Alors que le mouvement islamiste du Hamas vient de frapper Israël, l’historien Marc Knobel s’inquiète d’une énième importation du conflit en France et des violences qui pourraient y être commises contre les Juifs.
C’est une information qui a tourné en boucle, ce samedi 7 octobre 2023. Alors qu’une offensive a été déclenchée par le Hamas contre Israël, le gouvernement a demandé que les lieux « communautaires » juifs, comme les synagogues et les écoles juives, fassent l’objet d’une sécurisation accrue (1). Lorsque j’ai entendu que le ministre de l’Intérieur s’était exprimé à ce sujet et qu’il a donné des instructions précises aux préfets, afin de protéger ces lieux sensibles, j’ai senti la colère monter en moi.
Cette colère ne s’exprimait pas contre la décision prise par Gérald Darmanin mais, parce que je sais que lorsqu’un conflit éclate entre les Israéliens et les Palestiniens, les Juifs de la diaspora sont particulièrement exposés, en France également. Et cette situation me pèse énormément, intellectuellement et psychologiquement. Elle suscite ma colère, de l’appréhension aussi et un sentiment d’injustice. Quelle autre communauté doit-être ainsi protégée d’un conflit qui se déroule en dehors de ses frontières ? Aucune.
C’est là, une singularité de l’antisémitisme et de la rage qui s’exprime chez certains, sous couvert d’israélophobie. En d’autres termes, à défaut de trouver des Israéliens en France, les agresseurs s’en prennent aux Juifs et à leurs bâtiments. Et, dans des assauts dévastateurs, faits de vengeance et de haine, ils frapperont indifféremment.
Et, cela, je puis le prouver aisément.
Les violences commises en 2010 et 2014
Expliquons.
En 2010, des milliers de personnes ont arpenté les rues de Paris et d’autres villes de notre pays, à la suite de l’abordage par des commandos israéliens, d’une flottille propalestinienne en route pour Gaza. En 2014, des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau arpenté nos rues, lors du conflit armé qui opposait le Hamas et Israël.
Face à ces affrontements, chacun éprouve de l’empathie pour telle ou telle partie et des manifestations ont lieu, le plus souvent en faveur des Palestiniens. Elles sont organisées par les militants propalestiniens de très nombreuses associations, des partis politiques de gauche ou d’extrême-gauche. Si, fort heureusement, la majorité d’entre elles ne provoque pas de troubles, la tension est presque toujours palpable dans les cortèges (cris, hurlements…). `
En fait, des violences antisémites sont constatées en France et dans d’autres pays européens depuis le mois d’octobre 2000. Là encore, la brutale augmentation d’actes antijuifs est intervenue simultanément à la forte médiatisation du conflit proche-oriental ou de sa violence, et les cibles visées sont particulièrement symboliques (incendies de synagogues et centres communautaires, profanations de cimetières, intimidations et violences perpétrées contre des membres de la communauté juive…).
C’est ainsi que dans la foule des manifestations, l’on voyait fleurir de drôles de pancartes . Je cite : « Rien ne peut justifier un génocide », « SS = soldats sionistes », « Israël, assassin », ainsi qu’une flopée de croix gammées affublées d’étoiles de David. On a même vu des hommes brandir en pleine rue une maquette en carton de roquettes Qassam, sans susciter la gêne des autres manifestants.
Développons.
13 juillet 2014. Nous sommes en plein Paris, rue de la Roquette. Soudainement, une centaine de jeunes, arborant pour beaucoup les couleurs du Hamas ou le drapeau palestinien, tentent d’attaquer et d’investir la synagogue qui se trouve dans cette rue. Avec une violence inouïe, ils veulent pénétrer à l’intérieur mais sont repoussés par les CRS qui sont sur place.
