ECLAIRAGES
Plusieurs juges de la Cour internationale de justice présentent un profil militant ou une carrière professionnelle mettant en cause leur légitimité. InfoEquitable a enquêté.
Qui sont les quinze magistrats de de la Cour internationale de justice (CIJ) qui se prononceront prochainement sur la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël pour « génocide » ?
Quels sont leur profil, leur parcours professionnel, leurs éventuelles attaches politiques ?
La question est bien sûr cruciale.
Après les audiences des 11 et 12 janvier, lors desquelles l’Afrique du Sud et Israël ont présenté leurs arguments, la décision de la Cour internationale de la justice devrait intervenir dans les prochaines semaines.
Ce jugement sera pris à la majorité simple.
C’est dire l’enjeu et la responsabilité qui repose sur chaque membre de la Cour puisqu’il suffit que huit juges contre sept se prononcent dans un sens pour sceller l’arrêt de la CIJ.
Comme devant toute juridiction, la condition essentielle est bien entendu que ces magistrats se prononcent de manière impartiale et indépendante de toute influence politique.
C’est ce que prévoit l’article 20 des statuts de la Cour.
Or, force est de constater que certains de ces magistrats de la CIJ – élus par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU après avoir été présentés comme candidats par leurs gouvernements respectifs – ne présentent peut-être pas toutes les garanties d’objectivité et d’impartialité requises.
Après avoir enquêté sur leurs états de service, InfoEquitable les a classés en trois groupe.
Les disqualifiés
Nawaf Salam – la voix du Liban et de la cause palestinienne
Ancien ambassadeur du Liban aux Nations-Unies, Nawaf Salam (70 ans) a été élu en novembre 2017 à la Cour internationale de justice.
Issu d’une très influente famille beyrouthine, il est titulaire d’un doctorat de l’Institut de sciences politiques de Paris, a enseigné à la Sorbonne dans les années 80 et vit depuis de nombreuses années en dehors du Liban.
Il n’en est pas moins un ancien haut fonctionnaire d’un pays à partir du territoire duquel le Hezbollah participe depuis trois mois à la guerre déclenchée à Gaza par le Hamas contre Israël.
A ce titre, n’est-il pas à la fois juge et partie pour se prononcer sur la légitimité de la riposte israélienne et n’aurait-il pas dû se retirer d’un tel dossier ?
S’ajoute à cela qu’il est également un militant déclaré de la cause palestinienne ainsi qu’en témoignent ces deux extraits d’un article qui lui a été consacré en juin 2022 dans le quotidien libanais L’Orient-le-Jour :
Une épouse aux prises de positions inquiétantes
Cette « culture de la résistance contre Israël », il semble que Nawaf Sallam la cultive en famille…
A la ville, le magistrat de la CIJ est marié avec Sahar Baassiri, une ex-journaliste du quotidien libanais arabophone An-Nahar dont elle a été longtemps l’éditorialiste vedette.
Sahar Baassiri s’est reconvertie avec succès dans la diplomatie. Elle est aujourd’hui l’ambassadrice du Liban à l’Unesco.
Elle publie régulièrement des messages violemment anti-israéliens sur son compte personnel X (ex-Twitter), en particulier depuis le 7 octobre dernier.
Le 29 décembre dernier, elle relayait ce post d’Al-Jazeera accusant de manière grotesque Israël d’avoir kidnappé et torturé le personnel médical des hôpitaux de Gaza.
Dans ce tweet en arabe du 15 décembre, elle affirme qu’Israël a l’intention « d’exterminer un peuple ».
Manifestement, l’épouse de Nawaf Sallam a déjà un avis bien arrêté sur la question du « génocide » sur laquelle son époux est appelé à se prononcer.
Négation des massacres du 7 octobre
Sahar Baassiri n’a pas eu un message de compassion à l’égard des victimes israéliennes des massacres du 7 octobre 2023.
Ce qui ne signifie pas qu’elle soit restée silencieuse.
Le 13 décembre dernier, elle a choisi l’ignominie en repostant cette « enquête » d’un site arabe qui affirme que les massacres du 7 octobre n’ont jamais existé.
« Faux récits et tromperies – Voici comment Israël a promu les atrocités présumées pour obtenir du soutien aux Nations unies », titre le site Megaphone.
Ces positions affirmées et publiques de l’ambassadrice influeront-elles sur la lecture que son magistrat de mari – déjà « activement impliqué dans la lutte pro-palestinienne » – s’apprête à faire du dossier qui lui est soumis à La Haye ?
Disons que cela favorise au moins un climat favorable au sein du couple…
Kirill Gevorgian – Un magistrat zélé… à travers toutes les époques
Né en URSS à Moscou, en avril 1953, Kirill Gevorgian a été nommé à la Cour internationale de justice en février 2015. Il en est le vice-président depuis 2021.
Kirill Gevorgian est un haut diplomate russe, ancien directeur du département des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères à Moscou.
