Ramener les otages, vivants ou morts, sans obligation de régler la question de manière définitive du Hamas reviendrait à repousser le problème
J’ai toujours raisonné de manière cadrée. Et pourtant, lorsque les sentiments se mêlent à la raison, les certitudes deviennent moins claires. Un soldat est formaté pour réussir les missions que lui ont confiées ses commandants. En l’occurrence, après les crimes de guerre du 7 octobre, les soldats de l’armée israélienne s’étaient vu confier deux objectifs – annihiler les capacités militaires du Hamas et ramener les otages, vivants ou morts. La question est de savoir si, hiérarchiquement ou plutôt moralement, on peut déterminer un ordre de priorité. J’ai décidé de répondre à cette question. C’est ici « et », mais certainement pas l’un au détriment de l’autre. Car je pense avant tout à mes enfants, à notre génération, à celles qui les ont précédées. Lorsqu’une équation comporte une seule inconnue, le problème est évidemment plus soluble qu’une équation à deux inconnues, dès lors que l’une d’entre elles ne peut être déchiffrée.
Après le terrible incident malheureux qui a conduit à la mort de trois otages en raison de la faute opérationnelle de certains soldats qui n’auraient pas respecté l’engagement des règles de tirs, il semble évident que la pression des familles des otages, vivants ou morts, entre les mains du Hamas et d’autres organisations terroristes allait augmenter.
Mais rien ne justifie l’utilisation de cette pression à des fins politiques. Rien ne justifie d’appeler à une fin immédiate des combats. Cela ne ferait que reprendre le lexique utilisé par des monstres, des sous-hommes qui collectionnent des otages morts, et qui traitent les vivants comme une vulgaire marchandise. La traite des hommes est abolie.
Ramener les otages, vivants ou morts, sans obligation morale, militaire et stratégique de régler la question de manière définitive du Hamas reviendrait à repousser le problème en sachant parfaitement que ce monstre attend la moindre occasion pour attaquer à nouveau. Qu’il soit du côté de Gaza, du Liban, du Yémen, d’Iran, et même, si l’on en croit certains cadres de l’Autorité Palestinienne, de Ramallah. Peu importe les pressions exercées de la communauté internationale et d’un camp politique qui se réveille et qui est prêt à tout pour déstabiliser à nouveau un pays. Interrogé la semaine dernière, l’ancien Premier ministre Ehoud Barak a de nouveau précisé les contours d’une reprise des mouvements de contestation sociale contre le gouvernement. Quitte, dit-il, à utiliser la pression des familles d’otages comme vecteur.
Mon cœur est avec les familles des otages, otages qui n’auraient jamais dû être entre les mains de ces monstres si l’appareil sécuritaire israélien ne vivait dans une conception de défense euphorisante qui consistait à dire qu’une barrière technologique pouvait remplacer les soldats à la frontière. Mais je refuse d’adhérer à ces appels d’un accord « maintenant », quel qu’en soit le prix. La mort des otages israéliens par des tirs amis est douloureuse. Tragique surtout. Mais ce sont ces combats, cette pression militaire qui forceront le Hamas à accepter les conditions posées par Israël à un prochain « deal » concernant la libération d’otages. L’armée israélienne a été claire.
Au moment d’écrire cet article, le chef d’état-major réaffirme que les règles d’engagement de tirs n’ont pas été respectées. Il accepte, non seulement d’endosser la responsabilité des faits, mais également de publier le premier rapport d’investigation au grand public. Normal, me direz-vous ? Oui. Ce qui ne l’est pas en revanche, ce sont tous ces hommes politiques, actuels et anciens, qui surfent sur la vague de la douleur de ces familles, de tout un peuple, pour avancer leur propre agenda en manifestant, en versant de la peinture rouge sur les routes – le Hamas est avant tout responsable du sang qui a coulé le 7 octobre -, et en mobilisant des forces de police.
© Matthias Inbar
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