L’Ifop, en constituant un échantillon représentatif de 1000 musulmans français, est parti sonder cette catégorie de la population, concernant leurs opinions sur le conflit actuel. Cette enquête – exceptionnelle par la taille de l’échantillon – montre que leur opinion autour du conflit diffère parfois d’une manière significative de celle du reste de la population française.
LES CHIFFRES CLÉS
1 – 19% des Français musulmans expriment de la sympathie pour le mouvement islamiste du Hamas contre 3 % en moyenne du côté des Français. Leur proportion est significative dans les rangs des musulmans les plus jeunes (24 % auprès des 15-24 ans) et les plus religieux (28 % chez les musulmans se rendant à la mosquée au moins une fois par semaine).
2 – 55% des Français musulmans jugent négativement les actions du Hamas commises le 7 octobre en territoire israélien mais ils sont 45% à y voir « des actions de résistance contre la colonisation », face aux 10% des Français qui pensent ainsi.
3 – Près des deux tiers des musulmans (62%) jugent appropriée l’expression de « nettoyage ethnique » pour qualifier les opérations actuelles des Israéliens en Cisjordanie, contre à peine 38 % chez l’ensemble des Français.
4 – La grande majorité des musulmans français estiment que le gouvernement de la France est plutôt du côté d’Israël dans ce conflit (58 %, contre 20 % moyenne chez l’ensemble des Français), à peine 13 % considérant qu’il est neutre et 17 % qu’il est plutôt du côté des Palestiniens. Les musulmans les plus critiques sur le côté pro-israélien du gouvernement français se retrouvent dans les rangs des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (75%).
5 – De même, près des deux tiers des musulmans français (67%) estiment que le traitement médiatique du conflit est actuellement plutôt favorable Israël, contre à peine 22 % qui estiment qu’il est objectif et 11 % pro-palestinien.
LES ENSEIGNEMENTS
La crainte d’une importation du conflit israélo-palestinien dans l’hexagone semble bien la seule chose que les Français musulmans (76%) partagent avec le reste des Français (82%).
Pour le reste, force est de constater qu’ils divergent de leurs concitoyens aussi bien par la sémantique utilisée pour qualifier les événements (ex : « actes terroristes », « génocide »…) que dans leur perception du positionnement de certains acteurs (ex : gouvernement français, médias hexagonaux…) sur le conflit.
1 – Sur le 7 octobre, un sentiment d’horreur loin d’être partagé
Pour ce qui est de la qualification des pogroms du 7 octobre par exemple, les musulmans préfèrent davantage le terme d’ »actions de résistance contre la colonisation » (45%) que l’ensemble des Français (10%). Il est vrai que les atrocités commises ce jour-là contre des civils israéliens semblent moins susciter d’indignation dans les rangs des musulmans : seule une minorité d’entre eux les qualifiant d’ »actes terroristes » (29%, contre une moyenne nationale de 54%) ou de crimes de guerre (26% contre une moyenne nationale de 36%).
Autre point de divergence dans l’interprétation d’événements récents : les violences perpétrées par les colons israéliens en Cisjordanie occupée sont perçues comme un « nettoyage ethnique » par une large majorité de musulmans (62%) alors que c’est un point de vue assez minoritaire chez l’ensemble des Français (38%).
2 – Un soutien à la cause palestinienne, pas au Hamas
Reposant sur le principe d’une solidarité religieuse, la cause palestinienne semble bénéficier en France d’une aura indéniable chez les musulmans de France si l’on en juge par le soutien qu’ils affichent à l’Autorité Palestinienne : 59% des Français musulmans expriment leur sympathie pour le pouvoir qui gère la Cisjordanie (contre à peine 10 % des Français).
19% expriment de la sympathie pour le mouvement islamiste du Hamas, les autres le condamnant (25%) ou sont y étant indifférents (56%). Mais leur proportion n’en reste pas moins significative dans les rangs des musulmans les plus jeunes (ex : 24 % des 15-24 ans) et les plus religieux : 28 % chez les musulmans se rendant à la mosquée au moins une fois par semaine.
3 – Un regard critique sur la position du gouvernement et des médias sur le conflit
L’enquête révèle aussi le malaise des musulmans de France sur le conflit au regard du sentiment qu’ils ont non seulement d’un traitement médiatique à deux vitesses mais aussi d’une position gouvernementale perçue comme résolument pro-israélienne.
En effet, la position française sur le conflit est perçue comme pro-israélienne par une large majorité des Français de confession musulmane – 58% d’entre eux estiment que la France est plutôt du côté d’Israël contre 20% en moyenne chez l’ensemble des Français -, sachant que ce sentiment de déséquilibre en faveur de Tel-Aviv est particulièrement fort chez les musulmans ancrés à la gauche de la gauche (ex : 75% chez les entre eux-électeurs Mélenchon) ou originaires du Maghreb (63%). Il faut sans doute y voir l’impact de l’interdiction initiale des manifestations en soutien aux Palestiniens, les positions controversées de certaines membres de la majorité sur le conflit ou encore la promesse d’Emmanuel Macron de s’engager dans une coopération militaire aux côtés d’Israël.
Et ce sentiment de parti-pris se retrouve sur la question de la neutralité des médias dans le traitement médiatique du conflit : 67% des Français musulmans considèrent que les médias sont plutôt du côté d’Israël, contre 38% en moyenne chez l’ensemble des Français.
© Hugo Lasserre © Baptiste Dupont
Méthodologie : Étude Ifop pour Ecran de veille réalisée du 21 au 29 novembre 2023 par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon de 1 002 personnes, représentatif de la population de religion musulmane vivant en France métropolitaine âgée de 15 ans et plus
Ce sondage a été réalisé pour Ecran de veille, revue mensuelle spécialisée en matière de géopolitique.
https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/12/120289_Synthse_Ifop_EDV_Gaza_2023.12.18-1.pdf
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