Il a été ambassadeur de Russie aux Pays-Bas (2003-2009).
Il a fait une belle carrière et – à en juger par son CV disponible sur le site de la Cour internationale de justice – il a connu ses plus belles promotions sous la férule du régime de Vladimir Poutine.
Des débuts prometteurs à l’époque soviétique
Issu d’une bonne famille de la nomenklatura, Kirill Gevorgian a fait de brillantes études à l’Académie diplomatique d’URSS dans les années 1970.
Dans ces dernières décennies de la dictature communiste, le profil de Kirill Gevorgian tenait certainement plus de celui de l’apparatchik que du dissident.
Il fut semble-t-il un fonctionnaire zélé et apprécié.
Tout au long des années 70-80, il faisait partie de la délégation soviétique à l’Assemblée générale des Nations unies où il venait défendre la vision des « droits de l’homme » telle qu’elle était conçue de l’autre côté du rideau de fer à l’époque de Léonid Brejnev.
Dans l’URSS de Léonid Brejnev, les « droits de l’homme », c’était un dossier sérieux que l’on confiait à des gens de confiance.
On ne rigolait pas avec ça.
C’était aussi l’époque où les Juifs étaient persécutés en URSS.
Peut-être cela donne-t-il des compétences et une sensibilité particulière à l’ex-haut fonctionnaire soviétique pour apprécier le comportement des soldats israéliens à Gaza.
Xue Hanqin, de la place Tian’anmen à la Cour de La Haye
Parmi les quinze juges de la Cour internationale de justice, il y a aussi Xue Hanqin, envoyée par le gouvernement chinois siéger dans l’auguste assemblée.
Multi-diplômée de l’université de Beijing, cette juriste de 68 ans s’est orientée vers la diplomatie en débutant sa carrière en 1980 au ministère chinois des Affaires étrangères.
Fiable et disciplinée, spécialiste de droit international, elle est devenue directrice du département des traités et du droit.
N’ayant pas participé au soulèvement de la place Tian’anmen, en 1989, elle n’a pas été inquiétée lors de la répression qui s’en est suivie et a pu poursuivre sa carrière sans anicroches.
Elle a été nommée en 2003 ambassadrice de Chine aux Pays-Bas.
Son CV précise également qu’elle a été chef de nombreuses délégations chinoises dans le cadre de conférences internationales concernant notamment « les droits de l’homme», une thématique que l’on suit également de très près à Beijing.
Julia Sebutinde, une avocate alerte à Entebbe
Née à Entebbe en Ouganda en 1954, Julia Sebutinde est entrée en 1978 comme « Avocat général de l’Etat et conseillère » au ministère ougandais de la Justice après avoir obtenu en 1977 un bachelor of laws de l’université ougandaise de Makerere.
Sans remettre en cause le sérieux du diplôme de droit décroché par la jeune étudiante d’alors, il y a tout de même un hic, ou tout au moins une interrogation.
Lorsqu’en 1978, Julia Sebutinde, âgée de 24 ans, se fait embaucher au poste prestigieux d’« Avocat général de l’Etat » au ministère de la Justice, l’Ouganda est encore sous la botte du sinistre dictateur Idi Amin Dada, resté présent dans les mémoires.
Sorte de « père Ubu » à la mode ougandaise, ce militaire fantasque et sanguinaire a incontestablement surclassé par ses outrances et ses délires tous les autres potentats africains du XXe siècle.
Après avoir pris le pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat en 1971, il fut renversé en avril 1979, laissant un pays exsangue.
Durant les huit années du régime d’Idi Amin Dada, 300.000 ougandais ont péri du fait des exactions criminelles ordonnées par le dictateur.
Ce n’est pas encore un génocide, mais ça y ressemble.
Certes, Julia Sebutinde semble n’avoir été nommée au ministère de la Justice que dans les derniers mois du règne de celui qui s’était proclamé « président à vie » de l’Ouganda.
Mais ce début de carrière fait néanmoins tache.
On aimerait quand même savoir à la faveur de quelles circonstances la jeune femme fut nommée « Avocate général » de l’Etat ougandais au ministère qui n’avait de Justice que le nom, pour remplir quel type de missions et comment après ce premier emploi prometteur elle prospéra jusqu’à devenir la première femme africaine à siéger à la Cour internationale de justice de La Haye.
Les autres magistrats
Parmi les quinze juges de la CIJ, certains présentent bien sûr un profil plus proche de celui qu’on est en droit d’attendre d’un magistrat impartial et libre de toute attache idéologique ou politique.
Mais leur influence au sein de la Cour s’avère naturellement réduite compte tenu de la présence à leurs côtés des juges précités.
La présidente : Joan E. DONOGHUE
Joan E. Donoghue est une juriste américaine de 67 ans est diplômée de l’université George Washington. Elle a effectué une bonne part de sa carrière au Département d’Etat avant d’être nommée à la Cour internationale de justice en 2010.
