Interview de Dovid Katz
Le 7 février 2024, Vilnius (Lituanie)
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Version française
Cher Professeur Dovid Katz, tout d’abord vous dire le grand honneur de pouvoir partager avec vous ce temps d’échange. Votre engagement est si total, vos recherches si larges, vos enseignements si nombreux, et votre parole si courageuse, qu’il nous faudra je l’espère envisager bien d’autres échanges, d’autres moments encore de réflexion. Votre champ de connaissances n’est pas seulement d’une ampleur sans égal, mais vous êtes aussi, je le crains, l’une de nos dernières grandes mémoires juives d’Europe de l’Est.
Vous êtes linguiste, professeur, chercheur, auteur, vous avez enseigné la Littérature, la culture et la langue Yiddish, – entre autres – à l’Université de Yales, puis à l’Université de Vilnius. Vous avez créé la plateforme « Defending Memory » où l’on trouve des articles d’une inestimable intelligence et d’une implacable justesse, vous avez écrit un nombre conséquent d’ouvrages, de romans, mais aussi d’études sur le monde ashkénaze, de contes, de traductions, vous avez conçu la plus grande bibliothèque vidéo d’archives sur les juifs de Lituanie. Vous êtes le fils du grand poète yiddish Menke Katz.
Je ne suis pas historienne, ni journaliste, aussi mes questions seront comme on dit en yiddish, un peu kroum,”קרום“ , un peu de guingois, certainement parce qu’on ne cessera jamais de se poser indéfiniment di alte kaché, די אלטע קשיא, cette vieille question de qui « sommes-nous – nous juifs – dans ce monde », et qu’il n’existe sans doute aucun chemin direct pour y répondre…
- Depuis ce 7 octobre, les juifs du monde entier se réveillent avec effroi. Le réveil est encore plus glacial en Europe, où la mémoire de la Shoah est toujours très vivace. Ou tout au moins le pensait-on, malgré les distorsions continues voire incessantes qui l’ont de plus en plus déformée, niée, – avec un révisionnisme bon ton, comme celui que vous nommez la « théorie du double génocide », discours négationniste moderne. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par la théorie du « double génocide », dont la France, par la voie d’historiens ou d’universitaires, fut aussi l’un des chantres (Stéphane Courtois en étant l’exemple le plus criant) ?
L’Europe connaît deux grands types d’antisémitisme. Dans le monde occidental, il s’agit le plus souvent d’une insatiable haine anti-israélienne conduite et orchestrée par une large partie de l’extrême gauche (qui n’est pas au pouvoir) et qui est devenue beaucoup plus douloureusement évidente depuis ce 7 octobre…
À l’Est, il s’agit d’une extrême droite d’élite (au pouvoir) qui a véritablement l’art de se faire passer pour un centre-droit et dont la haine ne vise que les communautés juives locales, celles dont la mémoire commune et le récit transmis de l’Holocauste sont jugés diaboliques par les élites du pays, c’est-à-dire : par les dirigeants du gouvernement, des Universités, des médias, de l’éducation, des arts, des musées, etc… Dans les pays baltes et au-delà de ces pays, « réparer » l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, la reconceptualiser entièrement fut considérée comme une urgence à mettre en place, sous prétexte de sécurité nationale dans l’effort (certes légitime !) de contrer la Russie dictatoriale, brutale et maléfique de Poutine qui, en 2022, lançait une véritable guerre de destruction, la plus violente et la plus médiévale depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour les Occidentaux, le message est sans doute brouillé, pour tous ceux tout au moins qui chercheraient à comprendre le révisionnisme historique qui rabaisse désormais l’Holocauste à l’un des deux « génocides » – tous deux supposés égaux (le premier étant, prétendument celui perpétré par les Soviétiques entre 1939 et1941 dans les pays baltes, avec l’aide prétendument des Juifs, entre autres, contre lequel le génocide hitlérien ne fut qu’une réaction). Ce non-sens historique est ainsi dissimulé par des phrases fantaisistes telles que « la nécessité d’une évaluation égale des régimes totalitaires » et « l’égalité des victimes » et bien d’autres slogans, très souvent avalisés par les historiens occidentaux et les dirigeants juifs en quête de médailles, d’honneurs et de plaisirs variés, lors de leurs séjours en Europe de l’Est. D’un point de vue empirique, les Soviétiques ont commis de nombreux crimes (en temps de guerre comme en temps de paix) en Europe de l’Est, mais pas de génocide. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, les Lituaniens étaient plus nombreux qu’à leur arrivée. Il ne s’agit donc pas d’un génocide. En 2008, un très grand nombre de pays d’Europe de l’Est ont participé à l’élaboration de la « Déclaration de Prague » – déclaration qui contient cinq fois le mot « même » et qui exhorte avec insistance à ce que l’Europe toute entière adopte l’assomption du « Double Génocide » (sans utiliser le terme, bien sûr !) et révise en conséquence tous ses manuels scolaires. A chacun de mes jours sur cette terre, je demeurerai résolument fier d’avoir coécrit, en 2012, une réponse parlementaire européenne intitulée « la Déclaration des soixante-dix ans », avec le professeur de l’Université de Melbourne, Danny Ben-Moshe.