Le 19 juillet 2014, malgré l’interdiction de manifester, des centaines de personnes se rassemblent à Barbès. Elles sont très encadrés par les forces de l’ordre, car le quartier est sensible. Mais, peu avant 16 heures, la manifestation commence à dégénérer, faisant fuir une partie des militants. Par contre, d’autres, restés sur place, lancent des projectiles sur les forces de l’ordre, qui répliquent avec des gaz lacrymogènes. En fin de journée, une vingtaine de manifestants, certains portant le drapeau palestinien sur les épaules, jettent sur les policiers, de grosses pierres récupérées sur un chantier et cassent un trottoir pour récupérer des pavés.
Selon une source policière, trente-huit personnes sont interpellées, dont dix-neuf sont placées en garde à vue. Elles sont soupçonnées de violences aggravées (en réunion ou avec arme) sur personne dépositaire de l’autorité publique, outrages, rébellion, dégradations aggravées ou encore participation à un attroupement. Dix-sept policiers et gendarmes sont blessés.
Que dire également des violences qui ont ravagé la ville de Sarcelles ? Des voitures ont été incendiées, du mobilier urbain a été saccagé, des magasins ont été pillés. Et la situation a dégénéré aux abords de la synagogue de l’avenue Paul Valéry. Des cocktails Molotov et des fumigènes ont été lancés en direction du lieu de culte, pourtant protégé par les policiers. Incontestablement, il s’agissait d’un avant-goût de pogrom antisémite.
Les données dont nous disposons sont éloquentes. Depuis plusieurs années, le Service central du renseignement territorial (SCRT), qui dépend du ministère de l’Intérieur, suit l’évolution des actes racistes, grâce à des synthèses chiffrées, comptabilisant les « actions » (homicides, attentats et tentatives d’attentats, incendies, dégradations, violences) et « menaces » (propos, gestes menaçants, démonstrations injurieuses, inscriptions, tracts et courriers).
Ces données sont croisées avec les signalements centralisés au ministère de l’Intérieur qui émanent des différents services de Police sur le territoire français. Elles sont ensuite recoupées avec les signalements transmis par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) (2). Ces synthèses chiffrées comptabilisent les actions et les menaces qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’une main-courante auprès des services de Police.
En 1998, 81 actes ont été comptabilisés et 82 en 1999. Puis, ce chiffre bondit subitement à 744 (10 fois plus) en 2000, la situation devenant inquiétante dès octobre de cette année-là. Les chiffres annuels fluctuent ensuite, à la baisse ou à la hausse (3).
Pour les hausses référencées depuis 21 ans, nous comptabilisons 744 actes en 2000 ; 936 en 2002 ; 974 en 2004 ; 832 en 2009 ; 614 en 2012 ; 851 en 2014, puis 808 en 2015. En 2017, nous assistons à une augmentation très forte des actes antisémites (+26%) qui conduisent là encore à une vraie inquiétude. Généralement, ces faits traduisent la répercussion d’un conflit (lointain mais très médiatisé) qui oppose les Israéliens aux Palestiniens, alors qu’il se déroule à près… de 4000 kilomètres de notre pays.
Nous obtenons ensuite les chiffres suivants : en 2018, 541 actes et 687, en 2019. Au final, entre 2017 et 2019, le nombre d’actes antisémites a augmenté en France de 121%. En 2019, les Français juifs, qui représentent moins de 1% de la population, ont subi 41% des violences physiques racistes commises en France.
L’hostilité envers les Juifs
Alors que dire ? Des individus sont animés par un sentiment d’hostilité envers Israël plus ou moins diffus, exacerbé par la médiatisation d’affrontements au Proche-Orient. Ceci facilite leur projection dans un conflit, qui à leurs yeux, reproduit des schémas d’exclusion et d’échec dont ils se sentent eux-mêmes victimes en France.