Ronny ABRAHAM
Ronny Abraham est un haut magistrat français né en 1951 à Alexandrie, en Egypte.
Il a été élu à la Cour internationale de justice en 2005, réélu en 2009. Président de la CIJ de 2015 à 2018.
Professeur de droit international
Diplômé de SciencesPo (Paris) où il a été professeur de droit international, il est aussi titulaire d’un Diplôme d’études supérieures de droit public et ancien élève de l’Ecole nationale d’Administration. Il a été successivement sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères (1986-1987); Maître des requêtes au Conseil d’Etat (1988-2000); Conseiller d’Etat (depuis 2000); Commissaire du gouvernement près les formations juridictionnelles (1989-1998); puis directeur des affaires juridiques au ministère des affaires étrangères (1998-2005). Entre 1998 et 2004, il a oeuvré comme agent de la France dans de nombreuses affaires devant les juridictions internationales et européennes.
Georg NOLT
Georg Nolte est un universitaire allemand né à Bonn en 1959.
Professeur de droit public et de droit international dans plusieurs universités allemandes, il a également effectué de nombreuses missions au sein du gouvernement allemand.
Hilary CHARLESWORTH
Hilary Charlesworth est une juriste australienne née en 1955 à Louvain, en Belgique.
Titulaire d’un doctorat de droit de l’université de Harvard (USA – 1986) et d’un diplôme de l’université de Melbourne, elle a été élue à la Cour internationale de justice en novembre 2021.
Leonardo Nemer Caldeira BRANT
Leonardo Nemer Caldeira BRANT est un juriste brésilien né en 1966 à Belo Horizonte, au Brésil.
Elu à la Cour de Justice internationale de justice en novembre 2022, il est titulaire d’un doctorat de l’Université Paris X-Nanterre.
IWASAWA Yuji
Iwasawa Yuji est un universitaire japonais ne à Tokyo (Japon), en 1954.
Il a été élu à la Cour internationale de justice en juin 2018 et réélu en février 2021.
Magistère en droit de l’Université de Tokyo (1977), diplômé de l’Université de Harvard, USA (1978).
Membre du Comité des droits de l’Homme de l’ONU (PIDCP) depuis 2007, il en est le président depuis 2017.
Les inconnus
Dans ce groupe se retrouvent des magistrats qui ne se sont pas particulièrement manifestés par des prises de positions anti-israéliennes.
A noter que certains de ces juges sont issus d’Etats pas toujours démocratiques et dont les systèmes judiciaires peuvent susciter quelques interrogations concernant le respect des règles de droit et de l’équité.
Abdulqawi Yusuf
Abdulqawi Ahmed Yusuf est un juriste somalien, né en 1948 à Eyl, en Somalie
Juge à la Cour internationale de justice depuis 2009, il en a été le Président entre 2018 et 2021.
Mohamed BENNOUNA
Mohamed Bennouna est né en 1943 à Marrakech au Maroc.
Il est juge à la Cour internationale de justice depuis 2006 et a été réélu en 2015.
Docteur en droit international, professeur de droit international, il a été directeur général de l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris et Ambassadeur du Maroc devant les Nations unies.
Distinctions : commandeur de l’ordre du Trône (Maroc), prix national de la culture du Maroc, médaille de la culture du Yémen, chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur en France.
Dalveer BHANDARI
Dalveer BHANDARI est né le 1er octobre 1947 à Jodhpur en Inde.
Diplômé en droit de l’Université de Jodhpur, il est juge à la Cour internationale de justice depuis avril 2012 et a été réélu en février 2018.
Patrick Lipton ROBINSON
Patrick Lipton ROBINSON est né le 29 janvier 1944 en Jamaïque. Il a été élu à la Cour internationale de justice en février 2015.
Des responsables occidentaux s’élèvent contre la procédure
Alors que la pression augmente dans la perspective d’une décision prochaine de la Cour internationale de justice, les responsables politiques de plusieurs pays occidentaux ont multiplié ces derniers jours les déclarations. Américains et Britanniques ont fait savoir officiellement qu’ils considéraient cette procédure pour « génocide » comme infondée. La France n’est pas en reste. « Accuser l’Etat juif de génocide, c’est franchir un seuil moral », a déclaré à l’Assemblée nationale le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné en réponse à une question de la députée (LFI) Danièle Obono. « Nous n’avons pas de leçons à recevoir de votre parti. Vous n’êtes pas au clair, ni sur le Hamas, ni sur Gaza », a ajouté le chef de la diplomatie française à l’adresse de la députée d’extrême gauche. Sans nul doute, cette déclaration cinglante constituait aussi un signal fort adressé aux magistrats de la Haye.
Source: InfoEquitable
https://infoequitable.org/israel-poursuivi-pour-genocide-des-juges-sous-influence/
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