Au théâtre Bernadette-Lafont, dans le cadre du festival de la biographie, l’islamologue Gilles Kepel a évoqué son parcours universitaire mais aussi répondu aux questions sur la crise actuelle dans la bande de Gaza.
Malgré une conférence qui a débordé d’un bon quart d’heure, le public avait encore une foule de question à poser à Gilles Kepel, l’autre coprésident du festival de la biographie, spécialiste de l’islam politique. Le contexte s’y prête…
L’universitaire vient de publier Prophète en son pays, récit autobiographique dans lequel il revient largement sur ses quarante années de travail, depuis ses premiers voyages en Égypte. Mais la rencontre a largement tourné autour de la situation géopolitique actuelle, après les attentats du Hamas le 7 octobre. Gilles Kepel est d’ailleurs en train d’écrire un livre sur le sujet où il réfléchit aux événements en cours et à la notion de génocide, un opus qu’il espère boucler durant son week-end à Nîmes.
« À l’écart des idéologies »
Selon lui, l’événement vu comme une « razzia pour les assaillants » et vécu comme un « pogrom pour les victimes » aura de lourdes conséquences, qui vont redessiner les grands équilibres mondiaux tels qu’établis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après l’effondrement du mur de Berlin, en partie dû aux islamistes afghans, puis la surpuissance de l’Amérique après la Guerre froide, le monde voit émerger des pays du Sud qui « ont tous en commun de vouloir lutter contre le Nord. » Et tout cela est exacerbé par le conflit au Moyen Orient, où s’affrontent plusieurs morales et plusieurs légitimités.
Paradoxalement, selon lui, une prochaine trêve pourrait entraîner une séparation entre Netanyahou et ses alliés centristes et l’émergence d’une nouvelle majorité favorable à la création d’un Etat palestinien, mais qui suppose entre autres un accord avec l’Arabie saoudite.
Devant un public curieux et très attentif, jouant de sa complicité avec Franz-Olivier Giesbert, Gilles Kepel parcourt les quatre décennies où il a « tenté d’observer l’histoire » en se tenant « à l’écart des idéologies dominantes », regrettant que certaines mises en garde n’aient pas été entendues. Regrettant la « lâcheté des institutions », il vient de quitter l’université. « Je suis consterné, dit-il, quand je vois que la relation entre le savant et le politique reste aussi médiocre. »
© Stéphane Cerri
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