C’est avec une émotion toute particulière, et une très sincère peine, que je viens d’apprendre la mort, ce 9 février 2024, à l’âge respectable de 95 ans, de Robert Badinter, l’un des plus grands hommes, tant par la hauteur de sa pensée que par la profondeur de son humanisme, de notre temps, et qui me gratifia par ailleurs de son amitié tout autant que de sa confiance lorsque j’étais, il n’y a guère si longtemps, le porte-parole francophone du Comité International contre la Peine de Mort.
Un admirable sens de l’humanisme
Cet humanisme, c’est certes, tout d’abord, dans la noblesse de ses combats, au premier rang desquels émergent bien évidemment ses magnifiques plaidoyers pour l’abolition de la peine de mort, qu’il transparaît, dans cette conscience immensément éprise de justice, avec le plus de netteté.
Comment, à ce propos, ne pas se souvenir de cet historique jour, le 17 septembre 1981, où l’éminent Garde des Sceaux et insigne Ministre de la Justice qu’il était alors sous la présidence de François Mitterrand, prononça, devant l’Assemblée Nationale, un discours, en faveur de l’abolition de la peine de mort précisément, qui fit à ce point date qu’elle fut votée, à une quasi unanimité, seulement trois semaines après, le 9 octobre 1981, puis aussitôt inscrite officiellement, de manière irréversible, au cœur même de la Constitution de la République Française !
Digne héritier des Lumières
C’est ainsi en effet, par cette force de conviction à nulle autre pareille, où l’éloquence des mots, toujours parfaitement choisis, n’avaient rien à envier à ceux autrefois ciselés, sur cette même question de la peine capitale, par des esprits de la trempe de Victor Hugo, Albert Camus ou Arthur Koestler, que Robert Badinter, digne héritier des plus prestigieux philosophes des Lumières (dont Condorcet, qu’il connaissait bien et auquel il consacra, coécrit avec sa chère femme, Elisabeth Badinter, un superbe et docte livre[1]) entra de plain pied, en ce dernier quart du XXe siècle, dans l’Histoire !
Le droit à la vie, contre la peine de mort: un Absolu moral aux allures d’Impératif catégorique
Je me souviens moi-même, en particulier, de cet autre discours, plus récemment, de Robert Badinter sous la coupole du Panthéon, ce monumental sanctuaire que, comme il est gravé sur son fronton, « la patrie reconnaissance » dédie « aux grands hommes » : un discours qu’il prononça pas plus tard que le 9 octobre 2021 afin de commémorer ainsi dignement le quarantième anniversaire, justement, de son historique discours, encore et toujours, à l’Assemblée Nationale !
Car si cette ultime allocution de Robert Badinter frappa tellement les esprits, ce 9 octobre 2021 donc, c’est que, flanqué là de l’actuel Président de la République Française, Emmanuel Macron, il sut réveiller encore une fois, à ce douloureux sujet qu’est celui de la peine capitale, les consciences.
De fait, y clama-t-il nouveau haut et fort, la voix encore ferme et le regard encore clair malgré son âge avancé : « En vérité, la peine de mort ne défend pas la société des femmes et des hommes libres, elle la déshonore. Ainsi, devons-nous refuser toujours et partout, sous couvert de justice, que le mort soit la loi ! » Et, inébranlablement droit et lucide, élégant mais décidé dans son attitude quasi hiératique par-delà son humble mais poignante dignité, d’ajouter, non moins judicieusement : « Tant que, dans le monde, on pendra, on gazera, on décapitera, on lapidera, on fusillera, toutes celles et ceux qui considèrent le droit à la vie comme un absolu moral doivent poursuivre leur combat. »
Cet imprescriptible droit à la vie, contre la peine de mort, s’avère, effectivement, un absolu moral : un absolu aux illustres allures, comme l’énonça un certain Emmanuel Kant, immortelle lumière philosophique, dans sa Critique de la raison pratique, d’ « impératif catégorique » !