Actuellement, l’histoire de l’Holocauste est réécrite en catimini, « sous les radars », et des sommes considérables sont souvent versées à des universitaires occidentaux et juifs pour qu’ils conviennent à cette réécriture. Et même lorsque de plus petits pays ou plus pauvres investissent massivement dans la « réparation » de l’histoire (en particulier à l’est de la ligne Molotov-Ribbentrop pour les pays d’Europe de l’Est), cela revient infailliblement à minimiser la participation réelle, volontaire et enthousiaste, des masses à des meurtres barbares, dès les heures et les jours qui suivirent le 22 juin 1941, après que les nazis ont envahi ce qui était alors l’Union soviétique. Des milliers de personnes ont été tuées par des autochtones, aujourd’hui glorifiés comme des « héros nationaux ayant combattu les Soviétiques », avant même l’arrivée des Allemands. Le musée le plus populaire de Vilnius, et le plus honteux, est le « musée du génocide » (dont le nom a depuis changé), situé sur le boulevard central. Il comporte une vaste salle présentant les bouchers du Front activiste lituanien (FAL), qui ont tué des milliers de Juifs (avant l’arrivée des Allemands, au cours de la dernière semaine de juin 1941), comme les chefs d’une grande révolte nationale contre les Soviétiques. Tel est le degré de mensonge d’une histoire quasiment incontestée. (Mensongère aussi parce que les « rebelles » n’ont pas tiré un seul coup de feu sur les Soviétiques lorsqu’ils contrôlaient le pays ; ils ont commencé à massacrer leurs voisins juifs et à tirer sur les Soviétiques en fuite lorsque les forces hitlériennes ont envahi le pays le 22 juin 1941. En d’autres termes, les Soviétiques ont fui devant l’invasion d’Hitler, la plus importante de l’histoire du monde, et non devant les tueurs de Juifs locaux, aujourd’hui glorifiés comme de grands héros nationaux.
- La non-réaction, (des juifs, aussi du reste) des pays européens face aux parades, ou à la multiplication des statues dans certaines grandes villes d’Europe centrale et de l’est en hommage national à des génocidaires impliqués dans le meurtre de masse des juifs pendant la seconde guerre mondiale, a -t-elle renforcé ce discours ?
Absolument ! Dès lors où des universitaires, des dirigeants et des gros bonnets occidentaux et juifs étrangers célèbres venaient à participer à des événements commémoratifs juifs/yiddish/holocauste organisés par les révisionnistes, ils étaient inéluctablement partie prenante du révisionnisme. C’est un segment très triste de la mission de DefendingHistory.com – qui détaille avec une large documentation les informations sur ces Occidentaux avides de médailles trahissant éhontément l’Histoire et les derniers survivants de l’Holocauste, pour quelques médailles, bibelots et séances de photos. Mais ce fut notre mission, c’est là toujours notre mission. Nous faisons ce qui doit être fait, là où d’autres n’osent ou ne veulent pas parler:
https://defendinghistory.com/when-a-picture-tells-a-story
- Dans cet imbroglio mensonger, et régulier, comme un doux poison que l’on ingère peu à peu, l’interprétation de la barbarie du 7 octobre n’était-elle pas déjà, à l’avance, portée à être brouillée ?
Il existe en fait de grandes différences entre les deux. L’antisémitisme anti-israélien émane en Europe principalement de l’extrême-gauche et des pays du tiers-monde, il est très affiché et parfois violent, et il représente une menace imminente évidente. Les dégâts sont considérables, mais personne de sain d’esprit et de juste disposition ne devrait se laisser entraîner par cette impulsion unilatérale et motivée par de la pure haine. En revanche, la menace discrète contre la vérité historique émanant des gouvernements d’extrême droite et des budgets publics d’Europe de l’Est ne menace, physiquement, pas même une mouche. Les personnes honnies (les survivants de l’Holocauste qui connaissent la vérité pour en avoir été témoins) ont aujourd’hui presque toutes disparues, le révisionnisme formulé dans un langage académique sophistiqué sur la base de ladite « égalité des victimes » (entre autres), s’installe. De surcroît, si par exemple des professeurs et des membres de l’American Jewish Committee s’y conforment pour en échange quelques médailles et des plaisirs du moment, l’histoire mensongère porte alors soudain l’imprimatur de l’autorité « juive ». Intellectuellement, elle est donc beaucoup plus dangereuse, par son caractère rusé et sournois, mais physiquement, personne n’est en péril (enfin presque : sauf nous, les « dissidents de l’histoire », contre lesquels sont lancées des campagnes de diffamation, de licenciements permanents et de calomnies. C’est ce qu’a récemment expliqué avec éloquence le brillant historien polonais Jan Grabowski, actuellement installé au Canada.
- Vous avez enregistré des centaines de témoins juifs lituaniens. Qu’est-ce qui, d’une part, vous a peut-être le plus surpris, et ce qui au contraire, a abondé étonnement dans le sens de vos recherches ?
Les surprises ont été nombreuses. Voici l’une d’entre elles :
Pour la plupart des Juifs que j’ai rencontrés en Amérique, en Angleterre ou en Israël, il n’existe pas de continuum entre l’ultra-orthodoxie et l’ultra-laïcité. Presque tout le monde est soit profondément croyant (qu’il soit pratiquant ou non), soit totalement athée. Dans la ville de Smolovitsh (Smalavichi), près de Minsk, nous avons eu la joie d’interviewer, sur plusieurs années, un mari et sa femme. Le mari, âgé de plus de 100 ans, Shleyme Fraiman, était athée et sa femme, âgée de 80 ans seulement, était une fervente croyante qui se rendait chaque jour sur la tombe de sa grand-mère pour prier. Nos vidéos, dans le Lithuanian Yiddish Video Archive (LYVA), toutes gratuites sur YouTube, continuent de raconter leur histoire, y compris leurs profonds désaccords sur Dieu…
- Qu’est-ce que ces témoignages disent finalement de nous ? Selon quelle perspective nous forcent-ils à nous regarder aujourd’hui ?
