Le 13 novembre, le magazine Télérama publiait un appel à une marche pour la paix initié par le collectif « Une Autre Voix » et signés par plus de 500 artistes.
Comme d’autres professionnels et créateurs, la lecture de cette tribune m’a rendu triste et a renforcé mon sentiment d’incompréhension et de solitude.
Dire d’abord que je ne doute pas de la sincérité de la plupart des signataires, certains amis ou talents avec lesquels j’ai travaillé ou travaille encore aujourd’hui, d’autres pour lesquels j’ai aussi beaucoup de respect.
Mais dire ensuite que même s’ils sont pressés d’alléger leur conscience, les artistes ne doivent pas s’empêcher de savoir lire ce qu’ils signent.
Concernant les auteurs de cet appel auxquels je m’adresse particulièrement ici, on dira, par charité juive, qu’ils ont du être submergés par leurs émotions.
Parce que, quand même, il aura fallu 5 semaines lourdes de votre silence pour recevoir de vos nouvelles. Y aller ou pas, en avoir ou pas? Vous n’avez pas su, devant ce pogrom génocidaire, dépasser vos biais idéologiques.
5 semaines pour un texte dont les ambiguïtés angéliques creusent, un peu plus profond, ces vieilles blessures -je vous évite leur énumération- que l’Histoire m’empêche de cicatriser et que ce 7 octobre a ravivées à jamais.
La cruauté de ces massacres semble avoir perturbé vos schémas naturels de défense de la « cause » palestinienne, comme si vous étiez soudain orphelins de vos automatismes. Votre texte alors soulève plus de questions qu’il n’encourage la concorde. Pourquoi avoir attendu qu’Israël commence à riposter pour vous insurger? Et pourquoi mettre sur le même plan les assassins palestiniens du Hamas et un État démocratique, de droit et en droit de se défendre? Que je sache, aucune marche d’artistes ou de politiques quand Mossoul et ses deux millions d’habitants -au milieu desquels se cachaient les terroristes de Daesh- étaient bombardés par les armées occidentales. Émotions sélectives.
La mort d’un être humain est toujours une souffrance. Elle brise ces vies futures qui ne viendront jamais. Mais les survivants doivent-ils tendre la main à leurs assassins pour mieux les laisser préparer la mise à mort qui viendra? On demande à Israël de devenir le Juif des Nations, celui qu’on n’aime jamais autant que lorsqu’il est mort, brulé, rayé des vivants. Nous nous sommes endormis sur le plus jamais. Nous nous battrons maintenant pour en faire une réalité.
Mais parlons du texte.
Le cadre d’abord. L’entre soi, celui qui tient chaud, celui qui fait vous sentir appartenir, celui du minimum syndical, de l’émulation de la bonne conscience, de la duplicité et de la duperie, de l’engagement convenable, du frisson à bon compte. Une marche en blanc, « humaniste et pacifique », écrivez vous. Pour paraphraser Churchill, les mouvements pacifiques ont toujours annoncé la défaite de la paix et accompagné les démocraties au déshonneur. Munich bien sûr, mais aussi ces organisations trotskistes (dont LFI si populaire dans le métier est un bâtard), qui ont renvoyé dos à dos les alliés et les nazis pendant la 2ème guerre mondiale. La démocratie est un combat. Il devrait être le nôtre, à tous.
Puis le parcours. De l’Institut du Monde Arabe au Musée d’Art Juif. Étrange raccourci. D’un lieu de pouvoir, d’intrigues et de dissimulation financé en grande partie par la Ligue arabe à un lieu de culture et de mémoire. Pourquoi cette insistance, que je sens tant vous ronger, à imposer une équivalence qui n’est pas?
Les mots enfin, ceux qui tuent.
Ce n’est pas le monde qui s’est « réveillé éventré », ce sont des femmes des hommes et des enfants et eux pour de vrai, pas pour une formule choc et lapidaire. Pourquoi ne vous attardez vous pas sur ces massacres comme vous le faites sur les victimes palestiniennes de la guerre? Leurs morts dans des conditions indescriptibles, et brulés pour détruire jusqu’à leurs traces, sont pourtant documentées. Annihilés parce qu’ils étaient juifs ou parce qu’ils travaillaient avec des juifs, musulmans chrétiens, thaïlandais et autres.
J’ai vu ces images. Cette femme enceinte filmée par ses bourreaux, bâillonnée pour ne pas entendre ses cris, dont on ouvre le ventre pour en sortir son foetus qu’ils égorgent devant ses yeux avant de la laisser se vider de son sang. Où est votre rage, féministes signataires toujours promptes à dénoncer les violences faites aux femmes, face aux corps de femmes gisantes le sexe atrophié, mutilé? Je n’entends pas votre colère. Les femmes juives seraient-elles trop encombrantes? Votre silence vous a rendues inaudibles. Les viscères de l’humanité vous pesaient-elles trop pour glisser si vite de vos mains tant elles dérangeaient vos certitudes?
