Ce qui est dénié aux Juifs, c’est le droit à posséder un territoire national et à le défendre les armes à la main comme ils le font depuis novembre 1947 selon Renée Fregosi.
***
Alors que le Hamas détient toujours 130 otages, dans des conditions que l’on peut supposer épouvantables eu égard aux témoignages des otages libérés fin novembre dernier, et que les massacres, viols, actes de barbarie, destructions, razzias subis par la population civile israélienne dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, sont désormais largement documentés, c’est Israël qui est mis en accusation.
De l’avis général il s’agit bien d’une « guerre » qui oppose Israël au Hamas, pourtant on condamne Israël pour ses bombardements sur la bande de Gaza, et personne ne rappelle les deux semaines d’avertissement de la part de Tsahal et les délais laissés aux Gazaouis, assurant même leur protection contre les snipers du Hamas, pour quitter la zone nord avant que ne soit lancée sa riposte légitime, contrairement à toute logique de tactique militaire.
D’ailleurs, depuis le jour même du méga-pogrom perpétré par le Hamas, et avant même toute riposte, c’est l’État hébreu qui est présenté comme l’agresseur. L’attaque du Hamas aurait été méritée, de même que les tirs incessants de roquettes et de missiles sur Israël depuis Gaza, le Liban, la Syrie et même le Yémen, que personne ne condamne. Toutes ces attaques tuant, blessant, torturant hommes et femmes de tous âges, des vieillards aux bébés, ressortiraient de « la résistance » à la politique « d’occupation » israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Mais il ne suffit pas de dénier aux Juifs leur situation actuelle de victimes en les présentant comme des « dominants » soumettant les Palestiniens à un régime « d’apartheid », il faut aller jusqu’à accuser Israël de commettre « un génocide à Gaza ».
Israël au banc des accusés au Tribunal de La Haye
Ainsi, dès début novembre, « 800 universitaires et praticien·nes [sic] du droit international, de l’étude des conflits et de l’étude des génocides ont signé une déclaration publique mettant en garde contre la possibilité d’un génocide perpétré par les forces israéliennes contre les Palestinien·nes [sic] de la bande de Gaza. » (1) Puis en décembre, Hala Abou Hassira, « ambassadrice de Palestine » estimait dans l’Humanité que « le mot génocide n’est pas démesuré, c’est la réalité de Gaza qui l’est » (2), Francesca Albanese, rapporteur spécial des Nations unies pour « les territoires palestiniens occupés », affirmait que « à Gaza, le risque de génocide se matérialise de plus en plus » (3).
Enfin le 29 décembre, l’Afrique du sud portait une requête auprès de la Cour internationale de justice accusant Israël de se livrer à des « actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza » (4). Bien que la dimension génocidaire (5) de l’agression terroriste de 7 octobre peut désormais être établie, notamment par l’enquête du New York Times sur « la façon dont le Hamas a usé de la violence sexuelle comme arme » (6), c’est Israël qui est mis au banc des accusés au Tribunal de La Haye depuis le 11 janvier dernier.
Certes, ce n’est pas directement le Hamas qui forme l’accusation, mais ses « porte-paroles » : « Le Hamas n’est pas un État et ne peut donc entamer des procédures devant la Cour internationale de justice (CIJ), il est donc de notre devoir de porter la situation à Gaza devant vous » , ont expliqué les représentants de l’Afrique du sud (7). Et parmi les soutiens du groupe terroriste islamiste sont notamment présents à La Haye, Jean-Luc Mélenchon et Jeremy Corbyn.
