Tribune Juive

Georges Benayoun. « Bataillon 6828: Ce soir ils dormiront dans des draps propres. La tête encore là-bas »

Jérusalem. Une visite rituelle au Kotel qui se transforme en un moment d’émotion pure.

Devant le Mur, nous tombons, par hasard, sur un Tekess, cérémonie militaire qui marque la démobilisation du bataillon 6828, réservistes rentrés après 3 mois de guerre.

La terre encore fraiche de Gaza accrochée à leurs chaussures, ils ont retrouvé quelques heures auparavant leurs parents, compagnes ou compagnons et bien sûr leurs enfants.

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Un mélange de lassitude et de bonheur d’être en vie.

Ils présentent leurs bébés, leurs familles à ceux avec qui ils viennent de passer 90 jours et nuits d’adrénaline, d’engagement, d’assurance du bien-fondé de leurs mission, de vigilance extrême, de tension, de débats moraux, de cas de conscience, d’entraide, de solidarité, de rires libérateurs.

Ces moments, des sourires en contraste avec leurs regards inaccessibles, chargés de ces longues semaines en premières lignes, ces accolades, ces enfants dans les bras de leurs pères, à jamais des géants, l’ombre des absents, ceux qui sont tombés, ceux dans les hôpitaux marqués pour la vie.

Je ne peux que modestement imaginer ce qu’ils viennent de vivre, les extrêmes auxquels leur humanité a été soumise, les arbitrages impossibles de ceux qui côtoient la mort.

Je ne connais aucun d’eux, mais la seule chose dont je suis sûr, c’est que nous, le peuple juif d’ici ou là-bas, devons à ces hommes notre survie et nos espoirs.

Justement, devant le Mur, un chœur doux et fatigué entonne une Tikva du retour à la maison. L’émotion est puissante, la plus forte depuis mon arrivée dans le pays.

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Puis ils se donnent une dernière accolade avant de retrouver leur chemin de vie, tout en sachant que dans quelques semaines ils pourront être de nouveau appelés si, à la frontière avec le Liban, les choses dégénèrent. Ce soir ils dormiront dans des draps propres. La tête encore là-bas.

© Georges Benayoun

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