L’Occident est victime d’une nouvelle crise d’identité causée par une défiance aiguë vis-à-vis d’une modernité qui l’effraie par son aspect particulièrement « transitoire, fugitif et contingent » (Baudelaire).
Comme tout malade, l’Occident est inquiet et l’inquiétude, comme le rappelle l’excellent Jacques Le Rider, est une marque de la modernité.
Dans la condition moderne, « l’individu se trouve mis au défi de maîtriser par les seules forces de sa subjectivité des problèmes qui le dépassent largement : crise du sujet social et politique face aux conséquences, parfois même à l’ échec des grandes stratégies d’émancipation, et face au relâchement des forces traditionnelles d’intégration culturelle ».(1)
L’individu n’est plus structuré par la tradition dont la modernité fait tabula rasa. Il existe une tendance dans une partie de la jeunesse d’aujourd’hui à mépriser avec une assurance déconcertante tout ce qui n’est pas issu de l’ instant : « Je n’étais pas né, disent-ils , comment le saurais-je ? »
L’histoire, donc les racines de l’individu, structure le sujet en lui offrant une généalogie, une durée qui l’inscrit dans un temps dont le passé n’est pas forclos. Comme l’écrivait Nietzsche, grand pourfendeur de la modernité : « L’homme ‘fort’ sera celui qui saura construire son identité en intégrant tout son passé au moi présent ». (2)
La crise généalogique de l’individu déstructure les bases identificatoires du sujet moderne qui par conséquence se retrouve sans repères face à un avenir sans lien avec le passé : destructuration temporelle.
Pour beaucoup d’occidentaux, l’existence est donc devenue un simple passage qui ne mène à rien, le nomadisme pour le nomadisme. C’est l’homme sans qualités de Musil. À la différence de Kafka qui écrivait : « Il y a un but mais pas de chemin » , le sujet moderne prend plutôt un chemin sans but…
Cette société du passage dans laquelle les identités se bousculent à l’intérieur du même moi crée une crise même de cette « identité » polymorphe.
La fallacieuse « Théorie du genre » est le symbole pathologique du « non-accomplissement de l’identité », comme le dit Jean Florence en parlant du moi freudien.
Deux options seront donc retenues par le sujet moderne en crise : soit rester en « disponibilité » identificatoire (« refusant les identifications hâtives », comme le dit Jacques Le Rider), soit tenter de sauver son identité par le biais d’une identification à des causes extérieures que sont « les rôles sociaux ou les causes idéologiques ». (3)
Et c’est ici que la religion absolument dogmatique et totalement passéiste qu’est l’islam devient pour les perdus de la modernité un (illusoire) support.
L’islam a de nombreux « avantages » pour ceux qui sont en recherche d’une identité stable puisant ses racines dans une tradition basée sur l’idée d’un passé glorieux fantasmé.
Ce retour en arrière plonge le musulman ou le futur prosélyte au cœur d’une lignée généalogique et tribale dans laquelle l’identité d’appartenance ne se pose plus. On appartient à l’Oumma, c’ est-à-dire à une totalité refermée sur elle-même qui, à l’image des sectes, condamne l’individualisme et le monde extérieur (non musulman bien évidemment).
Dès lors, le problème d’identité du sujet se trouve artificiellement réglé par l’ »arraisonnement » du « moi » par un « nous ».
L’individu n’est donc plus abandonné à lui-même car il appartient à une grande communauté.
L’identité musulmane repose sur une identité totalisante, c’est-à-dire, une identité collective qui paraît stable mais dans laquelle l’individu ne s’appartient plus.
Rien n’est en fait réglé car le moi labile du sujet et ses représentants inconscients n’ont pas disparu pour autant, et le retour violent du refoulé l’attend au détour du chemin.
L’islam apporte aussi un « avantage » indéniable pour ceux qui rejettent la civilisation occidentale !
Dans « Malaise dans la civilisation » (ou « dans la culture », selon les traductions), Freud explique que « (Le) remplacement de la puissance de l’individu par celle de la communauté est le pas culturel décisif. Son essence consiste en ce que les membres de la communauté se limitent dans leurs possibilités de satisfaction, alors que l’individu isolé ne connaissait pas de limite de ce genre ».
Freud ajoute: « La liberté individuelle n’est pas un bien de culture. C’est avant toute culture qu’elle était la plus grande, mais alors le plus souvent sans valeur, parce que l’individu était à peine en état de la défendre. Du fait du développement de la culture, elle connaît des restrictions et la justice exige que ces restrictions ne soient épargnées à personne ».
De ce fait, Freud explique que « ce qui bouillonne dans une communauté humaine en tant que poussée à la liberté peut être révolte contre une injustice existante et ainsi être favorable à un développement ultérieur de la culture et rester conciliable avec la culture. Mais cela peut aussi être issu du reste de la personnalité originelle, non domptée par la culture, et devenir le fondement de l’hostilité à la culture ».
Ainsi, nous pouvons dire que l’islam « offre » la possibilité à la communauté (l’Oumma) de se comporter comme un individu non « dompté » par la culture tout en gardant l’approbation et l’amour de la société (musulmane), donc d’une forme de « civilisation ».
En fait, l’islam affecte le rigorisme, ce qui répond en partie aux besoins d’ordre et de morale d’un individu non totalement dénué de « culture » afin de leurrer et de « contenter » le surmoi (dont la fonction consiste à juger le Moi). Mais la vérité est toute autre ! Violence et soumission (traduction du mot islam) sont les maîtres mots de cette religion.
Les pires pulsions sont donc cautionnées par la « Cause » comme cela se passe dans la plupart des idéologies totalitaires !
Les crises d’identités touchent des millions d’individus en ces temps de perturbations sociétales.
Face aux crises d’identité et aux familles décomposées, l’aspect clanique de l’islam vient aussi « rassurer ».
La nouvelle crise de la modernité occidentale peut trouver sa solution dans l’affirmation d’une identité forte en « piochant » dans son passé les moments les plus brillants de son histoire.
© Frédéric Sroussi
Notes
(1) Jacques Le Rider. Modernité viennoise et crises de l’ identité (Quadrige/Presses Universitaire de France)
(2) Friedrich Nietzsche. Le crépuscule des idoles
(3) Jacques Le Rider. Modernité viennoise et crises de l’ identité (Quadrige/Presses Universitaire de France)
https://frblogs.timesofisrael.com/modernite-crise-didentite-et-expansion-de-lislam/
À PROPOS DE L’AUTEUR
Frédéric Sroussi est journaliste et essayiste. Il a collaboré, entre autres, au Journal du Parlement français, à l’édition française du Jerusalem Post, à la revue de l’Instituto Centroamericano de Prospectiva e Investigación (ICAPI), à la revue France-Israël Information ou encore au site Front Populaire. Il écrit actuellement pour Tribune Juive. Il est aussi l’auteur de trois essais.
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