Le leader de LFI qui est prétendument là pour la bonne cause, celle « de la paix et du droit international », poursuit avec son cynisme et ses références antisémites subliminales en affirmant que son « choix est celui du non-alignement qui n’est ni le « campisme », ni l’équidistance, ni la neutralité mais la référence à des principes politiques applicables en toutes circonstances et quels que soient les protagonistes. » (8) Quant à l’ancien leader du Parti travailliste britannique, suspendu pour antisémitisme, il déclarait : « Chaque jour, une nouvelle atrocité inqualifiable est commise à Gaza. Des millions de personnes dans le monde soutiennent les efforts de l’Afrique du sud pour demander des comptes à Israël. Pourquoi notre gouvernement ne le fait-il pas ? » (9)
« On le sait, les génocidaires et leurs soutiens accusent toujours leurs victimes de préparer un génocide. »
On le sait, les génocidaires et leurs soutiens accusent toujours leurs victimes de préparer un génocide. Massacrant en masse les Arméniens pendant la guerre de 14-18 pour bâtir une nouvelle nation unitaire, les Turcs les accusaient d’être des agents de l’ennemi (10). Les nazis exterminant les Juifs d’Europe, dénonçaient leur visée dominatrice, leur influence mondiale et les désignaient comme les fauteurs de guerre et les corrupteurs de la « race aryenne », justifiant la « solution finale » (11). Les tueurs hutus présentaient les Tutsis comme des dominateurs et des expropriateurs de la terre hutue et les déshumanisaient en les qualifiant de cafards à exterminer systématiquement (12). Les Khmers rouges présentaient leurs victimes (adultes et enfants des deux sexes de tous âges) comme des dangers mortels pour l’Angkar, des corps étrangers, destructeurs occidentalisés de la nation originelle, à déporter en masse pour les éradiquer jusqu’au dernier.
De même, l’attaque djihadiste du 7 octobre qui s’inscrit dans le projet totalitaire de l’islamisme relève bien d’un « processus de destruction-éradication, de nature identitaire, [qui] peut être également associé à la guerre de conquête. […] Là encore, le procédé du massacre, associé au pillage et au viol, est le moyen de se faire bien comprendre, pour hâter le départ de cet autre jugé indésirable. Ainsi la destruction partielle du groupe et l’effet de terreur qui en résulte sont-ils de nature à provoquer et accélérer les départs. » (13) Et l’inversion victimaire fonctionne ici d’autant mieux qu’elle poursuit une stratégie installée de longue date. L’injurieuse imposture du prétendu « génocide à Gaza » ne date pas d’hier en effet.
« Cette accusation d’Israël articule ainsi la haine des Juifs propre à l’islamisme, à un antisémitisme typiquement de gauche. »
Dans les années 1970, Edward Saïd, l’un des promoteurs intellectuels du propalestinisme (14), qui estimait que les Palestiniens constituent « peut-être un peuple exceptionnel » (15) retournait ainsi la notion de peuple élu pour la transférer à un peuple construit sur le mythe de la nakba (16). Car c’est bien d’une référence en miroir à la « Shoah » qu’il s’agit, puisque le mot « nakba » a un sens similaire à celui de « grande catastrophe » en hébreu (17).
Les Palestiniens seraient donc victimes d’un génocide depuis 1948, comme le prétend par exemple l’historien nord-américain Martin Shaw (18), suivant en cela Yasser Arafat lui-même qui déjà en 2001, n’hésitait pas à parler « d’apartheid », « d’épuration ethnique » ou de « génocide » lors de la conférence « Durban I » (19), fonts baptismaux du mouvement BDS contre Israël (Boycott-Sanctions-Désinvestissement). Étrange génocide sur une population qui depuis 1990 est passée de 2 à 5 millions et connaît un taux de croissance démographique annuelle de 2,5% (20). Mais la rationalité n’est pas de mise ici, et la riposte d’Israël à l’attaque du Hamas a exacerbé la thématique propagandiste propalestiniste.
Cette accusation d’Israël articule ainsi la haine des Juifs propre à l’islamisme, à un antisémitisme typiquement de gauche (ce « socialisme des imbéciles » comme disait August Bebel) et à la référence obsessionnelle au fascisme ou au nazisme pour désigner l’ennemi majuscule. Les Juifs seraient des colonisateurs qui usurperaient la terre des Arabes et plus particulièrement desdits Palestiniens, allant jusqu’à réaliser un génocide du « peuple palestinien », en se faisant passer pour des victimes, comme le faisaient les nazis, dont les Juifs seraient une nouvelle incarnation. En fait, ce qui est dénié aux Juifs, c’est le droit à posséder un territoire national et à le défendre les armes à la main comme ils le font depuis novembre 1947. Et le seul « État palestinien » que souhaitent les leaders actuels des Palestiniens c’est un territoire « judenfrei », une « Palestine libre, du Jourdain à la Méditerranée » (21).
