« Me too »? « Pas pour les Juives »

« Israël. Le calvaire d’Esther, violée et mutilée par les terroristes du Hamas. Le conflit israélo-palestinien s’invite à la Marche du 25 novembre : entre large soutien aux palestiniennes et mise à l’écart des féministes juives » Le Parisien

« Surtout Ne changez rien ». © Joann Sfar
« Surtout, ne pas perdre de followers ». © Joann Sfar
Merci à Jeff Prost et son amie
Des terroristes du Hamas le matin du 7 octobre, peu avant l’attaque contre Israël, à Khan Yunis, dans la bande de Gaza. AFP/Saïd Khatib

« Je serai toujours l’image vivante du pogrom »

Dans les déliés de cette courte conversation, Esther (le prénom a été changé) n’est jamais vraiment là. Assise dans son lit, elle cherche du regard le moindre recoin de la pièce, pour fuir les yeux de son interlocuteur. Qui n’en est même pas vraiment un, pour elle : « À l’intérieur, je suis à moitié morte », dit la jeune femme de sa voix tremblante et mécanique.

Elle a choisi « Esther » pour apparaître comme victime de sévices sexuels. En hébreu, l’une des significations métaphoriques de ce prénom désigne « celle qui est cachée ». La Bible raconte l’histoire de cette princesse juive qui se dissimulait pour ne pas être conduite au harem: « Prise de force par le roi, elle finit par utiliser sa position de nouvelle épouse pour éviter le massacre des juifs », dit-elle en secouant la tête. Moi, je ne vais sauver personne, je ne tiens même pas debout ».

« Je serai toujours l’image vivante du pogrom »

C’est en un rien de temps qu’Esther a été arrachée au monde des vivants. Le 7 octobre, lorsque la violence du Hamas a déferlé sur le désert de Be’eri, son petit ami les a entraînées, elle et sa marraine, sous une bâche du bar de la rave party, pour passer inaperçus en faisant les morts. Elle tremblait trop de peur, les terroristes l’ont vue.

Depuis, Esther n’a pas réussi à se lever. « Littéralement, puisque ma jambe ne répond plus à ma volonté », précise-t-elle. En langage médical, elle a subi une « lésion du pédicule nerveux innervant le membre inférieur ».

Dans son souvenir, elle a été violée et en même temps tabassée devant son copain, forcé de regarder avec un couteau sous la gorge : « C’était si douloureux que j’ai perdu connaissance, ils ont arrêté lorsqu’ils m’ont crue morte ».

Puis sont arrivées les mutilations. L’un d’eux s’est mis à utiliser un couteau, ou un tesson de verre, comment savoir ? Elle en garde une paralysie, qui pourrait ne jamais disparaître: « Et même si je remarche, je boiterai. Je serai toujours l’image vivante du pogrom ».

Des cas similaires ont été relevés par les médecins légistes sur les cadavres — ou ce qu’il en reste. Nombre d’entre eux ont été tellement dégradés que le travail d’identification continue, six semaines après le massacre, sur la base militaire de Shura. Reconvertie en morgue, elle accueille des conteneurs réfrigérés qui y font office de chambres mortuaires. La plupart de ces viols, particulièrement cruels, avec des objets, ont été faits post mortem.

À l’image de la manière dont les terroristes se sont acharnés sur le corps encore chaud de la marraine d’Esther. « Ils ne l’ont pas violée de manière traditionnelle, on va dire, raconte encore la survivante. Peut-être parce qu’elle était beaucoup moins jeune que la moyenne de la rave. C’était une fêtarde, qui aimait sortir avec nous pour danser dans la nature ».

Une stratégie pour jeter la honte sur la société ?

Même lorsqu’elle évoque son deuil, sa voix est vierge de sanglots. Les mots s’abattent de façon clinique, froide, « comme s’il ne s’agissait pas de son histoire », observe un psychiatre hospitalier. « C’est typique du syndrome de stress post-traumatique, en particulier lors d’un viol », poursuit le médecin, expert de ces sujets. « Le cerveau de la victime met sa subjectivité et toutes ses émotions sur pause pendant l’agression, comme un animal qui se fige, pris dans le danger », poursuit-il. « Elles disent que c’est comme si elles s’étaient détachées de leur corps, laissé à l’agresseur, afin de protéger leur intégrité psychique ». Le problème survient lorsque certaines restent bloquées dans cette dissociation.