En 2000 déjà, Mehdi Lallaoui, réalisateur, engagé dans le mouvement associatif, militant dans les banlieues depuis plus de trente ans et figure de la Marche pour l’Égalité organisée en 1983, l’explique fort bien : « Pour moi, c’est une identification dans un monde de l’image. Ces jeunes gens voient des affrontements très violents à la télé ; ils se sentent solidaires et, par amalgame, s’attaquent à des symboles juifs, à défaut de cibles israéliennes ». Quant à Malek Boutih, ancien Président de SOS Racisme (1999-2003), il a cette observation très intéressante : « Les jeunes ont un discours déstructuré. Ils glissent très vite de l’antisionisme à l’antisémitisme, d’Israël à Juifs. »
Avec lucidité donc, des militants associatifs répètent que l’on ne doit pas importer le conflit sur le territoire national et que l’on ne saurait viser des lieux de culte de la communauté juive (pas plus que de la communauté musulmane, d’ailleurs). Ils lancent aussi un avertissement, parce qu’ils pressentent que ces agressions pourraient se multiplier.
En quoi aide-t-on la cause palestinienne lorsqu’en France, de petits voyous agressent de jeunes Juifs ? De quel soutien s’agit-il ? La cause palestinienne s’en trouvera-t-elle encouragée, fortifiée ? Bien sûr que non. Disons-le clairement : rien ne justifie que l’on attaque un magasin casher, rien ne justifie que l’on agresse un adolescent juif. Faut-il le rappeler ici ?
Alors, n’y aurait-il pas là d’autres raisons ? N’y aurait-il pas une « culture » de l’antisémitisme dans certaines banlieues ? Ces jeunes ne sont-ils pas motivés plutôt par la haine des Juifs pour s’en prendre ainsi à des cibles juives (écoles, lieux de cultes, magasins, particuliers, etc.), tout simplement ? Par ailleurs, ne sont-ils pas encouragés et/ou endoctrinés par des agitateurs islamistes ou des prêcheurs de haine ? Bref, le conflit israélo-palestinien explique-t-il tout ? Non. Il peut expliquer certaines choses mais pas cette envie d’en découdre avec les Juifs en France, lorsque la situation au Proche-Orient s’embrase.
Et, peut-être, malheureusement, en 2023, comme en 2002, en 2004, 2009, 2012, 2014, 2015 ou 2017, les Juifs de diaspora vont devoir encore une fois payer le prix de cette folie.
© Marc Knobel
Notes
1 – https://www.bfmtv.com/politique/israel-gerald-darmanin-donne-l-ordre-aux-prefets-de-proteger-les-lieux-communautaires-juifs_AV-202310070250.html
2 – Le Service de Protection de la Communauté́ Juive (SPCJ) a été́ créé en 1980, au lendemain de l’attentat de la rue Copernic à Paris. Le SPCJ est la concrétisation d’une volonté́ commune du CRIF, du FSJU – Fonds Social Juif Unifié – et des Consistoires, de protéger la communauté́ juive dans son ensemble. Voir également Le Monde, « L’antisémitisme, une réalité difficile à mesurer précisément », 29 mars 2018.
3 – Voir à ce sujet Marc Knobel, Haine et violences antisémites. Une rétrospective 2000-2013, Paris, 2013, Berg International, 350 pages.
Mr Knobel , essayez , pour une fois , une seule , de sortir de votre shema formaté par la bien pensance obligatoire ….ce ne sont pas les » juifs de France » qui sont en danger , c est juste l integralité de ce pays , desormais bi national qui s effondre .
Le grand virage de la France post 7 octobre a deja ete pris par macron , l illegitime et sa bande de bobos ebahis et hagards devant le gouffre qui s ouvre sous leurs pieds : le Titanic tricolore a heurtė l iceberg et le minus qui tiens la barre ne fait plus illusion nulle part .
Le 7 octobre c est le debut du grand naufrage , alors ne demandez pas a des idiots apeurés qui ne savent pas nager d aider les passagers juifs , nous sommes entrés , ici aussi , dans une autre dimension .