Le Balcon des femmes (ישמח חתני), le film d’Emil Ben Chiron

Réalisé en 2016, ce film évoque un évènement parvenu dans une petite communauté juive de quartier. 

C’est une communauté très conviviale concentrée autour de son rabbin et de la synagogue. C’est une communauté séfarade, qui pratique joyeusement un judaïsme modéré et tolérant.

Lorsque le rabbin se retire tout à coup, la communauté est désemparée et ne sait que faire. C’est alors qu’un rabbin ultra-orthodoxe s’infiltre et leur enseigne un tout autre judaïsme.

Cela nous permet d’aborder le sujet de la religion en Israël.

D’après le centre de statistique d’Israël la population comptait à la veille de Rosh Hashana 2023 plus de 9,800,000 Millions d’habitants et devait atteindre les 10 millions cette année. 

La population d’Israël va même doubler d’ici 2065. Impressionnant et peut-être même inquiétant.

En 2021:

81% des habitants sont juifs

14% sont musulmans

2% Chrétiens

2% Druzes

1% sont définis comme « autres »

Parmi les juifs adultes :

• 43 % se définissent comme « laïques (non religieux) » 

• 35 % se considèrent comme traditionnalistes juifs 

(avec une division interne : 21 % se considèrent comme traditionalistes non-religieux et 13 % se considèrent comme traditionalistes plutôt religieux)

• 11 % se définissent comme religieux

• Et 10 % comme ultra-orthodoxes.

Ce qui frappe c’est cette nouvelle catégorie de traditionalistes qui ne se définissait pas comme telle par le passé.

Alors qu’est-ce qu’être traditionaliste aujourd’hui en Israël ?

Traditionalistes, est une autodéfinition de nombreux Juifs israéliens qui ne se considèrent ni « religieux » ni « laïcs ». 

Pour la plupart, les traditionalistes observent diverses coutumes juives et appliquent certains préceptes, ceux qui, à leurs yeux, représentent les symboles du patrimoine juif. Ils pratiquent ces préceptes, non pas en raison du strict respect de la Halacha , mais comme une expression de leur identité et de leur sentiment d’appartenance au peuple juif . 

Les traditionalistes partent de la conviction qu’il est important de conserver les valeurs traditionnelles du judaïsme afin d’assurer la continuité du peuple juif et perpétuer les coutumes de la famille. 

En Israël, Le traditionalisme est largement identifié aux Juifs Orientaux et nombreux parmi eux se définissent comme tel.

Pourquoi ?

La réaction face à la modernité aux 18 et 19 eme siècles s’est exprimée de façon très différente chez les communautés religieuses achkenazes et chez celle du judaïsme religieux séfarades.

En Europe Centrale, lorsque commence la période des Lumières, de la Haskala, beaucoup de jeunes, s’éloignent de la religion et adoptent un mode de vie laïque. 

La réaction de défense des rabbins Ashkénazes a été avant tout le rejet des mécréants et leur exclusion de la communauté. Une autre réaction fut le repli sur soi-même et la création de communautés ultra-orthodoxe, très refermées (les anxieux = Kharedim).

Chez les Achkenazim, Il y avait, d’une part la pratique d’un judaïsme très stricte et dogmatique menée par le courant orthodoxe, et d’autre part, chez les jeunes, une révolte contre le judaïsme religieux et un rejet total de tout ce qui rappelle les coutumes et les préceptes des juifs du « ghettos ». 

Ce fut la laïcité des premiers vagues de khaloutzim, forme de laïcité qui existe toujours.

En Afrique du nord par contre, « Les lumières », « la Haskala » n’ont que relativement peu touché les masses, la pénétration de la modernité s’est réalisée de manière progressive.

Pour les sépharades, l’interprétation des préceptes est plus souple.

Le principal était de préserver la famille, la grande famille avec les grands-parents les oncles et les tantes, les enfants et les petits-enfants et cela, en fermant un œil sur les signes de mécréances et de l’intrusion de la laïcité. 

Tous avaient leur place autour de la table familiale quelques soient leur conduite ou leur croyance (tout simplement on évitait de parler des sujets troublants). Ainsi chez les sépharades l’éloignement du judaïsme orthodoxes ne s’est donc pas réalisé par une coupure, par une révolte et par un rejet total du religieux. Au contraire, petit à petit, les jeunes familles délaissaient certaines coutumes et en conservaient d’autres par attachement à leurs souvenir familiaux ou par le désir d’exprimer leur appartenance au peuple que ces coutumes représentaient pour eux. 

Ce n’est que plus tard, en Israël, qu’apparut le courant ultra-orthodoxe séfarade sous l’influence des kharedim Ashkénazes et l’action du rav Shakh (se souvenir du film que l’on a vu : Les non=officiels).

Ce choix de la nouvelle génération de respecter certaines coutumes et d’en délaisser d’autres, c’est ce qui a produit l’apparition de ce troisième groupe, celui des traditionnalistes, qui petit à petit, devient dominant en Israël. 

De manière non planifié, et suite à la décision d’aucune instance, apparait un nouveau judaïsme en Israël: « Le judaïsme israélien » qui recouvre les traditionalistes de tous bord. C’est un judaïsme modéré, tolérant, fidèle aux sources mais aussi très créatif.

Les ultra-orthodoxes s’élèvent contre ce courant et lutte afin de lui imposer leurs croyances strictes et dogmatiques dès que l’occasion se présente, de l’autre côté, les laïques sont dans l’expectative afin de voir vers qui ils vont se tourner et qui ils vont renforcer…

© Ouri Weber

Sociologue, Oui Weber est l’auteur de « La gauche en Israël : conversation entre générations », 2015.

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