Francis Moritz. L’Allemagne se prépare à la guerre

Les événements du Moyen Orient ont fait passer la guerre qui se déroule à moins de trois heures de Paris au second plan.

Pourtant la terre continue de tourner. La France et l’Allemagne sont sur une ligne de collision en matières économique et militaire, malgré toutes les   démonstrations destinées à faire croire le contraire. Ce conflit que peu en Europe anticipaient a été un révélateur pour l’Allemagne. On ne peut pas en dire autant en France. 

Les nouveaux paradigmes géostratégiques ont déterminé les nouvelles orientations de la politique de défense Allemande, axée vers une guerre contre la Russie.  La Bundeswehr doit désormais être prête à assumer un conflit de haute intensité, tel qu’il se déroule entre la Russie et l’Ukraine. Berlin a pour objectif explicite d’atteindre une puissance militaire qui la place au premier rang au sein de l’Otan et de l’UE.

Changement de la doctrine de défense allemande

Le conflit russo-ukrainien avait eu pour première conséquence la décision historique allemande de convertir son armée de défensive à offensive. Elle avait immédiatement consacré un budget de réarmement à hauteur de 100 milliards d’euros pour des fournitures, essentiellement d’origine américaine, au grand dam de la France qui pensait que les projets franco-allemands se traduiraient par de juteux contrats. Ce n’est pas le cas, car l’Allemagne veut être prête sans délai. Ce qui était mission impossible avec des projets non encore aboutis ou retardés, pour la plupart, en raison des dissensions existantes.

Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, précise que la dissuasion contre Moscou est devenue la mission principale de la Bundeswehr. 

L’accent est mis sur le fait majeur que c’est la Russie qui a ramené la guerre en Europe en 2022. Mais on passe sous silence la guerre menée par l’Otan en Yougoslavie en 1999. S’appuyant sur sa nouvelle force militaire et sa position en première ligne face à la Russie, Berlin revendique la place de leader militaire en Europe et un rôle de Co-commandement au sein de l’OTAN.  La diplomatie, force traditionnelle avant le changement de paradigmes, cède la place à la nouvelle doctrine de défense qui devient « l’instrument central » de la politique de sécurité allemande. 

La Bundeswehr doit être opérationnelle en permanence. Ce qui implique une préparation intensive en temps de paix. Il faut une armée entièrement équipée dans tous les compartiments air-terre-mer. Ce que le ministre résume par une double formule « Son aptitude à la guerre est sa raison d’être primordiale » et « la volonté de se battre dans le but de réussir des combats de haute intensité« .

Fissures dans la défense européenne 

On entrevoit la ligne de collision avec la France, pour qui la possession de l’arme nucléaire représente encore l’alpha et l’Omega en matière de dissuasion, arguant qu’elle est la seule au sein de l’UE à la détenir. 

Le conflit en Ukraine démontre que cela ne suffit pas. De plus la carte de l’OTAN tend à se confondre avec celle de l’UE à quelques exceptions près et l’OTAN dispose d’ogives nucléaires opérationnelles en Allemagne.

Deux chiffres montrent où se situe la ligne de fracture. Le PIB allemand se situe en 2023 autour de 4.430 milliards, celui de la France sera de l’ordre de 2.642 milliards.

Dans la liste des pays les plus riches, l’Allemagne occupe la quatrième place avant la France cinquième. Les États-Unis demandent depuis plusieurs années que chaque pays-membre consacre 2% de son PIB au budget militaire.  

Le budget total de l’OTAN s’élève en 2022 à 2,6 Md€. Ce montant comprend un budget civil de 289 M€, le budget militaire de 1 562 M€ et le budget d’investissement de 790 M€.


La France (10,49% du budget OTAN en 2021) se situe au quatrième rang des contributeurs derrière les États-Unis et l’Allemagne (16,34 % chacun) et le Royaume-Uni (11,28 %). Représentant 203 millions d’euros en 2022, la contribution française à l’OTAN « pourrait atteindre » environ 833 M€ en 2030 en euros constants. Actuellement 176 M€ sont à la charge du ministère des Armées, tandis que la contribution au budget civil, à la charge du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, se monte à 27 M€. En 2030, le montant du budget militaire sera de 770 M€ et celui du budget civil à 63 M€ en 2030. 