Pour ceux qui descendent, en tout ou en partie, de l’héritage ashkénaze oriental (Europe de l’Est), ces témoignages, pris dans leur globalité, nous rappellent à quel point nous nous sommes éloignés, en moins de 100 ans (mais une goutte d’eau dans l’histoire), de ce que nous étions pendant plusieurs centaines d’années. Ils nous permettent aussi de comprendre les transitions dramatiques que nos anciens, aussi récents que nos grands-parents ou arrière-grands-parents, furent contraints de traverser. En même temps, je ne prétends pas que si l’on interrogeait dix juifs appartenant à ces témoignages du passé, ils n’aient, de ce monde disparu, moins de dix points de vue différents ! (Les vidéos ont été réalisées jusqu’à leur disparition). Certains regarderaient peut-être avec embarras la vie dans un shtetl « technologiquement primitif » au sein duquel l’intimité avec la nature allait de pair avec une immersion et une croyance profonde dans les textes sacrés anciens ou, par contraste, ne verraient de la vie en société, dans les grandes villes en particulier, que le dévouement absolu aux activités révolutionnaires clandestines qui luttaient pour un monde meilleur et l’égalité entre les hommes. D’autres seraient surtout fiers de l’authenticité unique de leurs racines, s’enorgueillissant de constater que les descendants de la civilisation ashkénaze étaient si pacifiques, si riches en une croyance, des cultures, des langues foisonnantes, qui, pour s’être ainsi développées pendant tant de siècles, étaient devenues aussi matures qu’immuables.
Quel épouvantable choc de comprendre à quelle vitesse abrupte tout cela fut annihilé, par le pire génocide de l’histoire de l’humanité. Et cela, dans l’immédiat arrière-plan d’un nombre disproportionné d’immenses artistes, penseurs, scientifiques et écrivains du monde moderne.
Mais il y a une chose que j’ai apprise au fil des ans en montrant ces vidéos : beaucoup de ceux qui les visionnent, quelle que soit leur réaction initiale, tombent amoureux pour la première fois, de leurs parents, de leurs grands-parents, et en fin de compte, d’eux-mêmes, constatant qu’ils sont issus de l’une des plus grandes traditions de cette pourtant longue de milliers d’années Histoire juive. Une histoire ashkénaze à célébrer à chaque aurore … Mais il est impossible de pénétrer dans cette culture sans s’investir en temps et en efforts dans l’étude du yiddish…
- Il ne faut pas être ni devin, ni savant pour constater de la construction d’une pensée civilisationnelle dévoyée dans nombre de grandes universités occidentales. Qu’est-ce qui se joue soudain, selon vous, dans ce qui devrait être l’antre du savoir et de la mémoire humaine ?
Les grandes universités occidentales tendent généralement à vanter leur saine diversité d’opinions et leur tolérance académique et intellectuelle. Mais certaines des plus célèbres ont cependant permis une politisation extérieure, ce que les universitaires aiment qualifier d’ «instrumentalisation » de leur statut et de leur prestige par une variété de mouvements politiques activistes, dont certains, comme nous le voyons, sont fort peu recommandables et surtout très intolérants, en particulier lorsqu’ils sont actifs sur le lieu des campus, usant du temps et de l’espace des étudiants. C’est ici qu’un correctif doit être apporté : Les autorités universitaires ne devraient pas permettre aux mouvements politiques (même les « bons ») d’investir les campus, sachant qu’ils usent des excès passionnés propres à la jeunesse, pour rapidement transformer ces mouvements en intimidation, en harcèlement, en délégitimation et, en fin de compte, en déshumanisation de tout individu aux opinions opposées.
- Et Pourquoi les Universités en particulier ?
Eh bien, il s’y trouve des milliers de jeunes gens dans la force de l’âge, désireux de s’enthousiasmer, de s’impliquer, d’opérer des changements dans monde. Beaucoup sont sensibles à des positions prétendument « audacieuses » pouvant ainsi facilement créer une mentalité de foule, alors même que ces institutions s’efforcent sans cesse de soupeser, d’étudier, de disséquer la notion de différence par nombre d’activités intellectuelles, des séminaires, des livres, pour que chacun sache respecter la position de son ou ses adversaires.
Aucun problème de ce type en revanche en Europe de l’Est. Tous ceux, comme un grand nombre de personnalités, d’universitaires, ou moi-même, qui ont voulu s’opposer à la doxa gouvernementale en matière d’Histoire – et en particulier sur l’Holocauste (dans les universités, mais aussi dans les institutions culturelles, les musées, etc), ont tous été licenciés, et leur carrière « anéantie ».
- Comment comprendre que les narratifs les plus absurdes sur les juifs, qu’ils fussent nationaux, ou aujourd’hui collectif, et se propageant sur la toile du monde entier, ont le plus de chance de remporter l’unanimité ?
Je n’ai jamais connu d’approbation unanime. Le fait qu’une scène bruyante, tapageuse et s’assimilant à un rassemblement fasse l’objet d’une couverture médiatique au journal du soir ne dit rien de la minorité silencieuse, ni d’ailleurs, dans bien des cas, de la majorité silencieuse… Nous en revenons à la question sous-jacente de la politisation.
