J’ai eu 81 ans l’an dernier. Une longue vie qui m ‘a permis d’engranger des expériences, des connaissances, des amitiés, des amours… d’avoir des enfants, des maisons, des métiers…
Aujourd’hui, je ne possède rien. J’ai été un Luftmensch et j’espère être devenu un peu un Mensch. Ceux qui connaissent le yiddish ou l’allemand comprendront.
La folie du monde, je l’ai goûtée au berceau. Le jour de ma naissance précisément, mes frères et mes grands parents ont été assassinés en Pologne. Le jour de ma naissance à Villeurbanne à côté de Lyon, c’était le jour de la rafle des juifs étrangers de la région lyonnaise à laquelle ma mère a échappé de justesse, sauvée par un gendarme français et mon père par des voisins.
J’ai la prétention de croire que je peux me permettre de parler de l’histoire de la folie des hommes, de leur propension au mal quand ils sont guidés par des propagandistes et des doctrinaires, de leurs vices et de leurs vertus que je connais bien pour être avoir été moi aussi tour à tour vicieux et vertueux.
J’ai cherché à comprendre, j’ai voulu agir. Je veux toujours, plus que jamais. Au moment où surgissent à nouveau les quatre cavaliers de l’apocalypse sur leurs montures, le cheval blanc de la conquête, le cheval rouge de la guerre, le cheval noir de la famine, le cheval pâle des épidémies mortelles, il est temps de penser notre mission collective qui est de réparer ce monde en soignant la folie des hommes. Chacun à sa place, comme il le peut, en commençant par soi mais en ne s’arrêtant pas à soi. En ne prétendant surtout pas à la pureté et à la perfection, toujours hors d’atteinte mais en acceptant l’humaine condition et ses vérités incertaines.
« Je propose des fantasies informes et irresolues, comme font ceux qui publient des questions doubteuses, à debattre aux escoles : non pour establir la verité, mais pour la chercher ». (Montaigne).
© Charles Rojzman
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