Les « milices terroristes du Hamas ». Comme il est confortable ce mot Hamas, il permet de ne pas salir le mot « palestinien » auréolé et sacralisé par son statut de victime. Mais est-ce à dessein ou par ignorance que vous oubliez de rappeler que, derrière ces sinistres « terroristes », des centaines de civils palestiniens gazaouis se sont engouffrés pour piller, violer, supplicier, kidnapper femmes et enfants, dans une jouissance inhumaine?
« Le 7 octobre 2023, 240 civils israéliens ont été kidnappés et demeurent introuvables. Depuis le 7 octobre 2023, il y a eu le 8, le 9, le 10… jusqu’à ce jour et jusqu’à quand ? » Ce que Evelyne Chauvet, éminente psychiatre, appelle « l’enjambement de l’horreur ». Le 7 octobre enveloppé comme on emballe les morts puis étouffé quantitativement par le « 8, le 9, le 10… jusqu’à ce jour et jusqu’à quand » avant d’être dégagé – avec les 238 otages, dont il ne sera plus fait mention- pour faire place à un développement apocalyptique des souffrances -réelles- des populations civiles palestiniennes (tiens, plus de Hamas pour le coup) à grand renfort de chiffres diffusés par l’organisation terroriste. Du sang et des morts « toutes les heures, tous les jours sous les bombardements de l’armée israélienne ». En résumé, exit le Hamas, l’autorité en charge de Gaza, soutenue par une grande partie de sa population par adhésion ou par contrainte. L’équation soudainement se résume à Israël, son armée contre les pauvres gazaouis.
Je tiens à votre disposition les conversations entre les assassins du 7 octobre et leurs pères et mères les encourageant à « s’emplir les mains du sang des juifs ». Votre exercice de funambule ne risque-t-il pas d’apparaître pour ce qu’il est, déséquilibré? Attention à la chute. Et puis sérieusement, ne pensez-vous pas que si l’armée du peuple d’Israël ne se souciait pas du sort des civils gazaouis, cela ferait bien longtemps que Gaza, comme Dresde (25.000 morts) ou Le Havre ( à 80% détruite) bombardées par les alliées pour libérer l’Europe de la barbarie nazie, ne serait que ruines.
« Ni clan, ni camps » -que je n’aime pas ce mot- écrivez-vous à raison. Juste le choix de la démocratie contre la barbarie, de la liberté contre la soumission, le choix de nos modes de vie même imparfaits contre cet islamisme qui les hait. Rappelez-vous toutes ces vies arrachées au Bataclan, et les terrasses ensanglantées de Paris ce 13 novembre 2015. Les mêmes, mais pourquoi ne pas vouloir le voir?
« Aujourd’hui nos rues sont divisées. Une vague immense de haine s’y installe peu à peu et tous les jours actes antisémites et violences en tous genres surgissent dans nos vies ». Est-il si difficile de nommer les choses pour ce qu’elles sont? 1800 actes antisémites déclarés depuis le début de l’année dont 1600 depuis le 7 octobre pour une communauté qui représente 0,7% de la population française. L’angoisse dans tous les foyers juifs de France, des mezouzot qu’on enlève aux portes des maisons, des étoiles de David qu’on cache, la crainte de commander un Uber de peur de se faire agresser à cause de son patronyme, les murs qu’on rase dans les rues le soir ou mon fils qui me demande de ne plus porter un bonnet breton de peur qu’on l’assimile à une kippa…
Quelles sont ces « violences en tous genres » que vous invoquez pour escamoter cette situation? Quelles qu’elles soient -vous avez du mal à les citer-, elles ne seront jamais à l’échelle de celles que la communauté juive affronte au quotidien. Et puis juste une question sur le sujet: pourquoi votre collectif ne s’est-il pas aussi associé à la marche contre l’antisémitisme? Y aurait-il les bons juifs qui signent votre appel et les mauvais juifs comme moi, ici, qui se lèvent pour dire leur colère?
« Deux peuples pris en otage de politiques que nous ne pouvons maîtriser, qui nous dépassent et dont nous sommes les témoins impuissants ».
Et ce ne sont pas deux peuples pris en otages -le mot ici me semble maladroit- par les politiques. C’est un peuple qui se lève par centaine de milliers depuis un an pour la démocratie face à une population acquise ou soumise à un régime fasciste et théocratique qui n’a rien à faire de la souffrance de ses administrés. D’ailleurs je m’attendais à ce que dans un élan de lucidité vous demandiez la libération du peuple gazaoui du joug de son tyran, le Hamas. Une occasion ratée.
« Cette guerre fratricide nous touche toutes et tous, et peu importent nos raisons ou affinités de part et d’autre du mur, nous souhaitons qu’elle cesse immédiatement et que les deux peuples puissent enfin vivre en paix ».