- Je m’attarderai – si vous me le permettez – plus longuement sur votre expérience du yiddish et de son enseignement lors de notre prochain entretien, mais je voudrais cependant vous demander ce que, depuis toutes ces années, vous avez constaté ? Peut-on parler de renaissance du yiddish, d’une branche de l’arbre qui brusquement refleurit ?
Je viens de fêter mes cinquante années d’enseignement du yiddish. Au cours de ce demi-siècle, j’ai vu, année après année, un environnement yiddish séculaire (culturel, littéraire) international, passer d’incalculables centres de vie dynamiques dirigés par des éducateurs, des écrivains, des éditeurs, des artistes, des acteurs et des chefs de file culturels nés en Europe de l’Est avant l’Holocauste, à peau de chagrin ; leur nombre, en raison de la limite naturelle de la durée de vie humaine, étant aujourd’hui de zéro. Sur le plan académique, les études de la littérature et de l’histoire littéraire yiddish dans un esprit « sanskritiste » prospèrent dans certaines universités, et la langue elle-même continue d’être utilisée par des clubs, des cours et des passionnés du monde entier. Mais à quelques rares exceptions près, cela n’a pas conduit à l’émergence d’un seul quartier ou d’une seule rue yiddishophone au cours des dernières décennies. En outre, une grande partie du yiddish utilisé par ces groupes (pas tous !) est hélas une variété de langue artificielle, – en bois – trop puriste, trop normative, tendant vers un « mignon » sentimentalisme, souvent dans cette transcription latine, que la dernière génération d’avant l’Holocauste jugeait comme une ombre indigne. En revanche, on compte aujourd’hui environ un million de locuteurs dont la langue maternelle est le yiddish parmi les ultra-orthodoxes, principalement hassidiques. Ils publient des dizaines de périodiques et de livres chaque année, et de toute évidence leur yiddish est le yiddish de l’avenir, malgré tout le dédain que leur montrent certains des groupes laïques, universitaires et clubistes qui ne cessent pourtant de proclamer leur amour et leur dévotion pour la langue. Le yiddish hassidique est mal représenté dans la littérature académique et générale actuelle. Il est néanmoins, dans ce qu’il produit aujourd’hui de mieux, le fondement des mille prochaines années de langue, de littérature et de culture yiddish. Dans mon dictionnaire culturel yiddish (YCD) (un dictionnaire anglais-yiddish), je me suis attaché à exposer toutes les facettes du yiddish moderne en adoptant une position descriptive et pas les divergences, plutôt qu’une position fondée sur le purisme et le normativisme. Vous êtes du reste tous invités à envoyer des mots qui seraient selon vous encore manquants, afin qu’ils soient ensuite inclus dans le dictionnaire. Il suffit de m’écrire à : info@yiddishculturaldictionary.org.
- Comprenez -vous l’intérêt que le yiddish, en dehors des cercles religieux, continue à susciter ?
Oui ! Il s’agit en fait d’une multitude d’intérêts, incluant l’héritage familial, le deuil d’un parent, l’amour de l’humour, le bon vieux sentimentalisme, l’expression d’une certaine forme de politique et tant d’autres choses encore. À mon avis, quel que soit le motif, un programme de yiddish sérieux est un programme qui produit des gens qui peuvent et veulent parler et écrire dans la langue elle-même. Il s’agit là de la définition minimale de la langue. Elle est parlée et écrite, mais aussi comprise et lue. Ce n’est pas seulement pour chanter, danser, plaisanter et profiter de tel ou tel groupe Facebook…
- Pensez -vous qu’Israël devait vraiment en passer par la mise au ban de cette langue pour exister, pour se façonner une identité ?
Bien entendu que non ! Israël est un pays qui s’est culturellement appauvri après ces années de campagnes violentes contre la langue, la littérature et la culture yiddish. Tous les pays du monde commettent de terribles erreurs. La cruauté que les écrivains yiddish subirent, la haine à l’égard de ce yiddish pratiqué pendant d’innombrables décennies est une tache que porte Israël. Tous les pays exposent des taches, erreurs de jugements de l’époque. Seuls les ultranationalistes et les chauvins pensent qu’ils viennent d’un pays qui a toujours été parfait en tout, et en tout le temps. (Pour revenir à notre sujet précédent, l’incapacité des pays d’Europe de l’Est à considérer l’Holocauste comme un événement grave, une tache noire épouvantable dans leur histoire, provient également d’un ultranationalisme chauvin).
- Vous savez, il y avait une blague juive, que mon père affectionnait particulièrement.
« Deux juifs, survivants des camps, se rencontrent un jour par le plus pur des hasards dans une rue de Moscou en pleine époque soviétique, poststalinienne. Que se disent-ils ?…….. ?
???
….
??
….
???
…
Eh bien… Rien !«
Que faut-il, nous Peuple juif, nous dire enfin, pour qu’un jour, au détour de l’histoire, ne règne plus ce silence moqueur ? Que faut-il nous dire après ce terrible 7 octobre ?
Tant que nous sommes encore sur cette terre (pour si peu de temps), il faut faire de son mieux. Ce n’est pas là au fond ce qu’il y a de plus facile… Mon père, que vous avez mentionné, m’a transmis un patrimoine essentiel, par son exemple d’une part et par nos longues discussions, d’autre part. Et parmi ce qu’il m’a appris, il y a le fait, étant donné et en dépit de nos limites humaines, de devoir nous battre pour de belles choses pour lesquelles il arrive que d’autres ne se battent pas. Cela peut revêtir de très petites choses, fragiles, controversées, dénigrées ou bien plus importantes et en un grand danger, – il faut savoir faire la différence, avoir conscience que l’on se dresse le plus souvent seul ou parmi un tout petit nombre contre de grandes foules. Cela implique l’acceptation implicite d’une vie marquée par l’opposition et, connaissant le monde dans lequel nous évoluons aujourd’hui (où tant de gens recherchent la richesse, la célébrité et la réussite professionnelle), la nécessité hélas aussi de se préparer et de s’armer contre la dégradation, les préjugés et la diffamation.
