Deux mois après le 7 octobre, le Fatah, Parti de Mahmoud Abbas, récolte moins de 20% d’intentions de vote. Le mouvement islamiste récolterait une majorité absolue, aussi bien en Cisjordanie (50%) que dans la bande de Gaza (52%).
Des résultats publiés hier mercredi par le PCPSR, principal institut de sondage palestinien qui a réalisé cette enquête d’opinion durant la trêve entre Israël et le Hamas (du 22 novembre au 3 décembre) auprès de 1231 habitants de Cisjordanie et de la bande de Gaza.
A noter: la marge d’erreur est de 4%.
30% d’avance pour le Hamas
Le Fatah, Parti nationaliste longtemps conduit par Yasser Arafat et considéré jusque là comme la force politique dominante, contrôle à la fois l’OLP, l’organisation qui représente l’ensemble du peuple palestinien, et l’Autorité palestinienne, l’administration née il y a 30 ans des accords d’Oslo.
Les islamistes du Hamas avaient déjà remporté les élections législatives palestiniennes de 2006. Dans ce sondage, ils bénéficient d’une avance de plus de 30% sur le parti historique en perte de vitesse. Le Hamas a bondi de 17% par rapport au précédent sondage du mois de septembre. Cette adhésion se manifeste essentiellement en Cisjordanie: là, le soutien au Hamas a plus que triplé par rapport à il y a trois mois. D’autres partis se partagent le reste des voix.
Cette popularité du Hamas, on la ressent jusqu’à Ramallah, pourtant siège de l’Autorité palestinienne et fief du Fatah. Sur le rond-point al-Manara, carrefour central et emblématique, des photos des victimes et des destructions à Gaza ont été accrochées aux barrières, devant les statues de lions. « Ce qu’a fait le Hamas, c’est de la résistance », nous dit Muhammad, gobelet de café à la main. « Ils ont essayé de se confronter à l’occupant encore une fois. Donc, ils ne se rendent pas. Même si c’est vrai qu’il y a beaucoup de morts, ils tiennent le coup et ils persisteront. »
Beaucoup de gens que nous abordons préfèrent ne pas répondre à des questions politiques. Certains bénéficient d’un précieux permis de travail en Israël ; d’autres sont au service de l’Autorité palestinienne. Habib, lui, trône devant une charrette remplie de fraises encore bien rouges en ce mois de décembre. « Nous sommes des combattants, un peuple résistant, qui n’a pas peur, proclame-t-il. Le Fatah, on ne le voit pas. Ils se cachent sous la table ! Si vous me demandez : le Fatah ou le Hamas ? Le Hamas, certainement ! Eux résistent, ils font beaucoup de choses que je ne peux même pas raconter.”
Au siège du PCPSR, le chef du service d’enquête reconnaît que la rapidité de la chute du Fatah est inédite. « Les gens estiment que le Fatah et l’Autorité palestinienne sont la même chose », explique Walid Ladadwa. « La popularité du Fatah diminue lorsque les gens ne sont pas satisfaits de l’Autorité palestinienne. Dans cette enquête, nous constatons une plus grande popularité pour le Hamas par rapport au Fatah. Nous n’avions jamais vu de changement aussi spectaculaire dans le passé. »
Pour que Mahmoud Abbas dégage
Le rejet du président de l’Autorité palestinienne s’accélère lui aussi : désormais, 88% des Palestiniens demandent le départ de Mahmoud Abbas, âgé de 88 ans. Sa démission est réclamée à 81% dans la bande de Gaza et même à 92% en Cisjordanie !
Cela fait plusieurs années que l’institut de sondage enregistre le désamour des Palestiniens pour Mahmoud Abbas. Mais il atteint aujourd’hui des sommets. « La popularité de l’Autorité palestinienne et sa légitimité sont très faibles. Il n’y a plus eu d’élections depuis environ 16 ans, et la majorité des Palestiniens ne sont pas satisfaits : ils estiment que l’Autorité palestinienne a perdu l’essentiel de sa légitimité », commente Walid Ladadwa.
