Si Israël appliquait la peine de mort. Par Francis Moritz

Dans le cadre des opérations militaires en cours, des milliers de terroristes ont été transférés en Israël. Une partie d’entre eux a déjà été identifiée comme participant direct au massacre du 7 octobre. D’autres le seront certainement encore. Le pays se trouve devant des choix judiciaires difficiles dont aucun n’est satisfaisant.

Israël a hérité du système judiciaire britannique en 1948 dont la peine capitale. Depuis 1954, Israël figure sur la liste des pays abolitionnistes selon Amnesty international. Cependant Jérusalem n’a jamais ratifié ni signé le deuxième protocole visant l’abolition de la peine capitale. En fait, elle reste formellement en vigueur dans le droit militaire (israélien) applicable pour

·      Les crimes de guerre contre l’humanité

·      Les crimes nazis contre le peuple Juif

·      La trahison

A la même date, Israel a aboli la peine capitale pour meurtre, remplacée par une peine incompressible à perpétuité.

C’est la loi promulguée en 1950 sur le châtiment des criminels nazis, qui sera appliquée en 1961 lors de la condamnation d’Adolf Eichmann. Auparavant, il faut se souvenir du tristement célèbre épisode de l’exécution en 1948 de Meir Tobiansky, accusé à tort d’espionnage et de trahison, condamné sommairement par un tribunal militaire. Il fut réhabilité à titre posthume. Une troisième condamnation fut prononcée, celle de John Demjanjuk accusé d’être Ivan le Terrible, gardien à Treblinka. Il fut acquitté en 1993 par la cour suprême sur base d’un « doute raisonnable » sur son identité.

 

Le changement de paradigmes

Depuis 50 ans les politiciens de droite ont régulièrement inclut le projet de la peine capitale dans leur programme électoral, mais sans véritablement aller plus loin.

Début 2023, le gouvernement actuel a introduit la peine capitale dans son projet de reforme judiciaire présenté à la Knesset. Il instaurerait une « peine de mort obligatoire » « pour ceux qui provoqueraient intentionnellement ou par indifférence la mort d’un citoyen israélien » « lorsque l’acte est commis pour un motif raciste ou de haine … et dans le but de nuire à l’état d’Israël et sa renaissance ».

Pour faire très court, cela ne concernerait finalement que les Palestiniens des territoires, voire d’autres, accusés du meurtre d’un citoyen israélien.

Depuis le 7 octobre 2023 les terroristes arrêtés entrent dans cette catégorie. On rappelle qu’après 1967, les tribunaux militaires dans les territoires étaient habilités à prononcer la peine de mort. Elle fut systématiquement commuée en peine incompressible.

Si cette loi devait entrer en vigueur, son application par les seuls tribunaux militaires, signifierait clairement que seuls les habitants palestiniens seraient directement visés. En référence à l’actualité la plus récente, les 440 employés de l’UNWRA seraient passibles de la peine capitale comme plusieurs centaines d’autres terroristes du Hamas.

Aaron Barak, ex président de la cour Suprême, a jugé cette loi anticonstitutionnelle. Le procureur général de l’État, Gali Baharav Miara, s’y est également opposé. Pour autant, l’amendement « Peine de mort pour les terroristes » a été approuvé en lecture préliminaire par la Knesset le premier mars 2023.

La multiplication de manifestations massives contre l’ensemble des reformes a amené le premier ministre à la suspendre en mai 2023, d’autant qu’un désaccord profond semble régner au sein de la coalition sur le maintien de ce projet porté par l’extrême droite, qui, par la voix de son ministre de la Sécurité publique, affirme qu’il est indispensable de réintroduire la peine capitale.

En revanche, la position des partis religieux est loin d’être homogène. Les responsables religieux sont très circonspects et prudents à ne pas prendre parti clairement. Leur pragmatisme semble prévaloir sur l’interprétation des textes. La population en majorité n’est pas favorable à ce projet.

Il n’en reste pas moins que les horreurs du 7 octobre incitent certains à changer de position. Au-delà, la partie procédurale soulève également nombre de problèmes légaux trop longs à développer ici mais suffisamment complexes pour susciter une levée de boucliers quant à leur respect des lois internationales auxquelles l’Etat Juif, également membre de l’OCDE, adhère.

Il faut retenir dans l’argumentaire du gouvernement que la peine capitale n’a pas été totalement abolie. Ce qui classe Israël dans le groupe des abolitionnistes conditionnels avec une loi en sommeil dans l’arsenal juridique. On oscille alors entre le DE FACTO et le DE JURE.

Les conséquences d’un tel choix

L’expérience des anciens dirigeants des organisations juives Lekhi, Etzel et Stern, Menachem Begin et Yitzhak Shamir qui luttèrent contre les Anglais, leur avait démontré que les condamnations à mort prononcées par les Anglais créaient des martyrs. Ce qui avait pour conséquence de galvaniser les survivants. A cet égard, on peut en effet imaginer, que de telles condamnations créeraient des martyrs et deviendraient un redoutable catalyseur de la lutte armée contre Israël, à la lumière de la multiplication des attentats-suicides ces derniers mois et depuis plus de vingt ans.  Le pouvoir de dissuasion en serait finalement très réduit.