Dans ma propre vie, le grand miracle a été Internet. Littéralement expulsé de mon université pour avoir défendu les survivants de l’Holocauste accusés de crimes de guerre (malheureusement avec l’aide d’excellents professeurs américains et d’autres professeurs juifs occidentaux affamés de médailles), je suis encore capable, au mieux de mes capacités, de créer mon dictionnaire, mes archives vidéo et de laisser une trace dans DefendingHistory.com de ces années d’obscurcissement et de révisionnisme, malheureusement très abouties, de l’Holocauste. Mais un jour le temps viendra, à force de lutte,- la mienne ou celles de ceux, rares, qui se dressent aussi- , où la vérité refera surface, sans ombre. Et cette heure viendra, cela ne fait pas de doute, comme le jour suit la nuit. Mais le défi consiste à créer des choses que d’autres, le plus grand nombre, soient désireux de lire. Pour reprendre les mots d’un des poèmes de mon père, « Cent ans plus tard », il ne m’appartient pas de savoir si c’est le cas ou non.
- Croyez-vous qu’il faille être un peu poète aussi pour être juif ?
Non, il n’est pas nécessaire d’être un peu poète pour être juif. Mais, il est vrai que parmi tous les peuples, en particulier les petits peuples, les peuples plus dynamiques et historiquement controversés, nombreux sont ceux en effet qui sont un peu poètes. Pour être une personne créative, libre d’esprit, excentrique, qui n’a pas peur du jugement d’autrui, oui, il faut sans doute avoir quelque chose de l’âme poétique. Pour défendre des idées ou des causes impopulaires, il faut être aussi un peu poète. Et pour ne pas se laisser intimidité par une question qu’il s’agit de regarder avec originalité et hors des conventions ordinaires, il faut être un peu poète également (c’est pourquoi les personnes dont la vie est accaparée par la poursuite de la richesse, du statut, du pouvoir, en sont incapables).
Puisque vous avez parlé de mon père Menke Katz, qui était aussi mon meilleur ami dans la vie, je citerai de lui ce haïku qui englobe à la fois la question des différents peuples/races et celle de l’âme poétique. Il n’y a que deux races sur terre ! Extrait de son livre anglais Land of Manna (j’ai mis en ligne toute sa poésie yiddish et anglaise, ainsi qu’une sélection de 19 poèmes anglais seulement) :
the link to this poem: https://www.dovidkatz.net/menke/menke_19poems.htm#10
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Two races were left
from time immemorial:
the race of mammon,
and the race of lone poets —
the blessed scum of the earth.
(from: Menke Katz, Land of Manna, Windfall Press: Chicago 1965, p. 68)
Par ailleurs, j’ai scanné et mis en ligne les 18 livres de poésie de mon père (neuf en yiddish, neuf en anglais). Les liens se trouvent sur la page de ressources Menke Katz à l’adresse suivante :
Cher Dovid Katz, vous êtes décidément un universitaire hors du commun, un juif fait de courage et d’une honnêteté implacable, vous êtes une âme rare. Merci d’avoir accepté cette interview, et celles nombreuses, je l’espère, qui suivront encore.
Afin que nos lecteurs puissent vous découvrir, vous lire, vous écouter, sont joints ici l’adresse de vos sites internet.
www.YiddishCulturalDictionary.org
LYVA on youtube (https://www.youtube.com/playlist?list=PL89369D626BD42D2C).
Et à propos des milliers de rues, de momuments, de statues édifiés en l’honneur de tueurs de juifs élevés en héros nationaux :
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Version anglaise
Interview with Professor Dovid Katz
Vilnius, February 7, 2024
Dear Dovid Katz,
— First of all I’d like to say what an honor it is to be able to share this time of reflection. Your commitment is so total, your research so wide-ranging, your teaching so extensive, and your words so courageous, that I hope we’ll have many more exchanges and moments of reflection. Your field of knowledge is not only unparalleled, but you are also, I fear, one of the last great Jewish remberer-scholars of Eastern Europe.
You are a linguist, professor, researcher and author, you have taught Yiddish literature, culture and language at Oxford, Yale and Vilnius University, among others. You created the « Defending Memory » online web journal, where articles of intelligence and intrepid accuracy can be found. You have written a large number of books, research and for the wider audience, as well as novels, and also studies on the Ashkenazi world, fables, translations, and you have created the largest video library of archives on the Jews of Lithuania spoken by the last survivors in their native Yiddish. You are the son of the great Yiddish and English poet Menke Katz.
Thank you Daniella, for your most generous thoughts and words which are deeply appreciated and come as a true inspiration, especially in circumstances where so many Western and Jewish leaders, sometimes from great universities and major institutions, who come to Eastern Europe for medals, glories, and lofty photo-ops have been coopted to help obfuscate history, and in the process, to trash and help disemploy those small numbers in each country who have stood up for the simple truth of history, and whose words can be neither bought nor hijacked…
— I’m not a historian, nor a journalist, so my questions will be, as we say in Yiddish, a bit קרום, a bit oblique, certainly because we’ll never stop asking ourselves די אַלטע קשיא — that old question of who are we as Jews in this world are, and there’s probably no direct way of answering it.
