Philippe Gabizon. L’islamiste est un mec chiant

Le leader du mouvement islamiste radical Forsane Alizza, Mohamed Achamlane, lors d’une manifestation à Paris, le 27 janvier 2012. — F.DUFOUR / AFP

Le paradoxe du mafieux, c’est qu’il prétend, par l’impôt qu’il fait payer aux commerçants, les protéger d’une menace qu’il fait lui-même peser sur eux.

Qu’est-ce que le statut de dhimmi ou, pour le dire de façon plus compréhensible, le statut de celui qui a accepté la domination de l’islam dans le quartier qu’il habite ? Par « domination », j’entends non pas l’exigence directe de la conversion à l’islam, mais une domination culturelle, une franche présence symbolique, par le nombre de magasins hallal, de boutiques de vêtements « traditionnels », de kebabs, une visibilité nette d’une culture et d’un univers symbolique.

Celui qui vit cette situation peut ne pas le percevoir immédiatement, tant il y voit, à partir du lieu duquel il pense, à partir de ses repères normatifs et métaphysiques, à savoir à partir d’une civilisation sécularisée d’inspiration chrétienne, les marques d’une « culture », c’est-à-dire les attributs de quelque chose dont il se dit que ceux qui s’y retrouvent savent pertinemment que ces attributs sont le fruit d’une construction culturelle. Il se dit que ceux qui se définissent par ces attributs, qui se sentent proches de ces abayas, de ces kebabs, des barbes masculines, des pantalons courts des hommes (avec baskets !), d’une langue française qui a intégré les « wallah » et les « inch allah », sont conscients du caractère fabriqué par les humains, donc relatifs. Il se dit qu’ils jouent avec les codes, qu’ils hybrident le discours, les normes, avec une distance leur permettant de s’adapter à leur interlocuteur, presque avec humour (et cela existe, bien-sûr). Mais il réalise progressivement qu’il s’habitue à cet univers, qu’il s’habitue à ces nouvelles normes, que la récurrence statistique de ses interactions avec cet univers symbolique l’affecte à son insu. Il prend conscience du fait que lui-même, désormais, pour se faire comprendre, pour agir sur son environnement, doit faire un pas vers ces nouveaux codes, les appréhender comme de nouveaux outils indispensables à une certaine efficience. Il doit lui-même s’hybrider, accepter un certain nombre de conventions sociales, pour ne pas paraître totalement lointain, exotique, étrange, voire menaçant. Il ne l’a pas vu venir mais il est devenu un dhimmi. Il ne s’est pas senti lui-même menacé, les gens qui l’entourent sont plutôt chaleureux, souriants. Ils montrent même une certaine ouverture, un intérêt pour lui, qui est, à leurs yeux, différent. Ils sont prêts à l’accueillir, presque à le protéger s’il avait un problème. C’est ainsi que s’est formalisée, pendant longtemps, la relation entre les musulmans et les Juifs. « Ils sont prêts à le protéger s’il avait un problème », ai-je écrit. Mais d’où viendrait le problème ? Peut-être de la frange la plus radicalisée de ceux qui sont prêts à le protéger. L’islamiste est vécu comme menaçant et, dans le même temps, comme non totalement exclu de la communauté des gens qui sont prêts à protéger le non-musulman. Un trait d’union s’opère entre l’islamiste et le non-musulman par les musulmans dits modérés. Une union étrange, d’apparence protectrice, mais qui expose au danger.

Il réalise que les signifiants (abayas, kebabs, présence de mots arabes dans la langue française…) qu’il estimait, au début de son exposition, relatifs, innocents, originaux, jalonnent l’existence de ceux pour qui ils constituent des normes et des repères d’une forme d’absolu. Le Juif ne peut totalement quitter, même malgré lui, son essence messianique, mais il ne se rassure pas, sur cette essence, par des repères visibles. Certains Juifs sont facilement reconnaissables par leurs vêtements traditionnels d’Europe de l’Est d’avant Shoah, mais ces derniers ne considèrent pas les Juifs assimilés comme moins Juifs qu’eux. Les Juifs détestent l’idée qu’une chose, soit-il un vêtement, pourrait laisser penser que celui qui la possède, qui le porte, jouit ainsi d’une relation privilégiée à l’absolu. Être Juif, c’est avant tout être iconoclaste, être libre, haïr l’idolâtrie et sourire avec compassion à ceux qui croient se faire une image du Créateur. A contrario, certains musulmans font peser sur d’autres musulmans une pression sociale, de conformation, d’homogénéisation, de régulation, via des codes culturels. C’est en s’habillant ainsi, en pensant ainsi, en vivant ainsi, que les musulmans doivent s’habiller, penser, vivre, estiment-ils. Les attributs décrits plus haut sont imprégnés de ces injonctions, de ce surmoi musulman, de ce désir de conformation. C’est ainsi que des cultures disparaissent pour laisser place à un monde musulman : faut-il rappeler que le hijab, le niqab, ne sont pas les vêtements traditionnels de la femme marocaine, tunisienne, pakistanaise, iranienne, irakienne, malaisienne, etc ?

