Tribune Juive

Daniel Sarfati. Je ne voulais pas voir ce film. Je ne voulais pas encore pleurer, écrasé de douleur

Si il n’y avait pas eu ce subit grésil, je ne serai pas entré au Cinéma Morny de Deauville, pour m’abriter. 

À cette heure là, pas le choix, était programmé « La zone d’intérêt » de Jonathan Glazer. 

Grand Prix au Festival de Cannes. 

Un film sur la vie de famille de Rudolf Höss, son épouse Hedwig et leur blonde progéniture. 

Dans leur pimpant pavillon de banlieue avec une serre et une piscine. 

On ne voit guère leurs plus proches voisins. 

Des voisins bruyants, que l’on entend même portes fermées. 

Un bruit continu de machines, des hurlements, des plaintes, des tirs sporadiques.

Et puis, plus rien. 

Que le bruit des machines qui ne s’arrête jamais et soudain comme un rougeoiement qui se projette aux fenêtres. 

De l’autre côté du mur, le camp d’extermination d’Auschwitz dont Rudolf Höss est l’efficace commandant, améliorant sans cesse le rendement des crématoires, et l’utilisation du Zyklon B. 

Je ne voulais pas voir ce film. 

Je ne voulais pas entendre la bande-son, qui m’a rappelé le « Dies irae, Auschwitz Oratorium » de Krzysztof Penderecki. 

Je ne voulais pas encore pleurer, écrasé de douleur. 

Hedwig cueillant des fleurs, Rudolf achevant les plans d’extermination des 70000 juifs hongrois déjà sur les rails pour Auschwitz. 

Je voulais juste m’abriter de la tempête qui balayait la plage normande.

© Daniel Sarfati
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