Même si Jérusalem ne veut pas en tenir compte, le pays subit une pression internationale considérable et croissante, y compris de communautés juives de la diaspora dont les positions ne sont pas homogènes. De nombreux gouvernants critiquent sans nuance l’Etat Hébreu, tant pour des motifs de politique intérieure qu’au plan international : Il y aura des élections européennes le 9 juin, d’autres élections régionales, en Allemagne notamment.

La critique internationale

Traité par les uns d’ »État-apartheid », par d’autres de « déshumanisateur » par tel président brésilien qui s’autorise à utiliser le terme « nazi », « Génocidaire » selon la Cour Pénale internationale, « responsable d’un carnage » par d’autres.

La critique serait également vive de constater que cette notion de « peine capitale obligatoire » serait comprise comme un choix du peuple Juif ; dans le monde entier et par extension assimilé à la religion juive et son manque d’humanité. Car les récents événements nous ont appris que désormais, judaïsme, sionisme et antisémitisme sont devenus des synonymes, le bouc émissaire par excellence et cause de tous les maux pour les antisémites de la planète, et ils sont très nombreux. La réputation d’Israël en souffrirait sans aucun doute.

La commutation à perpétuité

Les événements en Cisjordanie ont entraîné des centaines d’arrestations, tandis qu’il semble (pas de confirmation officielle) que des milliers de terroristes aient été arrêtés et transférés en Israël. On doit s’interroger sur la capacité de l’état à soutenir le poids financier, politique, psychologique et sécuritaire qu’une augmentation substantielle du nombre de prisonniers provoquerait. Verrait-on une liste d’attente pour les condamnés, version américaine du couloir de la mort ? La presse internationale présente ? Quelques chiffres pour y voir clair :

En Israël, au 31/12/2023:

19.756 de population carcérale, dont 39% ne sont pas de nationalité israélienne, soit 217 pour 100.000 habitants, comparé à

France: 109, USA: 531, Thailande: 411, Chine: 119,

Japon: 36, Brésil: 381, Afrique du sud: 248

Au vu des informations actuelles, la population pénitentiaire pourrait atteindre plus de 25.000 détenus et combien de condamnés à la peine capitale ? Qui entrainerait un budget important, lequel viendrait s’ajouter au coût de l’après-conflit actuel.

Dichotomie entre victime et agresseur

Martin BUBER et Gershom SCHOLEM s’exprimèrent lors de la condamnation d’Adolf Eichmann :

Un article du New York Times du 5 juin 1962 cite Martin Buber, parfaitement conscient de la culpabilité du bourreau nazi, et qui déclarait : « Le rôle d’Israël aurait dû être celui d’accusateur et non de juge. Même  l’exécution d’un meurtrier de masse a suscité de nombreuses controverses éthiques sur la peine de mort ». 

Buber Calls Eichmann Execution Great ‘Mistake’; Israeli Philosopher Foresees Ill Effects in Germany Says Expiation of Guilt May Retard Rise of Humanism

75 ans après les camps, les 110.000 Juifs que compte l’Allemagne avec ses 83 millions sont soumis à des centaines d’agressions.

Gershon Scholem écrivait : « On dira que les Israéliens ont capturé le principal organisateur du génocide : qu’il le pende et qu’on en finisse… On craint qu’au lieu d’ouvrir les comptes, afin de les laisser ouverts à la prochaine génération, elle les en ait exclus ».

Alors, chacun sa vérité.

© Francis Moritz

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3 Comments

  1. « Une Justice inspirée par la pitié porte préjudice aux victimes »
    Le Talmud
    Voilà la seule vérité qu’une société civilisée, juive, chrétienne, musulmane, bouddhiste ou athée devrait suivre.
    Le reste n’est que mensonge : une manière de justifier la barbarie..comme celle qui règne dans ce pays que certains nomment France.
    Il y a quelques heures, j’ai appris la mort du père de Lola : son cœur a lâché. Et le mien saigne tous les jours en pensant à sa fille, aux enfants Israéliens torturés par le Hamas et à toutes les autres victimes de la barbarie.
    Les pays barbares d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Europe n’ont aucune leçon à donner à Israël qui vaut mieux qu’eux tous.

  2. @Kinski J’ai appris ça. Encore une victime de la barbarie made in France, avec la complicité de l’Etat français. C’est un véritable massacre qui est en cours, une sorte de 7 octobre au ralenti. Jour après jour une nouvelle horreur et un État qui dissimule délibérément la vérité.

  3. Le 7 octobre, Hamas et une immensité des gazaouis ont condamné des israeliens à mort; ils en on fait autant pour une partie des otages, les soldats israeliens meurent à cause de ces monstres.Ils continuent également à assassiner des israeliens sur leur Terre. Alors, pour ces assassins, ces violeurs ,je suis pour la peine de mort.

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