L’islam expose continuellement les musulmans à une fixation sur l’annulation d’Israël

Que veulent les musulmans de Gaza ? Sans doute tout de suite survivre, ne pas être les victimes collatérales d’une guerre déclenchée par le Hamas. Plus tard, ils voudront retrouver une vie normale, avoir enfin eux-mêmes la sécurité, vivre en paix. Cependant, ils doivent enfin et vite découvrir que l’idéologie de leur religion, que leur religion-même, implique une non-sécurité, par essence. Qu’elle les expose, continuellement, à une fixation sur l’annulation d’Israël.

L’islam s’est construit comme prolongement, comme aboutissement, résolution presque hégélienne (le 3e terme après le judaïsme et le christianisme), synthèse après la thèse et l’anti-thèse. Il se pense comme un absolu, à l’instar des deux religions qui l’ont précédé. Soit. Il a le droit. C’est le propre d’une religion que de fixer un absolu. Mais alors que le judaïsme laisse un absolu inaccessible (il appartient à l’homme d’achever l’œuvre de la Création, autant dire que ce n’est probablement pas pour tout de suite), pour l’islam, l’œuvre est achevée. Reste désormais à étendre un peu plus le règne de sa vision, de son emprise. Comment les musulmans peuvent-ils cesser de revendiquer un absolu à faire connaître, à faire partager, en voulant évacuer le Dieu des Juifs, sans cesser d’être musulmans ? Pour cela, ils doivent considérer qu’ils ont construit un autre arbre que celui du judaïsme. Pour vivre une religion apaisée, les musulmans ne doivent plus considérer qu’ils sont la cime de l’arbre dont la souche est le judaïsme. Ils peuvent tranquillement estimer qu’ils ont créé une autre métaphysique, sans concurrence avec la spiritualité juive et chrétienne. Ils ont un beau tronc, le leur, une civilisation elle aussi millénaire, faite de gloires et de doutes, comme les autres civilisations. C’est en assumant les différences qu’on aura la paix, en Israël et dans le monde. Il faut se séparer pour s’estimer. La haine est toujours la haine du prochain, non celle du lointain. La haine de celui qui, par certains aspects, me ressemble. L’islam estime que le judaïsme est assis sur un trésor symbolique et qu’il est donc enviable (pour l’islam, le judaïsme n’est qu’un islam non encore compris, les Juifs ne méritent pas leur trésor symbolique s’ils ne se reconnaissent pas musulmans). Qu’il peut bénéficier de ce trésor en virant les Juifs qui sont assis dessus. Mais ça ne peut plus se passer comme ça. Sinon c’est la guerre éternelle. L’islam peut assumer son propre trésor symbolique, tranquillement : quand le Coran parle des Juifs, il suffit pour l’islam d’estimer que c’est la vision des Juifs dans le Coran mais que les Juifs réels, eux, ont bien le droit de se définir, de se voir, comme ils le souhaitent. Il suffit d’estimer pour l’islam qu’au fond, les Juifs peuvent bien dire et penser ce qu’ils veulent, tant que ça ne vient pas les déranger, ça ne les regarde pas. C’est ça la sortie de l’antisémitisme, la sortie de la croyance en la dépendance à l’égard des Juifs.

Sortir de l’islamisme

Le monde musulman crève d’un surmoi trop grand, trop développé, conquérant. Les musulmans dits modérés ont bien compris que la vie est trop distraite, trop inventive, trop désarçonnante, pour se fixer une image de soi proche de l’absolu. Ce sont eux l’avenir. Eux qui, assumant leur religion, la pensent et la vivent avec la distance de celui qui sait qu’il ne détient qu’une parcelle de vérité. Car la vérité pleine, si la plénitude devait être la panacée de l’absolu, n’appartient qu’à l’absolu. L’expression de la sortie de la névrose obsessionnelle est la créativité, l’invention de soi comme toujours autre à découvrir, l’art, la liberté. Le chemin musulman doit exister pour concilier liberté et religion. L’islamiste prétend affranchir les populations qu’il soumet alors qu’il ne fait que renforcer un surmoi collectif, augmenter le nombre d’injonctions et d’interdictions. La sortie de l’islamisme, la sortie de la névrose obsessionnelle, c’est la liberté, la découverte que les défenses qu’on érige pour se protéger sont les mêmes qui, un jour, nous emprisonnent. La sortie de l’islamisme, c’est la surprise, la création de nouveau, parfois l’outrance, le rire, l’élargissement du muscle du cœur, l’amour, l’humour, la conscience qu’on ne meurt pas en traversant des expériences de vie qui viennent rompre nos habitudes. La conscience que ce qui meurt, c’est la peur. Car – il faut bien le dire –, l’islamiste est un mec chiant.

Il y a des mafieux juifs, c’est certain, mais, en terre juive, il n’y a pas de dhimmi

Israël, ce petit peuple, ce petit pays, est fort de sa diversité, de ses approches originales, de son inventivité. Vivant une constante tension interne entre les promoteurs d’une religiosité implacable qui veulent la rabattre sur l’espace politique, et des sionistes athées voire libertaires, Israël ne cesse de démontrer qu’on peut vivre avec autrui même si on ne partage pas le même chemin de vie. Celui qui, au nom de la protection du peuple, de son unité, l’asservirait, n’est pas encore né ! Il y a des mafieux juifs, c’est certain, mais, en terre juive, il n’y a pas de dhimmi.

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