« Le Hamas gardera, dans tous les cas, 40 à 50 otages jusqu’au bout. Ces otages représentent l’assurance vie de certains dirigeants »
Au 100e jour de la guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, les objectifs de la première phase semblent atteints pour Tsahal qui a annoncé contrôler militairement le nord de Gaza, et disposer d’informations suffisantes pour amorcer une étape de frappes ciblées sur le centre et le sud, déjà mis sous pression. Pour autant, rien ne laisse aujourd’hui entrevoir la libération de 136 otages que le Hamas détient toujours, morts ou vivants, dont 14 femmes. Rencontre avec Raphaël Jerusalmy, ancien officier des Renseignements militaires.
Après 100 jours de guerre, peut-on dire que l’armée israélienne tient les objectifs qu’elle s’était fixée le 7 octobre, et surtout le 27 octobre, lorsqu’a débuté l’incursion terrestre dans la Bande de Gaza ?
Raphaël Jerusalmy: Après 100 jours de guerre, le bilan pour Israël est extrêmement positif d’un point de vue militaire et l’avancée des troupes a atteint ses objectifs de contrôle du nord et de fortes pressions sur le Hamas au centre et au sud. A partir de maintenant, il est possible d’envisager une baisse de l’intensification des combats pour travailler plus sereinement sur l’objectif final : démanteler le Hamas. Malgré cela, le deuxième objectif de cette guerre s’éloigne, celui de retrouver nos otages, dans la mesure où nous ne pouvons accepter les conditions posées par le Hamas pour leur libération, qui équivalent à un arrêt des combats. Un tel accord nous ramènerait à la situation du 6 octobre. Pour autant, en dehors de cette exigence, Israël serait prêt à toutes les concessions : une trêve longue qui pourrait même atteindre jusqu’à un mois, la libération de terroristes prisonniers palestiniens, l’accroissement de l’aide humanitaire…
Le Hamas pourrait-il consentir à la libération des otages, même sans retrait total des troupes de Gaza ?
Raphaël Jerusalmy: Selon moi, le Hamas n’aurait aucun intérêt à libérer tous les otages lors d’un accord proche. Mais il pourrait en libérer quelques-uns contre une trêve ou un retrait de l’armée de certaines zones. Il gardera, dans tous les cas, 40 à 50 otages jusqu’au bout. Ces otages représentent l’assurance vie de certains dirigeants du Hamas. Nous savons par exemple aujourd’hui exactement où se trouve Yahya Sinwar, et nous savons aussi qu’il est entouré d’otages israéliens, ce qui rend sa capture impossible. Sinwar sait parfaitement qu’au moment même où il libèrera le dernier des otages, Tsahal aura libre court pour le détruire, même au fond du tunnel le plus profond de Gaza.
Militairement, que va-t-il se passer maintenant ?
Raphaël Jerusalmy: Après 100 jours de combats intenses, nous passons désormais à une période plus longue, qui pourrait durer entre 200 et 300 jours avec des cibles plus précises, moins de dommages collatéraux, un retrait partiel des zones de combats pour y revenir quelques heures seulement en cas de besoin. Grâce aux renseignements accumulés, Tsahal dispose d’une liste précise de cibles qui lui reste à détruire sans qu’il lui soit nécessaire de rester physiquement sur le terrain. Il existe aussi aujourd’hui dans Gaza des zones « sécurisées » dans lesquelles l’armée peut se regrouper et être hors de danger d’embuscade. D’ici la fin 2024, peut-être cet été, l’armée pourrait déclarer la branche militaire du Hamas démantelée, même si certains des dirigeants sont encore vivants.
Et après ?
Raphaël Jerusalmy: Après commencera une opération encore plus ardue que la phase militaire : la neutralisation de la puissance politique et administrative du Hamas qui, elle, est basée sur 300 000 fonctionnaires et sympathisants, dont beaucoup détiennent des postes clés à Gaza. Il faudra les remplacer par ceux qui aideront à la reconstruction et au rétablissement de l’ordre à Gaza. Mais après 100 jours de combat, nous sommes encore très loin du jour d’après.
Propos recueillis par Eve Boccara
Raphaël Jerusalmy, Ancien officier du renseignement militaire israélien, est notamment l’auteur d' »Evacuation » chez Acte Sud
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