des exécutions. Puis, expulser les réseaux d’espions et de terroristes iraniens qui sont actifs en Europe, qui bénéficient d’une immunité. Vous savez qu’un agent iranien avait pour projet de faire un « 11 septembre » à Paris en juin 2018, au parc des expositions de Villepinte. Heureusement, la bombe a été découverte et le terroriste arrêté avant. Le principal terroriste a été libéré à la suite d’une prise d’otage d’un citoyen belge en Iran. Quand on libère les terroristes, c’est qu’on s’incline devant le régime iraninen. Il faut mettre un terme à cette impunité qui est accordée au régime iranien. Il faut également que les pays européens reconnaissent clairement le droit de la résistance iranienne de provoquer un changement de régime pour le bien de son peuple.

Que manque-t-il au mouvement de résistance iranien pour renverser le régime des mollahs ?
La priorité est de mettre un terme à la politique de complaisance envers le régime iranien. Maryam Radjavi a toujours dit que la résistance iranienne n’a besoin ni d’argent ni d’armement des gouvernements étrangers. Elle demande une politique de fermeté vis-à- vis du régime actuel. L’Europe doit reconnaître le droit au peuple iranien de renverser le régime en place.

© Pauline Darrieus

Source: Valeurs actuelles

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6 Comments

  1. On se demande pourquoi les dirigeants des pays occidentaux se taisent et regardent ailleurs quand les Mollahs emprisonnent et assassinent à tour de bras! Quand à l’ONU elle est carrément complice, triste époque !

  2. Excellent article. Je me permets d’ajouter ce qui suit : il faut cesser toute complaisance avec l’actuel régime de Téhéran mais aussi avec ces « sympathiques » régimes arabes qui ne font des sourires à Israël que pour mieux l’assassiner à la première occasion.
    Et puisqu’il est question du shah, n’oublions pas le général Bahram Aryana dont je conseille la lecture du petit livre : « Pour une éthique iranienne ». Il y a en Iran des Zoroastriens (ne les oublions pas) et le mouvement Bahaï qui a son centre mondial en Israël est d’origine iranienne.

    • Vous avez raison. Et je sais qu’Israël n’a aucune illusion sur les Arabes et qu’elle collabore avec eux par opportunisme (nécessaire en politique) et toujours avec un doigt sur la gâchette.

  3. Il est possible que la jeunesse iranienne parvienne à renverser le régime fasciste des mollahs : ce serait le scénario le plus optimiste. Une victoire contre l’obscurantisme ayant des conséquences positives pour Israël et tout le moyen Orient.
    Mais s’il existe une chance de chasser le fascisme en Iran, ce n’est pas le cas de bon nombre de pays occidentaux (anglo-saxons, France, Belgique…) à cause de tous ceux qui depuis des années agitent l’épouvantail d’extrême droite imaginaires et ont permis la victoire des nazis islamistes et décoloniaux pro Hamas.
    L’Iran pourra peut-être se libérer.
    Mais le Royaume-Uni, le Canada la, la
    France et l’UE sont déjà tombés dans les Ténèbres.

  4. L iran compte 85 millions d habitants , les mollah disposent de ressources immenses , le monde occidental est une machine a vendre , donc l UE oublie un long instant ses merveilleux principes pour cirer les pompes des tueurs iraniens , et essayer de manger une part du gateau .

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