Je regrette que votre émotionnel ne prenne le pas sur la culture. Il ne s’agit pas d’une guerre fratricide. Mais d’une guerre existentielle pour les Israéliens, une guerre aussi de religion pour le Hamas. Les assassins qui ont organisé ce pogrom génocidaire aux cris de Yahoud -juifs- et Alahu Akbar, ne peuvent être des frères quand ils déclarent vouloir la mort de mon peuple, la mienne. Si depuis mon enfance, j’ai bien retenu une leçon de mon errance, c’est qu’il faut toujours croire son ennemi. « Free Palestine de la mer au Jourdain »! Mais où nos « frères » vont-ils mettre les juifs?
Alors souhaiter que cette guerre cesse immédiatement est une faute. Outre que cette prise de position relativise totalement l’esprit de neutralité annoncé de votre appel, je pense comme l’a dit récemment l’ancien Premier Ministre Bernard Cazeneuve en rendant son honneur à la gauche française, que « Si le Hamas libère les otages et dépose les armes, il n’y a plus de guerre. Si Israël arrête de se défendre, il n’y a plus d’État israélien ». Autrement dit, sans même faire mention de la libération des otages, votre appel demande à Israël de planifier son suicide. Désolé d’insister mais, depuis Abraham, mon peuple a choisi la vie.
Cher collectif « D’une autre Voix », votre texte, dont je suis sûr que l’intention première était respectable, s’est égaré pour devenir un appel au déni, une dépose d’armes devant un islamisme mortifère. Nous valons mieux que ça. Mais, puisque marche blanche il y aura quand même, j’espère, au moins, que beaucoup d’entre vous porteront ce ruban jaune, signe de solidarité et de mémoire avec les 238 otages dont 8 compatriotes français. Pour rompre vraiment votre silence.
© Georges Benayoun
Une gauche indigne dans une France indigne , la veulerie de leur antisemitisme les menera a la soumission et a la guerre civile
j’espère que votre tribune sera lue par beaucoup de concitoyens elle est superbe!
ps je ne suis pas juive, mais dans ma famille, qui est nombreuse, il y a des juifs, en France et en israel, il n’y a jamais eu de problèmes, le respect est une belle chose la lucidité aussi!
Ce texte est la lave d’un volcan puissant,
nourrie d’une indig action nécessaire et salutaire.
Merci monsieur Benayoun
Magnifique texte, indispensable.
Merci pour votre clarté, si rare.
Sabine Prokhoris.
Pour M.Benayoun, la colonisation et l’apartheid n’existent pas. Que je sache, il n’y a pas le Hamas au pouvoir en Cisjordanie, ça n’empêche pas qu’il y a 20 fois plus de morts côté palestinien.
Oui ! il n’y a pas d’israéliens juifs qui poignardent des passants ou qui foncent en voiture sur des voyageurs en attente d’un bus alors forcément il n’y a pas d’israéliens juifs « éliminés « !
C’est bête , fallait y penser mais quand on veut ouvrir une polémique et accuser Israël tout est bon pour les anti juifs !
Quelqu’un dit : »apartheid ». L’air de dire que le juif peut être agressif . Mais les arabes israéliens – 1.500.000- qui deviennent députés, avocats, medecins etc et qui vivent tranquillement sans être pour pourchassés ; c’est de l’apartheid ça ? Et aucun d’entre eux ne veut aller vivre en Egypte, Jordanie , Syrie … Pays frères et limitrophes
Il n’y a pas d’aparthid en Israël ! Ça c’est l’excuse bidon des antisemite et anti sioniste , Israël est le seul pays au monde où les arabes prospèrent et vive mieux que nul part ailleurs, après si vous parlez des palestiniens, pour que la situation aille mieux. Faudrait il qu’il le souhaite , hors il n’y a que des actes de terrorisme au quotidien , donc si vous voulez la paix ! Commencez par être en paix
Pour finir par la colonisation ! Il y a 2 millions d’Arabes israéliens qui colonisent Israël , et 500000 juifs qui colonisent la Cisjordanie, si les arabes ne veulent pas de juifs en Cisjordanie c’est par racisme pur ! Alors arrêtez de raconter n’importe quoi et allez voir par vous même ! Trouvez moi un seul pays arabe où tous les panneaux indicateurs sont en hébreu ,arabe et anglais ??? Juste 1 ??? Lequel ?????
Laissez moi rire ! Dans les pays arabes les LGBT sont massacrés ! Ça ce n’est pas de l’appartheid ,
Le sens du mot « pogrom » a dû échapper à beaucoup… Texte vrai et émouvant.
Bravo et merci pour votre propos très clair et très… clairvoyant !
Cher Georges Benayoun, j’ai lu votre texte avec un réel soulagement. Il y a encore des gens pour dire des choses justes, pour s’élever contre la langue de bois,les amalgames et les raisonnements spécieux. Je n’en étais plus sûr, tant le langage est embarrassé d’un côté, pervers de l’autre. ce que vous avez écrit met ls choses au clair. On aimerait que ce soit diffusé, que ce soit lu – et pas seulement par ceux à qui votre réponse s’adresse.
C’est un beau texte, Monsieur Benayoun. Mais il ne convaincra que les convaincus et aucun des participants à la manifestation, lesquels se seront payé une bonne conscience à vil prix
Bravo et merci 😘
Très bien dit