Un saisissant mais douloureux signe du destin : de ce 9 février 2024, jour de la mort de Robert Badinter, au 9 février 1943, jour de Rafle du « Vel d’hiv », où Robert Badinter vit disparaître son père
Mais ce qui interpelle également aujourd’hui, en ce funeste jour du 9 février 2024 qui voit donc disparaître, avec Robert Badinter, l’une des plus grandes figures du siècle, c’est que cette même date coïncide jour pour jour, tel un saisissant mais surtout douloureux signe du destin, avec celle, le 9 février 1943, de l’ignoble rafle du Vel d’Hiv, où, il y a donc 81 ans très exactement, le père même de Robert Badinter, Juif originaire de Moldavie, fut capturé par la Gestapo, alors sous les ordre de Klaus Barbie, pour aller ensuite mourir dramatiquement dans un des pires camps de concentration nazis : Auschwitz.
C’est dire à quel point, au regard de cet événement tragiquement fondateur de sa propre conscience morale et politique, le légitime acharnement que Robert Badinter, juste parmi les Justes, mit à vouloir extrader, alors qu’il était encore le puissant et très respecté Ministre de la Justice de François Mitterrand, ce même Klaus Barbie de Bolivie afin de le faire juger ensuite, pour crimes contre l’humanité, en France (ce qui advint effectivement et où il fut donc condamné à perpétuité, en 1987, par le tribunal de Lyon, là même où il avait sévit de manière aussi barbare qu’éhontée), s’avéra parfaitement compréhensible !
Le combat pour les Droits de l’Homme: un noble, infaillible et courageux exemple à suivre
Ainsi, oui, très cher Robert Badinter, sage d’entre les sages, suprême incarnation, par votre incontestable autorité morale et intellectuelle, du sens de la justice tout autant que de l’humanisme, est-ce également cet incessant, long mais glorieux combat pour l’abolition universelle de la peine de mort que nous, hommes et femmes de bonne volonté, humanistes de tous bords et pour qui la démocratie nous tient lieu d’inextinguible phare de la raison tout autant que du cœur, poursuivrons immanquablement, sans relâche, suivant ainsi, dans le sillage de ces incomparables Lumières que furent Voltaire, Rousseau, Diderot, d’Alembert, Montesquieu ou Condorcet, votre noble, infaillible et courageux exemple.
Éternelle gratitude
C’est aussi là, par-delà même l’impérieuse défense des droits de l’homme et de la femme, un enjeu, aussi permanant qu’inaliénable, de civilisation !
A vous, donc, notre éternelle gratitude !
Daniel Salvatore Schiffer*
*Philosophe, auteur d’une quarantaine de livres, dont « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, étique » (Presses Universitaires de France), « Lord Byron » (Gallimard-Folio Biographies), et directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie » ainsi que « Repenser le rôle de l’intellectuel » (publiés tous deux aux Editions de l’Aube, en collaboration, pour le premier, avec la Fondation Jean Jaurès). A paraître prochainement : « L’humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir. Contre les nouveaux obscurantismes » (Editions du Cerf).
[1] Cf. Elisabeth et Robert Badinter, Condorcet : un intellectuel en politique (1743-1794), Fayard, Paris, 1988 (réédité, en 1990, dans Le Livre de Poche).
La réalité est toute autre. Je ne parle pas de Badinter mais de la réalité de la « justice française »… »Une justice inspirée par la pitié porte préjudice aux victimes » dixit le Talmud…Eh bien la justice française et plus largement l’Etat français semblent en effet n’avoir pitié que pour les pires ordures et n’exister que pour porter préjudice aux
victimes. De nombreux violeurs et tortionnaires avaient été laissés en liberte par les autorités françaises alors que leur dangerosité extrême était connue. Certains sont d’ailleurs vite relâchés. A cela il faut ajouter la dissimulation de crimes racistes que pratique l’État et le système judiciaire français, comme lors du viol collectif d’Evry, le meurtre de Sarah Halimi et sans doute des centaines d’autres. Votre soi disant République n’est plus qu’un immense gigantesque territoire perdu de la République où le racisme inversé et l’antisionisme (c’est-à-dire le racisme tout court et l’antisémitisme)!ainsi que le mépris de classe _ on peut même dire racisme de classe_ sont une idéologie d’Etat.
Derrière le masque de nos « démocraties libérales » modernes et du progressisme se cachent en réalité le totalitarisme et le fascisme. Surtout en France et dans l’anglosphere.
Voilà la vérité crue et nue, celle que de plus en plus de gens commencent enfin,’progressivement, à voir.