En couverture du luxueux supplément de « Haarets » du vendredi est apparu le visage sévère du Professeur Moshé Zimmermann, personnalité de gauche, germaniste de premier plan, très connu en Israël. « Dès lors », dit-il dans une interview, « que le pogrom, dont le sionisme devait préserver les Juifs, les a frappés le 7 octobre – et l’on sait avec quelle violence – et que l’Etat d’Israël a été incapable depuis 1948 de faire la paix avec ses voisins, l’échec du sionisme est patent ».
La semaine suivante, toujours en couverture, Israël apparaissait sous la forme d’un pays de cocagne. L’interview, cette fois, était offerte à Saul Singer. Avec Dan Senor, ils ont publié en 2009 le très remarqué « Start-Up Nation » sur le « miracle économique d’Israël » – paru en français cinq ans après. Ils viennent de récidiver après s’être penchés de longues années sur les particularités de l’Etat d’Israël qui, en dépit des graves problèmes que vivent ses citoyens, est classé d’année en année parmi les premiers sur l’échelle du bonheur. Au simple niveau statistique, on avait déjà noté qu’Israël est au plus bas du nombre de suicides et de morts par overdose parmi les pays de l’OCDE, alors que la natalité y est la plus forte – donnant l’assurance qu’il restera un pays jeune.
Et voilà que paraissait le livre de nos auteurs, intitulé « The Genius Of Israel »… sans un mot sur la terrible épreuve d’octobre! Alors, où était-il passé le bonheur israélien? Les auteurs auraient pu retarder la parution du livre, puis ajouter quelques pages ad hoc… Mais ils avaient opté pour le silence. Grâce à quoi, la grandeur d’Israël se manifestait aux lecteurs dans son expression la plus forte: l’unité retrouvée qui effaçait les divisions suscitées par l’essai de réforme judiciaire. Exactement comme le livre le laissait prévoir!
Sur le terrain, et depuis longtemps, la solidarité propre à la société israélienne ne s’était traduite avec cette force. « Auriez-vous imaginé qu’aux Etats-Unis », dit Singer, « un super-boss du high-tech plaque tout, pour courir dans le sud du pays et y ramasser les oignons qui risquaient de pourrir? »
Pour Singer, les comportements révélés par le malheur d’octobre, sont les qualités même de la société israélienne: « La capacité d’offrir aux siens ce dont ils ont vraiment besoin: le sentiment d’appartenance, se sentir impliqués, directement concernés… Une perception que stimulent les liens d’étroite camaraderie et de la famille unie ».
Y conduisent, disent nos auteurs, les mouvements de jeunesse, le service militaire ou civil, les repas en famille de la veille de Chabat, les copains-d’abord et le « guiboush », ces exercices, d’endurance, qui préparent les jeunes Israéliens aux lendemains et permettent, entre autres, de souder une Unité militaire en un groupe… uni.
© Jacquot Grunewald
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