Encore peu couverte, la question de crimes sexuels de masse commis ce jour-là plonge la nation israélienne dans la souffrance supplémentaire de l’incompréhension. Ces profanations des attributs sexuels féminins interpellent Noémie Issan, philosophe franco-israélienne. Selon elle, « alors que les informations sortent au compte-gouttes pour protéger les rares qui ont survécu et les familles des victimes, il est difficile de savoir si ce sadisme a découlé d’un ordre, comme un élément de stratégie » destiné à jeter la honte sur la société, à la déliter. « Je n’ai pas honte », glisse Esther. « Pour ressentir ça, il faudrait que je sois plus que demi-vivante ».

© Laura-Maï Gaveriaux, correspondante en Israël 

***

Et pendant ce temps samedi 25 novembre à Paris, voila ce que relate le magazine « Causette »:

©A.T. 

Le conflit israélo-palestinien s’invite à la Marche du 25 novembre : entre large soutien aux palestiniennes et mise à l’écart des féministes juives 

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© A.T.

Un cortège de féministes juives a marché à l’écart

Le conflit israélo-palestinien s’est invité dans la marche parisienne contre les violences de genre, ce samedi 25 novembre. Si les drapeaux palestiniens flottaient tout au long de la manifestation, un cortège de féministes juives a marché à l’écart. Elles fustigent le silence des féministes sur les viols et féminicides commis le 7 octobre par le Hamas et regrettent de ne pas avoir été invitées officiellement par les associations féministes. 

Depuis l’attaque du mouvement islamiste Hamas en Israël, le 7 octobre dernier, le conflit israélo-palestinien divise les féministes françaises. La marche organisée ce 25 novembre à Paris par le collectif #NousToutes et d’autres associations féministes, dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, en est l’illustration. 

Au départ, place de la Nation (11ème arrondissement), alors que les cortèges prennent place dans l’ordre de marche, des militant·es patientent à deux cents mètres de la foule. Sur une large banderole violette, on peut lire: « Violées, mutilées, tuées par le Hamas. Qu’attendez-vous pour condamner et agir ? »

À l’appel de plusieurs associations de la communauté juive dont Wizo France, qui se présente comme « la plus ancienne association de femmes de la communauté juive », deux-cents personnes sont venues dénoncer les atrocités – féminicides et viols – commises par le Hamas le 7 octobre dernier. Elles ont aussi dénoncé « le silence assourdissant et incompréhensible des associations et militantes féministes ».

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Cinq semaines de fracture 

La fracture n’est pas nouvelle. Le conflit israélo-palestinien divise les féministes françaises depuis près de trois mois. D’un côté, les unes condamnent sans réserve l’attaque du Hamas, qui a fait au moins 1 400 mort·es, 2 400 blessé·es et 240 prisonnier·ères côté israélien – treize otages ont d’ailleurs été libéré·es hier. De l’autre, certaines dénoncent la politique colonialiste de l’État hébreu, dont la riposte a causé, en cinq semaines, au moins 12 300 mort·es parmi la population palestinienne de Gaza, dont 4 630 femmes et 1 500 enfants – d’après le ministère de la Santé du Hamas, dont les affirmations ne peuvent être vérifiées. 

Reste que sur les réseaux sociaux, la situation dramatique au Proche-Orient révèle une profonde fracture au sein des sphères féministes françaises. « Nous ne sommes pas officiellement dans l’organisation d’une marche contre les violences faites aux femmes alors que des viols et des féminicides de masse ont été commis il y a à peine six semaines », dénonce Maya, l’une des organisatrices du cortège, à « Causette ». « Je suis féministe depuis toujours et depuis le 7 octobre, je me sens seule, je suis très déçue en tant que militante. Je ne comprends pas le silence des féministes. Le 7 octobre, c’était des viols de guerre. C’était des féminicides. Pourquoi pas un mot ? Pourquoi cette gêne ? J’ai l’impression que les juifs et les juives sont constamment perçus comme l’expression du colonialisme. On est vus comme des oppresseurs ».