Ismaïl Haniyeh écrase Mahmoud Abbas
Si une élection présidentielle était organisée aujourd’hui et devait opposer Mahmoud Abbas au leader du Hamas Ismaïl Haniyeh, seuls 16% des Palestiniens voteraient pour l’actuel président et 78% pour le chef du mouvement islamiste. C’est une perte de plus de 20% des intentions de vote pour Mahmoud Abbas en à peine trois mois. Les habitants de Cisjordanie n’accordent que 10% d’intentions de vote au locataire de la Mouqataa (le siège de la présidence à Ramallah).
Seul un duel entre Marwan Barghouti et Ismaïl Haniyeh permettrait encore au Fatah de l’emporter de justesse face au leader islamiste, par 51% contre 45%. Marwan Barghouti est un ancien responsable du Fatah, désormais rival de Mahmoud Abbas. Il est emprisonné par Israël depuis plus de 20 ans. Il mène néanmoins une activité politique depuis sa prison et reste très populaire, comme cette enquête le confirme.
Pas une approbation du massacre
Ce sondage signifie-t-il pour autant que les Palestiniens applaudissent le massacre de civils commis par le Hamas le 7 octobre ? Non, selon Walid Ladadwa. Des enquêtes menées juste après l’attaque ont montré que cette action n’a pas modifié l’adhésion de l’opinion envers le Hamas.
Les Palestiniens sont tout de même 72% à estimer que l’attaque du 7 octobre était une décision « correcte » du Hamas. Une écrasante majorité estime qu’il s’agissait d’une « réponse aux attaques des colons contre la mosquée al-Aqsa, contre les citoyens palestiniens et pour la libération des détenus des prisons israéliennes ». Neuf sur dix pensent que le Hamas n’a pas commis de crimes de guerre à cette occasion. Seuls 10 % déclarent croire que le Hamas a commis des crimes de guerre. Enfin, une grande majorité déclare ne pas avoir vu de vidéos montrant les terroristes commettant des atrocités.
Le soutien au Hamas augmente désormais au fil de l’offensive meurtrière menée par l’armée israélienne sur la bande de Gaza, constate le chef du service d’enquête. « L’augmentation spectaculaire du soutien au Hamas a eu lieu après le début de la guerre à Gaza, avec les morts, les destructions… Cela signifie que les gens ont salué le courage de la résistance face à l’occupation. C’est ce qui a fait monter en flèche la popularité du Hamas, et non l’opération du 7 octobre en elle-même. »
Sympathie avec Gaza
« L’augmentation de la popularité du Hamas s’explique surtout par la solidarité envers les habitants de Gaza, compte tenu du nombre de morts, des massacres et des déplacements forcés qui ont eu lieu. Cela a suscité un fort sentiment de sympathie envers le Hamas, et la résistance en général », ajoute Walid Ladadwa.
Plus largement, les Palestiniens apparaissent terriblement désabusés vis-à-vis du processus de paix initié à Oslo. « Le soutien à l’action armée et à la résistance augmente chaque fois que les Palestiniens constatent que le processus de paix est inefficace et n’apporte aucun bénéfice à leur cause, explique Walid Ladadwa. Par conséquent, l’avis le plus répandu est que les droits palestiniens ne peuvent être obtenus que par le biais de l’action armée et de la résistance. »
80% des Palestiniens pensent que l’Autorité est corrompue. Cependant, aucun changement n’a eu lieu, et aucune pression n’a été exercée.
Ce rejet du processus de paix s’accompagne logiquement d’un rejet de l’administration qui en est issue, l’Autorité palestinienne. « Les Palestiniens considèrent depuis des années que l’Autorité palestinienne est impuissante et faible, poursuit l’analyste. Ils ont appelé à la démission de Mahmoud Abbas et demandé un changement fondamental au sein de l’Autorité. 80% d’entre eux pensent que l’Autorité est corrompue. Cependant, aucun changement n’a eu lieu, et aucune pression n’a été exercée par les Américains, les Européens, ou toute autre partie pour provoquer un changement dans la réalité palestinienne. »
Une majorité de Palestiniens pensent désormais que seul le Hamas est capable d’améliorer leur situation.
TJ avec AFP
Biden ne doit pas être au courant lui qui veut imposer Mahmoud Abbas !