Comme chaque année à l’approche des fêtes de fin d’année, les médias reprennent tous en chœur l’ampleur du risque terroriste en Europe. Certains prétendent y voir un lien avec ce qui se passe à Gaza. Or c’est une forme de désinformation. On parle d’union nationale rompue, d’importation soudaine du conflit. Tout cela était déjà la réalité hier et avant-hier. En réalité il s’agit bien d’un conflit de culture et de civilisation, tel qu’évoqué par ailleurs très largement et dont « l’importation » ne remonte pas au 7 octobre 2023, ce conflit existant depuis une trentaine d’années. Rappelons-nous 2015 et 2016. Il n’a fait que s’amplifier.
Au milieu des années 1980 l’Iran, porte-drapeau de l’islamisme politique, a commandité des attentats en France. En 1986 une série d’attentats a lieu: dix attaques causent la mort de 14 personnes et en blessent trois cents. En 1994 le GIA algérien s’attaque à la France. A partir de 1996 la France est confrontée au djihadisme d’Al Qaïda. Le recrutement commence pour envoyer des djihadistes européens guerroyer au Moyen Orient. 2011 marque la disparition de Ben Laden. L’année 2012 sera marquée par le drame de Toulouse. Des enfants juifs sont abattus de sang-froid.
Sur une période de cinq ans, on compte plus de 1 400 volontaires français en route pour le djihad. Depuis 2014 les attentats en France ont causé la mort de 264 personnes et fait près de 1200 blessés. La DGSI a pu déjouer 65 attentats. Les attentats du 13 novembre 2015 feront au total plus de 130 victimes. Le 14 juillet 2016 il y aura 86 morts et des centaines de blessés. La liste se poursuit.
Entre 2015 et 2016, 151 et 142 personnes ont perdu la vie. En 2022, 16 attentats terroristes ont eu lieu dans l’Union, douze ont été déjoués. En décembre 2023, l’Allemagne et la Hollande ont arrêté plusieurs individus soupçonnés de préparer un attentat en liaison avec le Hamas. Chaque pays met en œuvre des mesures spécifiques.
Djihad contre démocratie
Non, le conflit au Moyen-Orient n’est pas la cause du combat qui oppose les démocraties occidentales à l’islamisme politique et radical déjà présent. A tel point que par sa pénétration dans la société, il a même réussi à susciter une forme de racisme anti blanc entre les citoyens, qui fait tache d’huile car manipulé par diverses organisations, surtout à l’extrême gauche de l’échiquier politique, qui le soutiennent, espérant en récolter des fruits électoraux.
Le conflit du Moyen-Orient est un avant-goût de ce qui peut encore se produire en Europe si rien n’est fait pour endiguer le processus en cours.
Le problème de l’immigration, qui concerne toute l’Europe, se traduit cependant par des variantes propres à chacun des 27 membres qui réagissent en fonction de leurs intérêts propres, comme on le voit régulièrement.
En France, on voit bien que depuis des mois il y a eu une accélération des actes individuels, bien avant le conflit du Moyen-Orient. On a voulu faire l’amalgame, mais les citoyens ne doivent pas s’y tromper.
Les émeutes de juin-juillet étaient bien franco-françaises et puisent leurs racines dans une situation gelée depuis des décennies. On constate que la fameuse politique de la ville, à laquelle il est souvent fait référence, s’est traduite par des dizaines de milliards dépensés, en pure perte, mais on prétend la poursuivre.
Des attentats isolés ont eu lieu en France, en Allemagne, en Belgique, au Danemark pendant que des tentatives étaient évitées dans pratiquement la plupart des pays.
Pendant ce temps, la Commissaire européenne aux affaires intérieures, Mme Ylva Johansson, d’origine suédoise a beau jeu de déclarer : « Avec la guerre entre Israël et le Hamas et la polarisation qu’elle provoque… Avec l’approche des fêtes de fin d’année, il existe un risque énorme d ‘attentats terroristes dans l’Union Européenne »: Remercions-la pour cette cette découverte, mais ce n’est pas la Commission européenne qui a la charge d’évaluer le risque terroriste.
Chaque pays en assume la responsabilité et gère son niveau d’alerte, invoquant autant le risque islamiste que le risque d’extrême droite, tout en oubliant l’extrême gauche. En fait, le risque est également lié à une réactivation des groupes islamistes tels Daesh, Al Qaeda, qui doivent relancer leurs actes de terreur en Europe pour poursuivre leurs activités en Afghanistan et en Syrie. L’échange d’information et la coopération entre États membres a manifestement augmenté mais il reste du chemin à faire pour parler d’une globalisation de la lutte.
Les radicalisés, la Loi et le Droit
On rappelle qu’en France il est question de plus de cinq mille radicalisés fichés S, qui sont sur le territoire national. Leur détection et leur suivi est quasi impossible et une politique de prévention réellement efficace ne semble pas encore à l’ordre du jour. Les services chargés de la sécurité du territoire sont en permanence confrontés au respect des lois, aux décisions des magistrats qui appliquent le droit -qui n’est pas ou plus adapté à cette nouvelle situation- dont les délinquants utilisent les failles à leur seul profit, enfin aux contraintes imposées par la CEDH, auxquelles s’ajoutent les multiples conventions auxquelles la France adhère.
Le coup d’accélérateur
Depuis le 7 octobre, les actes antisémites et islamophobes ont substantiellement augmenté. Alors que l’antisémitisme n’avait jamais disparu, il est devenu banal et sert de catalyseur à toutes les peurs et les haines. Human Rights Watch relève qu’en effet de nombreuses communautés subissent cette haine et cette peur depuis des décennies. Les médias et les responsables politiques ont tendance à ne s’intéresser qu’aux actes importants en minimisant les actes individuels pour éviter, s’il est possible, de les assimiler à du terrorisme. La suite montre que la multiplication de ces actes et délits débouche sur une forme de traumatisme collectif et de défiance permanente pour les citoyens qui en viennent à souhaiter des mesures de plus en plus autoritaires face à une violence quasi quotidienne.
La contamination par les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux constituent le substrat de ces initiatives. Ils nourrissent la haine, la peur, l’antisémitisme et l’islamophobie au quotidien et participent à leur propagation. Ils sont devenus la porte d’entrée, la clé à encore plus de violence et d’intolérance. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Comment s’étonner ensuite que chaque jour nous apporte de tels délits et crimes de sang, comme en l’Amérique depuis toujours ? La violence est désormais une constante du paysage médiatique. Les incidents dans les écoles se multiplient, les attaques de bandes de même. L’usage de l’arme blanche est devenu à son tour banale.
Bilan
Dans quelques jours sera connu le bilan des fêtes y compris celui de la nuit du 31 décembre. Nous attendons avec intérêt et crainte de connaître le nombre de véhicules incendiés -qui est devenu banal dans le paysage médiatique- et celui des lancements de mortiers contre des commissariats ou d’autres lieux publics. On se félicitera d’un nombre identique ou inférieur à celui de l’année dernière et on sera satisfaits.
Aujourd’hui, nous savons d’où nous venons, mais savons-nous où nous allons ?
© Francis Moritz
Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion. Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine.
Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps
Poster un Commentaire