© Renée Fregosi
Notes
© Tal Becker, conseiller juridique du ministère israélien des Affaires étrangères, et l’avocat Malcolm Shaw, à la Cour internationale de Justice (CIJ) avant l’audience de l’affaire de génocide contre Israël intentée par l’Afrique du Sud. ABACAPRESSE.COM
1 – « Des universitaires mettent en garde contre un potentiel génocide à Gaza », Contretemps, 8 novembre 2023, https://www.contretemps.eu/universitaires-potentiel-genocide-gaza/
2 – L’Humanité, 7 décembre 2023, https://www.humanite.fr/monde/bande-de-gaza/guerre-israel-hamas-le-mot-genocide-
nest-pas-demesure-cest-la-realite-de-gaza-qui-lest
3 – Zeina Kovacs, « Á Gaza, le risque de génocide se matérialise de plus en plus », Médiapart, 28 décembre 2023, https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/gaza-le-risque-de-
genocide-se-materialise-de-plus-en-plus
4 – La Tribune, 29 décembre 2023, https://www.latribune.fr/economie/international/l-afrique-du-sud-accuse
-israel-de-se-livrer-a-des-actes-de-genocide-contre-le-peuple-palestinien-a-gaza-986914.html
5 – Voir Renée Fregosi, « La dimension génocidaire, angle mort des massacres du 7 octobre », Telos, 3 janvier 2024, https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/la-dimension
-genocidaire-angle-mort-des-massacres-.html
6 – https://www.nytimes.com/2023/12/28/world/middleeast/oct-7-attacks-
hamas-israel-sexual-violence.html
7 – RFI, 11 janvier 2024, https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240111-accusations-de-g%C3%A9nocide-
contre-isra%C3%ABl-l-afrique-du-sud-a-d%C3%A9fendu-ses-arguments-devant-la-cij
8 – Communiqué de Jean-Luc Mélenchon sur son blog, « Présent à La Haye pour la Paix », 10 janvier 2024, https://melenchon.fr/2024/01/10/communique-present-a-la-haye-pour-la-paix/
9 – Africanews, 10 janvier 2024, « Corbyn soutient la plainte sud-africaine
contre Israël à la CIJ », https://fr.africanews.com/2024/01/10/gaza-corbyn-soutient-la-plainte-
sud-africaine-contre-israel-a-la-cij//
10 – Voir notamment Bernard BRUNETEAU, Un siècle de génocides. Armand Colin.
11 – Voir notamment Raul HILBERG, La destruction des Juifs d’Europe, Folio Histoire.
12 – Voir notamment Jean HATZFELD, Une saison de machettes. Point.
13 – Jacques Sémelin, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides,Seuil, (p.399)
14 – Le terme « propalestiniste » qui se réfère à une idéologie structurée instrumentalisant la situation de fait des Arabes de Palestine et de leurs descendants pour en faire une arme contre Israël et les Juifs, est préféré ici à celui de « propalestinien » qui peut se référer davantage à une défense compassionnelle, moins politique, des Arabes de Palestine et de leurs descendants, passion propalestinienne elle-même utilisée par le propalestinisme promoteur du « malheur palestinien ».
15 – Edward Saïd, La Question de la Palestine, Acte Sud.
16 – Nom donné par les Arabes à l’exode de populations de Palestine lors de la guerre d’indépendance menée par les Juifs en 1948.
17 – Écouter Shmuel Trigano interviewé par Yana Grinspun : « La déconstruction du mythe de la Naqba », Youtube 11 janvier 2024, https://www.youtube.com/watch?v=4C5BbI5cGGw
18 – Martin Shaw, « Palestine in an International Historical Perspective on Genocide », Holy Land Studies, May 2010, vo. 9, No. 1 (p. 1-24)
19 – Lors du Forum des ONG pendant la troisième conférence de l’UNESCO sur le racisme, réunie à Durban en 2001, des slogans « Mort à Israël », « Mort aux Juifs », « One jew = One bullet » (Un juif = une balle) ont été scandés et des agressions ont été commises sur des Juifs et des soutiens d’Israël (insultes, coups, bousculades, menaces). Voir par exemple : Malka Marcovitch, « ONU 2001-2007 : Durban ou l’éternel retour », Les Temps Modernes, 2007/2-3 n° 643-644 (p. 247-282), https://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2007-2-page-247.htm
20 – https://www.donneesmondiales.com/asie/palestine/croissance-population.php
21 – C’est le sens du slogan : « Free Palestine. From the River to the Sea ». Voir par exemple L’Obs, 28 octobre 2023, « Pourquoi le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » fait polémique ? », https://www.nouvelobs.com/monde/20231028.OBS80114/pourquoi-le-slogan
-from-the-river-to-the-sea-palestine-will-be-free-fait-polemique.html
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/israel-devant-la-cour-internationale-de-justice-de-la-haye/
Poster un Commentaire