L’écart entre les deux pays est sans appel. Berlin qui s’engage à atteindre « au moins »  ce niveau de contribution (voire même le dépasser) revendique légitimement de partager les leviers de commande. 

L’Allemagne renverse sa doctrine initiale orientée vers ce qu’on appelle la projection dans des théâtres d’opération extérieurs (notamment Africains) tels que l’armée française le pratique depuis des décennies, avec les résultats que l’on sait.

Berlin veut simultanément accélérer la modernisation et étendre les infrastructures de son armée, augmenter, voire même créer de nouvelles capacités de production et de stockage des équipements achetés ou auto produits ; y compris les munitions et mettre en oeuvre une industrie d’armement nationale et européenne.

C’est sans doute sur ce dernier point qu’on doit s’attendre à des confrontations entre la position allemande et l’idée que la France se fait de son rôle, comme seul détentrice de l’arme nucléaire en Europe avec le Royaume Uni. Quelle que soit la sémantique employée, la France aura du mal à accepter le leadership allemand. L’objectif de Berlin est de constituer une armée chargée d’une défense dite nationale et alliée. Il restera à définir le sens à donner à cette double notion, au sein de l’UE et de l’OTAN.

L’Allemagne, « État de première ligne » pendant la guerre froide en Europe qui a vu depuis des décennies des troupes alliées sur place, considère qu’elle doit avoir la capacité d’affronter l’adversaire désigné, la Russie, avec une force au moins égale à celle de l’adversaire, qui représente une menace immédiate pour sa souveraineté. Elle se voit comme la force centrale aux frontières de l’UE et à ce titre, il est déjà prévu le stationnement permanent de 5.000 soldats en Lituanie début 2024. La nouvelle doctrine remplace les précédentes de 2016 et 2018 sur le rôle de la Bundeswehr.

En 1992 la République Fédérale affirmait pouvoir imposer militairement, si nécessaire « un accès sans entrave aux marchés et aux matières premières du monde entier », ce qui était plus une déclaration de nature politique que les prémisses d’interventions armées. L’Allemagne de 2023 reprend à son compte le slogan de 2013 « Nouveau pouvoir, nouvelle responsabilité », ce qui se traduit par une volonté explicite d’assumer ce leadership militaire et très probablement politique grâce à sa prééminence économique, avec l’objectif de devenir rapidement le pilier fondamental de la défense conventionnelle en Europe, dotée de l’une des forces armées « parmi les plus puissantes d’Europe ». On ne veut vexer personne. Mais on a bien vu les spécialistes militaires français affirmer que dans un conflit de haute intensité de même nature que celui d’Ukraine, la France aurait pu le poursuivre pendant trois semaines. Tout est dit.  L’Allemagne aspire à devenir l’épine dorsale de la dissuasion européenne.

Les conséquences

Le ministre souligne de façon très lucide que ce changement de paradigmes suppose un changement de mentalité non seulement au sein de la Bundeswehr nouvelle version, mais aussi dans la politique et dans la société. L’agression du Hamas contre Israël au même titre que l’invasion russe représentent une vive préoccupation pour l’Allemagne qui est le plus ferme soutien d’Israël en Europe et qui rejette l’idée d’un Cessez le feu, contrairement à d’autres, dont le Haut Représentant de l’UE, qui le réclament, un Cessez le feu s’il avait lieu correspondrait en fait à un retour au statu quo ante et donc un échec inacceptable pour Israël et le maintien du groupe terroriste. 

On retire de cette évolution majeure que la France, engluée dans ses problèmes intérieurs et ses ambiguïtés en politique étrangère, aura beaucoup de mal à accepter cette nouvelle donne en Europe,  sauf à revoir de fond en comble ses fondamentaux et faire des choix clairs et mettre un terme à une communication faite de messages brouillés et contradictoires, tant en politique intérieure qu’extérieure face à un islamisme qui n’en est plus au stade des menaces théoriques mais bien d’un danger omniprésent en Europe et plus encore en France.    