Since October 7, Jews all over the world have been waking up in horror. The awakening is all the more chilling in Europe, where the memory of the Shoah is still very much alive. Or so we thought, despite the continuous, even incessant distortions that have increasingly distorted and denied it — with the kind of revisionism that you call the « double genocide theory », a modern-day negationist discourse. Can you explain what you mean by the « double genocide » theory, of which France, through its historians and academics, seemed also one of the champions (Stéphane Courtois being the most blatant example)?
Europe has two very different major types of antisemitism. In the western sectors, it is most often an incessant anti-Israel driven hatred that has become part of much of the overtly (out-of-power) far left, and has become much more painfully evident since October 7th…
In the east, it is an elite (in-power) far-right that specializes in masquerading as center-right, and whose hatred is only for the local Jewish communities, those whose accurate common memory and handed-down narrative of the Holocaust is seen as evil by the elites — leaders in government, academia, journalism, education, the arts, museums and so forth. In the Baltics and beyond, “fixing” the history of World War II has been reconceptualized as a national security issue in the (very just!) effort to counteract Putin’s dictatorial, brutal, evil Russia that in 2022 launched the most brutal and medieval war of destruction since the Second World War. This can make it harder for westerners to understand the history revisionism which seeks to downgrade the Holocaust into one of two “equal genocides” (the first being, allegedly that perpetrated by the Soviet in 1939-1941 in the Baltics, allegedly with the help of Jews among others, against which the Hitlerist genocide was supposedly a reaction. This historic nonsense is masked by fancy-shmancy phrases like “the need for equal evaluation of totalitarian regimes” and “equality of victimhood” and many more slogans, often accepted by Western historians and Jewish leaders alike, seeking medals, honors and fun during junkets in the East of Europe. Empirically speaking, the Soviets committed many crimes (in war and in peace alike) in Eastern Europe, but not genocide. When the Soviet Union collapsed, there were more people of Lithuania than when they came. That is not genocide. Many of the Eastern countries collaborated to produce the “Prague Declaration” of 2008 which has the word “same” five times and insists that all of Europe adopt Double Genocide (without using the term, of course!) and overhaul all textbooks. All my days on this earth I shall be proud to have co-authored, in 2012, the European parliamentary response, the Seventy Years Declaration, with Prof. Danny Ben-Moshe of Melbourne.
At present, the history of the Holocaust is being rewritten “under the radar” and with vast sums often supplied to Western and Jewish academics for going along with the rewriting. When even smaller and poorer countries decide to invest a lot in “fixing” history (which in Eastern Europe, especially east of the Molotov-Ribbentrop line), means downplaying and downgrading the actual voluntary and enthusiastic mass participation in the genocide, starting in the hours and days after 22 June 1941 when the Nazis invaded the then Soviet Union. Thousands were killed by locals, now glorified as “national heroes who fought the Soviets” even before the Germans arrived. Vilnius’s most popular museum, and most disgraceful is the “Genocide Museum” (its name has changed) on the central boulevard which has a vast hall characterizing the Lithuanian Activist Front (LAF) butchers of thousands of Jews (before the Germans took over, during that last week of June 1941), as leaders of a supposedly great national revolt against the Soviets. Such is the degree of virtually unchallenged Fake History. (fake because the “rebels” did not fire a single shot at the Soviets when they were in control; they started butchering their Jewish neighbors and firing at the fleeing Soviets when Hitler’s forces invaded on 22 June 1941). To put it differently, the Soviets fled from Hitler’s invasion, the largest in world history, not from the local Jew-killers now glorified as great national heroes.
— Has the non-reaction of European countries (including Jews) to the parades or the proliferation of statues in certain major cities of Central and Eastern Europe as a national tribute to heroes who are in fact the perpetrators of genocide involved in the mass murder of Jews during the Second World War reinforced this discourse?
Absolutely! Once famous Western and Jewish foreign academics, leaders, bigwigs come to participate in Jewish/Yiddish/Holocaust Memorial events put on by the revisionists, they become part of the revisionism. It has been a very unhappy part of DefendingHistory.com’s mission to document the medal-hungry Westerners betraying the last survivors and the history of the Holocaust for some medals, trinkets and photo-ops. But it is our mission so we do what needs to be done, where others dare not speak: https://defendinghistory.com/when-a-picture-tells-a-story
— In this deceptive and regular artificial imbroglio, like a sweet poison that we ingest little by little, wasn’t the barbaric event of October 7 already bound to be interpreted on the same track?
There are many differences between the two. Anti-Israel based antisemitism in Europe comes mostly from the far-left and from third-world communities, that is very open, and sometimes violent, posing an obvious imminent threat. There is great damage but nobody of sound mind and fair disposition will buy into the one-sided and hate-driven animus. By contrast, the under-the-radar threat to historic truth coming from the far-right governments and state budgets of Eastern Europe does not physically threaten a fly. The hated people (Holocaust survivors who knew the simple truth from witnessing it) are nearly all gone, the revisionism is couched in fancy academic parlance about “equality of victimhood” and the like, and once professors and people from the American Jewish Committee for example have received medals and the time of their lives, the fake history has the imprimatur of “Jewish” authority too. So it is intellectually much more dangerous because of its cunning and devious character, but threatens nobody (well almost: except for us “history dissidents” against whom campaigns of defamation, permanent disemployment and calumny are launched. This was eloquently explained recently in an address by the brilliant Canada-based Polish historian Jan Grabowski.