La nécessité de nommer les choses 

Parmi les manifestant·es, une dizaine de jeunes femmes portent un jogging gris qu’elles ont barbouillé de rouge. Un dress code qui symbolise le kidnapping de Naama Levy, cette militante israélienne retenue en otage par le Hamas. Sur une vidéo, qui a depuis fait le tour des réseaux sociaux, on la voit descendre d’un pick-up à Gaza, vêtue d’un jogging tâché par ce qu’on devine être du sang, ses chevilles cisaillées et les mains liées derrière le dos. Une vidéo qui a fortement marqué les esprits et qui a poussé Julie à porter elle-aussi un jogging gris taché de peinture rouge ce samedi. « On a fait cela pour représenter cette jeune femme,explique-t-elle à Causette. Je suis extrêmement choquée depuis un mois par les atrocités commises par le Hamas mais aussi par l’inaction des associations féministes. On a besoin de nommer les choses. De dire que ce qu’il s’est passé le 7 octobre, ce sont des violences de genre. On se sent seules alors qu’on devrait être toutes ensemble. On se sent seules et en colère ».

Cette colère a poussé d’autres militantes féministes à boycotter tout simplement la marche du 25 novembre. C’est le cas de l’association « Paroles de Femmes » (membre de la Fédération Nationale Solidarité Femmes). « Le silence lâche des unes, le déni indigne des autres sur les féminicides des femmes juives et chrétiennes en Israël ne sont pas à la hauteur de la lutte féministe », expliquait par exemple la journaliste et présidente de l’association, Olivia Cattan sur X (ex-Twitter). 

« On a eu peur de ne pas être bien reçus physiquement ». Maya 

Place de la Nation, un cordon de CRS entoure le cortège des militant·es juives. Plusieurs gardes du corps aussi. Par mesure de sécurité, ils demandent à ce que les manifestant·es restent bien derrière la large banderole violette. « Beaucoup ne sont pas venus, explique Maya. C’est compréhensible, on a peur de ne pas être bien reçus physiquement, avec la montée des actes antisémites ces dernières semaines, on est omnibulés par la crainte de l’antisémitisme ».  Raison pour laquelle le cortège n’ira pas jusqu’au bout de la manifestation. Selon une militante de #NousToutes, la menace de perturbation était d’ailleurs sérieuse.

« On nous a fait part hier de menaces d’agressions à l’arme blanche », indique-t-elle. Sur X, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a fait état en fin de journée de menaces « par des militants violents issus notamment du NPA et LFI ».

Chez #NousToutes, difficile d’avoir une réponse claire sur le retrait des militantes féministes juives, le sujet divisant jusqu’au sein de la coordination nationale du collectif. « C’est assez sensible, nous confie une militante de #NousToutes, qui préfère garder l’anonymat et regrette l’absence des féministes juives dans le cortège officiel. Ce manque de position sur les violences de genre commises le 7 octobre est problématique. Je pense qu’il aurait fallu parler de toutes les victimes de violences de genre, qu’elles soient Israéliennes ou Palestiniennes. Certains ont eu l’impression de participer à une manifestation pro-palestinienne ».  

« Ça fait 70 ans que le peuple palestinien souffre » Salima

À quelques centaines de mètres des militantes féministes juives, dans le cortège de solidarité internationale en tête de la marche, flottent effectivement une marée de drapeaux palestiniens – au centre de la place de la Nation, un homme vend des drapeaux palestiniens. Au milieu du cortège palestinien, une camionnette où ont été collés les visages de femmes palestiniennes emprisonnées en Israël. Et dans les revendications des militant·es, règne aussi une incompréhension. « On s’émeut des otages israéliens détenus par le Hamas et on a bien raison mais pourquoi on ne s’émeut pas des Palestiniennes, des femmes et des adolescentes, qui sont détenues dans les geôles israéliennes depuis des mois, parfois des années ? demande Salima. On croit que tout a commencé le 7 octobre mais ça fait 70 ans que ça dure, ça fait 70 ans que le peuple palestinien souffre et les femmes sont les premières victimes, on le voit actuellement à Gaza ».  