© Francis Moritz

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8 Comments

  1. « L’accent est mis sur le fait que c’est la Russie qui a ramené la guerre en Europe »…D’une part, c’est factuellement faux car comme le rappelle Francis Moritz « Mais on passe sous silence la guerre menée par l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999″…En effet ! Guerre menée à la suite d’une campagne de désinformation (plan « Fer à cheval ») menée par…par…devinez qui ? Le gouvernement allemand.
    Donc en réalité c’est bien l’Allemagne et non la Russie qui a ramené la guerre en Europe.
    Toutes les personnes s’y connaissant en géopolitique savent en outre que la guerre en Ukraine a commencé dès 2014 et que ce n’est pas la Russie mais l’axe USA/UE qui l’a déclenchée. A titre d’info, les Américains reconnaissent aujourd’hui que la contre offensive ukrainienne est un fiasco et que la Russie ne peut pas perdre la guerre.

    Mais l’Europe n’est-elle pas avant tout en état de guerre…civile ? La miliplication des attentats islamistes, la pluie diluvienne de crimes racistes antisémites voire anti blancs (comme le meurtre de Jérôme qui va être étouffé) et sexistes ne constitue-t-elle pas une suite d’actes de guerre ? Si…Et l’Allemagne y a plus contribué que n’importe quel autre pays. On ne me fera pas croire que Merkel ignorait les conséquences (notamment sur la communauté juive allemande) de sa politique migratoire de démente.
    L’Allemagne nazie était premierement antisémite Deuxièmement russophobe. Accessoirement antichretienne. Ce que l’Allemagne et l’UE sont toujours. L’Allemagne est toujours restée nazie (d’où le soutien d’Ursula Von der Leyen à un régime pro Bandera et aussi au régime azerbaïdjanais génocidaire). Et depuis 40 ans la France est toujours restée un État collaborationniste (y compris sous de gaulle).

    La seule et unique conséquence des rodomontades de l’Allemagne sera de précipiter l’implosion de l’Eurofascisme (J’espère voir cela de mon vivant)

  2. La plupart des lecteurs de TJ l’ignorent mais la désinformation et la falsification des faits est à peu de choses près aussi énorme en ce qui concerne la Russie, l’Ukraine et l’Europe de l’est qu’au sujet du Moyen-Orient, de l’Europe et des USA.
    L’UE a été bâtie sur le mensonge et la manipulation. Je n’ai jamais cru que l’Allemagne avait changé. Même le terme « couple franco allemand » est une invention des médias français : en Allemagne, ils utilisent un terme beaucoup plus proche de « partenariat ». Mais tout est bon pour faire avaler aux Français les pires couleuvres.

    • Merci Charles Kinski et Judith pour votre lecture et commentaires. Je m’en tiens aux faits uniquement. C’est pourquoi je voudrais completer avec quelques précisions.
      La guerre en Yougolavie survient dès le 06/04/92 quand la Serbie attaque Sarajevo.Je ne refais pas ici tous les épisodes de cette guerre qui aura fait plus de 100.000 victimes. Du 20 mars au 10 juin 1999 l’Otan a mené une campagne de bombardements contre la République federale de Yougoslavie, sans mandat de l’ONU. 13 pays y ont participé, dont la France et l’Allemagne. Les frappes aériennes dites  » chirurgicales » ont fait quelques milliers de victimes collaterales. les details des destructions sont decrits en detail dans de multiples articles.
      Concernant l’Allemagne, elle a effectivement un probleme d’antisémitisme qui n’est pas lié à la seule population d’immigrés, tant s’en faut. Elle a ses antisémites au sein de sa population allemande  » de souche »
      Je vous suggère de relire mon article du 19 septembre dans T.J. Allemagne, AFD la montée irresistible de l’extreme droite et antisémite.
      Bien cordialement,

      • @Francis Moritz Merci pour votre réponse. Mais même la politique migratoire de Merkek et de l’UE sont en soi antisémites : bien que ce ne soient pas des Lumières, ils ne peuvent pas en ignorer les conséquences. En outre l’Allemagne (qui est est un partenaire détestable pour ses pays voisins) a également fortement contribué au désastre économique et social de l’Europe. Avec la complicité des gouvernements français successifs : on a toujours gardé une mentalité collaborationniste depuis 40, que ce soit envers les USA, l’Allemagne, l’UE ou les islamistes. Lesquels n’auraient pas pu autant s’implanter en Europe sans le concours de l’UE aux mains de dangereux extrémistes : Ursula la muerte, Michel, Schulz, Federica Mogherini.

