20 décembre en Israël
Il y a deux jours, j’ai vu une interview sur une chaîne d’information israélienne que j’aimerais partager avec vous. Elle a été réalisée entièrement en hébreu, puis un vidéo-clip de l’interview et une transcription en hébreu de l’entrevue ont été publiés sur le site web de la chaîne. Pour les lecteurs qui sont assez compétents pour écouter ou lire l’hébreu, j’ai joint un lien vers ce clip vidéo et cette transcription en bas de ce post. Pour ceux qui ne savent pas lire l’hébreu, j’ai pris la liberté de traduire l’article, mais je l’ai écrit comme un récit à la troisième personne plutôt que de le présenter comme l’interview à la première personne dont il s’agissait.
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Depuis que la guerre a éclaté le 7 octobre, le major (rés) Sivan Skelly Ben Zichri, quarante ans, dans son rôle d’officier d’assistance aux blessés, a dû organiser des dizaines d’enterrements militaires, parfois plusieurs par jour. Pendant des semaines, elle rencontra les familles endeuillées et entendit tous leurs éloges difficiles jusqu’à ce que son cœur ne puisse plus le supporter. Sivan s’est effondré, a fait un arrêt cardiaque et est en réhabilitation depuis.
Quant à son cœur, il n’y avait aucune indication. Les tests étaient toujours normaux, et tout allait bien. Elle n’a pas pensé un seul instant que cela pouvait arriver.
En temps normal, jour après jour, elle annonçait les noms des victimes ou organisait des funérailles. Elle faisait son travail, et c’était tout.
Pendant cette guerre, cependant, elle est passée de funérailles en funérailles, comme un « Producteur de funérailles ». Elle a écouté toutes les nécrologies, mot pour mot, lettre pour lettre. C’était super dur. Elle n’imaginait pas que cela affecterait son cœur comme cela a été le cas: son travail était si difficile que son cœur n’a tout simplement pas pu contenir la douleur de toutes les familles, la douleur de toute une Nation.
Il lui était impossible de se détacher de tout ça quand elle rentrait chez elle, et ce malgré ses efforts. Elle rentrait à la maison, s’asseyait avec son mari et lui racontait tout ce qu’elle avait traversé, à propos de tant de personnes disparues, le « sel d’Israël ». Elle était extrêmement triste ; trop triste pour décrire correctement à quel point c’était dur.
À l’une des derniers funérailles qu’elle a organisées, elle n’a plus senti ses jambes: c’était un enterrement dans un cimetière où 17 tombes avaient été creusées. Elle savait qu’il y aurait beaucoup plus d’enterrements. Elle sentait qu’elle ne pouvait plus le supporter. Elle sentait que quelque chose n’allait pas chez elle: elle a commencé à ressentir une pression dans sa poitrine mais n’y a pas attribué trop d’importance. Ça ne lui a pas traversé l’esprit qu’elle pourrait avoir une crise cardiaque.
Ce jour-là, elle a quitté l’enterrement tôt et est rentrée chez elle: elle ne pouvait pas fonctionner. Le lendemain, elle était à deux autres funérailles. Le soir elle alla se coucher, incapable de fonctionner. À 4h30 du matin, elle a senti dans la poitrine une douleur qu’elle n’avait jamais ressentie: c’était comme si quelqu’un entrait dans sa poitrine et essayait de lui arracher le cœur. Elle a réveillé son mari et lui a demandé d’appeler une ambulance. Il a proposé de l’emmener à l’hôpital lui-même. Elle a refusé. Elle sentait que quelque chose se passait. Quand l’ambulance est arrivée, ils lui ont dit que son ECG était normal et qu’elle faisait probablement juste une crise d’anxiété. Elle a insisté pour qu’ils l’emmènent à l’hôpital: elle connaissait son corps. C’était quelque chose d’inhabituel.
À l’hôpital, ils ont fait un autre ECG et encore une fois il fut normal. Le protocole, après que les tests soient sortis normaux, est d’envoyer le patient faire une radio du thorax.
Sur le chemin de la radio du thorax, elle a dit à son mari qu’elle sentait que quelque chose lui arrivait et qu’il fallait qu’un médecin l’examiner immédiatement. Avant de finir sa phrase, elle avait fait un arrêt cardiaque. Son mari l’a crue morte. Il appelait au secours: Il était quatre heures et demie du matin. Ils ont immédiatement réagi et ont commencé une très longue réanimation, environ 52 minutes, avec des chocs électriques. Ils l’ont connectée à une machine ECMO pour comprendre ce qui se passait vu que les tests étaient sortis normaux.
Ils ont fait une cathéterisation et ont réalisé que l’artère coronarienne était déchirée. Les médecins ont dit que c’était dû au stress parce que cette jeune femme avec un bon profil lipidique, et que rien d’autre ne clochait qui pouvait causer une crise cardiaque. Donc clairement, c’était à cause de la pression et du stress de son travail.
Elle était cliniquement morte. Elle n’avait plus de pouls. Les médecins appellent ça un « arrêt cardiaque ». Si elle avait été dans un autre hôpital, il n’est pas sûre qu’elle aurait été sauvée, car tous les hôpitaux n’ont pas une machine ECMO. Ils l’ont sauvée – et c’était un miracle. Elle a eu de la chance que l’incident se soit produit là-bas. Ils l’ont placée dans un coma artificiel. Elle est restée sous sédatifs et ventilée pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que son mari leur demande de la réveiller – pour son 40e anniversaire. Elle s’est réveillée et a ouvert les yeux exactement le jour de son 40e anniversaire.
Retournera-t-elle à son poste d’officier d’aide aux blessés? Elle doute qu’elle puisse le supporter physiquement à nouveau. Elle aimerait être bénévole à d’autres fonctions, pour faire tout ce qu’elle peut: « Nous n’avons pas d’autre pays », dit-elle. « Nous devons donner à notre pays autant que possible de nous-mêmes ».
Les officiers d’aide aux blessés reçoivent un soutien de suivi après chaque funéraille ou annonce, dans le cadre d’une conversation avec un psychologue. Les gens sont censés déballer ce qui s’est passé et ensuite laisser tomber. C’est ce qui est régulièrement fait pour essayer d’aider. Personne ne peut vraiment savoir à quel point ce rôle est difficile jusqu’à ce qu’il le fasse. Elle l’a fait. Elle s’est dit qu’elle était une personne forte, capable de le faire. Elle l’a fait et tout allait bien. Mais tant d’annonces et d’enterrements si proches l’ont poussée au-delà de ses limites. Elle ne pouvait pas imaginer l’effet que cela pourrait avoir… Jusqu’à ce que ça arrive.
Elle n’est pas encore complètement rétablie. Suite à sa connexion à la machine ECMO, un nerf de sa jambe a été endommagé. Elle marche avec une canne. Elle est toujours en désintoxication neurologique, en plus d’une rééducation cardiaque. Il lui faudra du temps pour se remettre mentalement lentement. Le principal c’est qu’elle soit en vie. C’est son miracle. Absolument.
https://www.mako.co.il/health-news/local/Article-609fbe874d08c81027.htm
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