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Un rapport de l’ONG Care, publié en octobre, faisait en effet état de la situation humanitaire catastrophique, qui se dégrade de plus en plus, et qui exacerbe le risque de mortalité maternelle et néonatale dans la bande de Gaza, qui subit les bombardements quotidiens de l’armée israélienne. Actuellement, les femmes enceintes n’ont pas accès aux soins prénataux et postnataux dont elles ont besoin, ni aux soins obstétricaux d’urgence si cela est nécessaire pour un accouchement en toute sécurité. Des cas de césariennes d’urgence pratiquées sans anesthésie en raison d’un manque de ressources ont d’ailleurs été signalés. « Je suis venue marcher aujourd’hui pour demander un cessez-le-feu et la paix pour toutes les femmes », lance une autre manifestante à Causette dans la foule. 

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« Les femmes sont le ciment qui peut nous permettre de dialoguer et de nous réconcilier »

Demander la paix, c’est le combat d’Hanna Assouline, fondatrice du mouvement féministe et pacifiste Les Guerrières de la paix. C’est pour cette raison qu’elle est d’ailleurs venue manifester ce samedi. « On souhaite lancer un message d’union et de solidarité internationale des femmes », explique-t-elle à Causette. Elle aurait aimé que toutes marchent ensemble, unies contre les violences de genre. « Cette marche montre bien a quel point les féministes peuvent se diviser alors qu’on pense que précisément les femmes sont le ciment qui peut nous permettre de dialoguer et de nous réconcilier », ajoute-t-elle. 

La dernière marche féministe à laquelle a participé Hanna Assouline, c’était d’ailleurs en Israël, sur les bords de la mer morte, quelques jours avant l’attaque du 7 octobre. « Marcher avec des Israéliennes et des Palestiniennes nous a montré qu’une union est toujours possible », dit-elle. Pour elle, il en va même de notre responsabilité, à tous et toutes de se faire « les relais de cette union ».  « Il faut être capable de nommer et dénoncer les viols et les féminicides qui ont eu lieu comme il faut être dans la solidarité avec les femmes palestiniennes qui subissent actuellement les conséquences de la guerre, ces luttes n’ont absolument pas à être mises en opposition. Les reconnaître toutes, c’est le seul horizon pour les femmes aujourd’hui ».

© Alison Terrien

Olivia Cattan

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7 Comments

  1. Nommer les choses c’est dire que le « néo féminisme » anglo saxon et français est un anti féminisme. Toute cette fange est liée aux mouvements décoloniaux, indigénistes et intersectionnels : racistes, antisemites, pro islamistes et anti féministes. Féminazies et wokinazis. Cela fait longtemps que la chose est sue.
    Le prix Nobel a Annie Ernaux est une preuve de notre déchéance intellectuelle et morale occidentale.

  2. A Judith. Les néo-féministes ont complètement dévoyé le féminisme de leurs aînées, celui qui a permis l’égalité des droits entre homme et femme (et non l’égalitarisme forcené). Leur pseudo féminisme est un combat qui n’a plus aucun sens. Un féminisme qui soutient le port du voile (?!) ou qui fait un drame d’une simple règle de grammaire, mais qui dans certains cas rejette toute défense des femmes violées, éventrées en fonction de l’identité de leur agresseur, violeur, tortionnaire . C’est accablant, honteux et pitoyable.

  3. C’est monstrueux, j’ai les larmes aux yeux et la gorge serrée, je pense à toutes les victimes, tout ce qu’on subit ces femmes et enfants atroces. Quant à ces féministes elles sont à égalité avec le Hamas, des barbares naziantisémites et négationnistes. Je trouve inacceptable finalement que tout cela soit minimisé par les médias. Soutien aux victimes et à Israel.

  4. Bonjour Nathalie. C’est absolument monstrueux en effet et surtout totalement dénué de sens. Mais cette attitude ignoble a au moins l’avantage de nous révéler sans le moindre doute à présent le vrai visage de ce prétendu féminisme. Il n’a plus rien à voir avec le vrai combat féministe. C’est de la politique. Antisémite, antisioniste, anti-blancs.

    • Bonjour Judith, bravo pour votre courrier mettant les points sur les i. Tout est parfaitement exact. On pouvait s’en douter depuis déjà un certain temps en France après les propos plus que surprenants voire même choquants de la part de féministes puisqu’ils soutenaient des violeurs. Nous en avons aujourd’hui la confirmation avec leur rejet des féministes juives dans la manifestation. Ce néo-féminisme est réellement une imposture très dangereuse à plusieurs titres.

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