        Le problème avec l’Allemagne n’est pas seulement politique mais culturel : le régime hitlérien n’est pas arrivé outre Rhin par hasard, et ce n’est pas du tout le traité de Versailles qui en fut la cause profonde. Ce fut la suite d’un processus ayant commencé un siècle plus tôt. Il y a beaucoup plus à craindre des dirigeants allemands (et français, a fortiori étasuniens) que des Russes. Bonne soirée.

    • Chere Judith merci de vous etre attardée sur mon article. J’ai adressé une réponse assez detaillée suite au premier commentaire. En matière de couleuvre, nous avalons ce que nous décidons d’avaler. A chacun d’être vigilant et curieux en cherchant l’infos à diverses sources. T.J. en est une. Il en reste encore quelques autres très heureusement.
      Bien cordialement,

  3. L Allemagne ne nourrit generalement pas une grande estime a la France .
    La puissance industrielle et l aura economique de l Allemagne la placent loin devant une France desindustrialisėe , minée par l islamisme et detruite par le dumping social infernal d une classe dirigeante affligeante de mediocritė et denuée de tout sens patriotique .
    La ou les dirigeants allemands se sont battus pour maintenir le travail chez eux , les français ont poussé l arrivée de main d oeuvre bon marchė d afrique et delocalisés au dela du raisonnable .

    Aujourdhui le roi est nu , jamais l Allemagne ne se placera sous le parapluie d une puissance faiblarde en perdition sur plus d un point , et le ridicule freluquet de l Elysée est loin d avoir l envergure d un sauveur pour une France aux abois sur presque tous les plans , et , bien sur , l evocation vaine d un hypothetique couple franco allemand laisse les patrons teutons de marbre , et on comprend aisement pourquoi .
    La strategie eurabienne a voulu arrimer la France au Maghreb : mission accomplie , les veules elites parisiennes ont effacé la mediterranée en creant un nouvel etat bi national : français ET musulman .

  4. @TAmouyal Loin de moi l’idée de dire que les dirigeants français sont des modèles dignes d’inspirer le respect. Ce sont des traîtres à leurs nations et à leurs peuples. L’assujettissement de nos gouvernements à l’UE et l’Allemagne est précisément un acte de collaboration qui n’inspire pas le respect. Et ce sont même des gouvernements qui ont le sang des leurs compatriotes sur leurs mains. Mais depuis Merkel l’Allemagne est aussi islamiste que la France : l’Allemagne a elles-même fait le choix d’importer l’obscurantisme et la barbarie islamistes dans son propre pays. En sachant très bien les effets sur la communauté juive allemande qui est aujourd’hui aussi menacée que celle de France. Et en plus, elle a comme toujours imposé sa folie au reste de l’Europe.
    « Il n’est guère d’exemples, dans l’histoire, de croyances à formes religieuses ébranlées par l’issue des batailles. Après des siècles de défaites, l’islamisme est encore redoutable. Le rêve d’hegemonie de l’Allemagne ayant pris une forme religieuse restera pour l’Europe une source de conflits prolongés. »
    « L’allemand moderne est plus dangereux encore par ses idées que par ses canons. Le dernier des Teutons reste convaincu de la supériorité de sa race et du devoir qu’en raison de sa supériorité il a d’imposer sa domination au monde. »
    « Si l’idée allemande triomphait, la face du monde changerait parce que l’indépendance des peuples serait anéantie pour toujours. »

    Réflexions de Gustave Le Bon datant de 1918 !…L’histoire lui a donné raison et c’est toujours d’actualité.

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