— You recorded hundreds of Lithuanian Jewish witnesses. What, on the one hand, perhaps surprised you the most, and what, on the other, was expected as in your research?
There were many surprises. Here are a few:
Unlike most of the Jewish people I had met in America, England, Israel, there was not some continuum ranging from ultra-orthodox to ultra-secular. Nearly everyone was either a deep believer in God (whether observant or not), or alternatively, a total atheist. In the town of Smolovitsh (Smalavichi), near Minsk, we had the pleasure, for years, of returning each year to visit and reinterview a husband and wife, where the husband, over 100 years old, Shleyme Fraiman, was the atheist, and his wife, only in her late 80s, was a devout believer who visited her pious grandmother’s grave to pray every day. Our videos, in the Lithuanian Yiddish Video Archive (LYVA), all free on youtube, continue to tell their story, including their powerful daily arguments about God…
— What do these testimonies ultimately say about us? From what perspective do they force us to look at ourselves today?
For those who are descended, in whole or in part, from Eastern Ashkenazic (East European) heritage, these testimonies, taken together, remind us of how far removed we have become, in less than 100 years (that is but a drop in history!) from who we were for many hundreds of years, while enabling us to understand the dramatic transitions undergone by ancestors as recent as grandparents or greatgrandparents. At the same time, let me not pretend that if any (say) 10 diverse Jewish people from the heritage were to see this now-lost world (which the videos caught in the last moment before their disappearance) they would have any less than ten diverse views. Some might look back with embarrassment at life in a « technologically primitive » shtetl where the intimacy with nature goes hand in hand with deep immersion and belief in the ancient sacred texts or, by contrast in some big cities, life in a society immersed in clandestine revolutionary activity in the yearning for a better world and the equality of all people. Others will feel pride in the unique authenticity of our roots, taking joy in the realization that we are scions of the Ashkenazic civilization that was so peaceful, so rich in belief, culture, languages, and that one that was at the same time so stable and maturely developed over so many centuries, that a priori it is a shock to just now understand how abruptly it was uprooted, by the worst genocide in the case of human history. Oh, and one in the immediate background of such a disproportionate number of the modern world’s great artists, thinkers, scientists, writers. But one thing I have learned over the years from folks watching these videos: many, whatever their initial reaction, for the first time in their lives, fall in love with their parents and grandparents, and in the final analysis, themselves, by seeing that they themselves come from one of the grandest traditions in all of the thousands of years of Jewish history, something to celebrate every day . . . But you can’t get inside the culture without investing the time and effort to study its language, Yiddish…
— We don’t have to be a soothsayer or a scholar to see the construction of a civilizational way of thinking that has gone astray in many of the great Western universities. What do you think is suddenly going on in what should be the home of knowledge and human memory?
The great Western universities generally continue to boast a healthy diversity of views and academic and intellectual tolerance. But some of the most famous have allowed outside politicization and what academics like to call “instrumentalization” of their status and prestige for a variety of activist political movements, some of them, as we see, very unsavory and very intolerant, especially when it comes to the student body’s free time and space on campus. Here is where a corrective must come: University authorities must not allow political movements (even “good ones”) from hijacking the campus for the kind of impassioned youthful excess that rapidly feeds into intimidation, harassment, delegitimization, and ultimately, dehumanization of others who hold opposing views.
— And why universities in particular?
Well, thousands of young people in the prime of life and desire for excitement, involvement, effecting change, and susceptibility to supposedly “daring” positions can easily create a mob mentality in the very institutions where differences are supposed to be pursued in an intellectual economy of discourse, papers, seminars and books, where all have the courtesy to respect opponents’ positions. No such problems in Eastern Europe, where all of us in universities (also cultural institutions, museums, etc.) who have opposed a government policy on history (specially the history of the Holocaust) are disemployed and “finished”…
— How can we understand that the most absurd narratives about Jews, whether national or collective, are the most likely to win unanimous approval?
I have never seen a case of unanimous approval. That a noisy, boisterous, rally-like scene makes for coverage on the evening news says nothing about the silent minority, or for that matter, in many cases, the silent majority… We are back to the underlying issue of politicization and the monopolization of public information by the media-savvy.
I’ll say more about your experience of Yiddish and its teaching in our next interview, but I’d like to ask you what you’ve noticed over the years? Can we speak of a renaissance of Yiddish, of a branch of the tree suddenly blossoming again?
This year I marked my fifty years of teaching Yiddish. During this half century, I have seen a secular (cultural, literary) Yiddish environment internationally go from many centers of vibrant life led by pre-Holocaust East-European born educators, writers, editors, artists, actors, cultural leaders to a time (now) where their number, by the natural limit of the human life span, is zero. Academically, studies of Yiddish literature and literary history in a “Sanskritist” spirit continue at a number of universities, and the language itself continues to be used by clubs, courses and enthusiasts around the world. But with very few exceptions, this has not led to the rise of a single Yiddish speaking neighborhood or street in recent decades. Moreover much of the Yiddish used by these groups (not all!) is sadly a wooden, artificial, overly purist, overly normativist variety tending toward cutie-pie sentimentalism, often in Latin letter transcription, which the last generation from before the Holocaust found to be an unworthy pale shadow of Real McCoy Yiddish. By contrast, there are today around a million native speakers among the ultra-Orthodox, mostly Hasidism, who publish dozens of periodicals and books each year, whose Yiddish is the Yiddish of the future, whether that causes pain to some of these secularist, academic, and club-environment groups who endlessly proclaim and write odes of love for and devotion to the language. Hasidic Yiddish has been badly represented in the current academic and wider literature. At its best, it is the foundation of the next thousand years of Yiddish language, literature and culture. In my Yiddish Cultural Dictionary (YCD) (an English-Yiddish dictionary), I am doing my best to bring to bear all the diverse facets of modern Yiddish by adopting a variationist and descriptive stance, rather than one founded in purism and normativism. Everyone is invited to send in words still missing, we try to get them in the dictionary with a few days. Just write to: info@yiddishculturaldictionary.org.
—Do you understand the interest that Yiddish continues to arouse outside religious circles?
Yes, it is really a multitude of interests, including family heritage, mourning a relative, love of humor, good old sentimentalism, expression of some kind of politics or other, and so much more. My own opinion is that whatever the motive, a serious Yiddish program is one that produces people who can and will ably speak and write in the language itself. That just goes to the minimum definition of language. It is spoken and written as well as understood and read. Not just for singing, dancing, joking and enjoying this or that Facebook group…
– Do you think that Israel really had to banish this language in order to exist, in order to create its own identity?
Of course not. Israel is a culturally much poorer country for the decades of a violent campaign against Yiddish language, literature and culture. Every country in the world makes terrible mistakes, and the cruelty toward Yiddish writers, and the hatred toward Yiddish practiced for many decades is a stain. Today’s young Israelis have nothing against Yiddish (it was, in mainstream society, killed decades ago as a matter of policy), but they think it a patois for jokes and jingles; very few even know it is the language of a great and permanent world-class literature. All countries have stains. Indeed, only ultranationalists and chauvinists think they come from a country that has always been perfect in all things. (Harking back to an earlier topic of our discussion, the East European countries’ inability to regard the Holocaust as a stain likewise hails from chauvinist ultranationalism).
– There was a Jewish joke that my father was particularly fond of.
« Two Jews, survivors of the camps, meet one day by pure chance on a Moscow street in the middle of the Soviet, post-Stalin era. What do they say to each other? ……..?
???
….
??
Nothing! »
– What must we, the People, finally say to each other, so that one day, at the turn of history, this mocking silence no longer reigns? What do we need to say after this terrible October 7?
While we are still on this earth (for so little time), we must try to do the best we can. Not what is easiest… My father also taught me, both by example and long talks, that given our limitations as mere humans, we should try to fight for beautiful things that others are not by and large fighting for, perhaps very small, fragile, controversial, disparaged, endangered things, and to thereby make a difference, knowing from the outset that standing up alone or amongst a tiny few against the great Mobs of the World means implied acceptance of a life marked by opposition, and in the world we live in (where so many pursue wealth, fame and career success), to be prepared and steeled against degradation, prejudice and defamation. In my own life, the great miracle has been the internet. Ejected from my university in Vilnius (where I spent so many years building Judaic studies) for standing up for Holocaust survivors who were being accused of war crimes, (Sadly with the assistance of fine American and other Western Jewish professors addicted to the medals), I am still able, to the best of my ability, to create my dictionary, video archive, and to leave a record in DefendingHistory.com of these years of successful Holocaust obfuscation and revisionism that will one day be appreciated when the time for the corrective comes, and it will surely come, as day follows night. But the challenge is to create things that someone will want to read, in words of one of my father’s poems, ‘A Hundred Years Hence’, and whether that is done or not is not for me to know.
And last question for now :
– Do you think you have to be a bit of a poet to be a Jew?
Nope, you don’t have to be a bit of a poet to be a Jew. Among all peoples, especially smaller, more dynamic and historically controversial peoples, there are perhaps proportionately more folks who are a bit of a poet. To be a creative, freethinking, eccentric person who does not fear what others will think, yes, one has to have something of the poetic soul. To take up unpopular ideas or causes, one has to be a bit of a poet. And to unabashedly, fearlessly see any issue from an unconventional, original perpspective, you have to be a bit of a poet (hence people whose lives are consumed by the pursuit of wealth, status, power, are incapable of being a bit of a poet).
As you mentioned my father Menke Katz, who was also my best friend in life, I will cite his short poem that encompasses both the question of different peoples/races and of the poetic soul. Only two races on earth! From his English book Land of Manna (I have put all his Yiddish and English poetry online, and also a selection of just 19 English poems):
the link to this poem: https://www.dovidkatz.net/menke/menke_19poems.htm#10
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Two races were left
from time immemorial:
the race of mammon,
and the race of lone poets —
the blessed scum of the earth.
(from: Menke Katz, Land of Manna, Windfall Press: Chicago 1965, p. 68)
Incidentally, I have scanned and made available online all my father’s 18 books of poetry (nine in Yiddish, nine in English). The links are on the Menke Katz Resource Page at: https://defendinghistory.com/menke-katz-in-april-2021-his-30th-yortsayt-and-115th-
Dear Dovid Katz, you are an uncommon academic, a Jew of courage and implacable honesty, a rare soul. Thank you for accepting this interview, and the many others that, I hope, will follow.
To help our readers discover, read and listen to you, we’ve attached your website addresses.
www.YiddishCulturalDictionary.org
LYVA (Lithuanian Yiddish Video Archive)
Bravo pour cet excellent article sur l’oeuvre de Dovid Katz.
Juste quelques suggestions d’amélioration de la traduction:
-l’assomption du “Double Génocide” > l’hypothèse du Double génocide
-un environnement yiddish séculaire > un environnement yiddish laïc
– ces années d’obscurcissement et de négationisme > ces années de falsification et de négationisme