Antony Blinken, un incroyable destin. Par Alain Chouffan

          Il est infatigable.  Depuis la tragédie du 7 octobre, en Israël, Antony Blinken,  chef de la diplomatie américaine, se démène comme un diable, prenant l’avion comme on prend le métro, pour trouver un scénario de l’après-guerre. De la Jordanie à la Turquie, en passant par l’Irak  et le Liban, il rencontre  tous les dirigeants arabes, notamment  Mahmoud Abbas,   président de l’Autorité palestinienne, qu’il a vu  le 5 novembre. Ce  dernier  en a profité pour lui rappeler  qu’il était « le meilleur candidat  pour contrôler Gaza », oubliant  qu’il avait  été chassé par le Hamas, en 2007 ! Poli, Antony Blinken lui a répondu qu’il y pensait.. Mais ce qui étonne dans l’attitude de ce secrétaire d’État,  choisi par Joe Biden, et nommé par le Sénat,  en janvier 2021, c’est cette  charge d’énergie inhabituelle  qu’il déploie et qui le distingue des autres.  Un homme est à l’origine de cette  super énergie :  Samuel Pisar, un survivant des  camps de concentration nazis.

Samuel Pisar, survivant des camps de Majdanek, Auschwitz et Dachau

               Cette rencontre avec lui  l’a profondément marquée. Elle remonte à 1971. Cette année-là, Antony  Blinken, juif, né à New York  a 8 ans, quand, il débarque  à Paris,  avec sa mère  qui vient de divorcer de son père, Donald Blinken –  homme d’affaires américain,  ambassadeur en Hongrie –  pour se remarier avec Samuel Pisar , un avocat de renommée internationale qui  compte,  entre autres,  parmi ses clients, Jane Fonda, Catherine Deneuve, Elizabeth Taylor. Sa nouvelle épouse, Judith Pisar ne chôme pas.  Elle dirige le Centre américain de Paris, une institution culturelle et artistique. Ce qui lui permet de recevoir  le Tout-Paris et quantité de célébrités internationales, dans  l’immense appartement de l’avenue Foch. Le jeune Antony voit défiler de nombreuses personnalités,  Pierre Boulez, Mark Rothko, Leonard Bernstein ou Valéry Giscard d’Estaing. C’est donc  à Samuel Pisar qu’incombe l’éducation du petit Antony.  

Très bon élève, réservé et réfléchi, il acquiert au  contact  de son beau-père, une sensibilité, une réflexion et surtout une niaque, qui le caractérise tant  aujourd’hui. C’est vrai  que le  destin de Samuel Pisar, un temps conseiller de John Kennedy, force le respect et l’admiration.  Seul rescapé parmi 900 enfants juifs de son village polonais natal, Samuel Pisar (1929-2015) a passé quatre ans dans les camps de concentration de Majdanek,  une effroyable odyssée racontée  dans ses Mémoires qui a profondément marqué le jeune Antony. On y apprend que dans les  derniers jours de la guerre, alors qu’il participe aux « marches de la mort » organisées par les nazis en raison de l’avancée russe, Samuel Pisar,  à 16 ans, s’échappe dans une forêt de Bavière. Tapi dans l’ombre, il entend le bruit d’un char. A son étonnement, celui-ci n’est pas frappé de la croix gammée, mais de l’étoile blanche de l’US Army. Sur la tourelle se tient un G.I. afro-américain. L’adolescent bondit alors de sa cachette, s’agenouille et prononce les seuls mots qu’il sait en anglais : « God bless America.”. Un souvenir encore vivace dans l’esprit d’Antony Blinken. 

            Les années parisiennes (1971-1980) du futur secrétaire d’Etat d’Antony Blinken ont forgé sa personnalité. Et entre autres,   sa passion pour la musique  Un soir de 1980, à Paris, alors qu’il était en classe terminale, à l’école Jeannine-Manuel un établissement bilingue réputé, situé sur la rive gauche parisienne, il  entonne Another Brick in the Wall, le tube planétaire de Pink Floyd, sorti quelques mois auparavant. Malgré ces paroles grinçantes, même les enseignants se trémoussent.  Ainsi s’achève une année scolaire bien remplie qui, quarante et un ans plus tard, reste l’un de ses souvenirs les plus marquants. 

                 Quelques décennies  plus tard, Antony Blinken collectionne ses fonctions  :  conseiller à la Maison Blanche , sous Bill Clinton (1994), conseiller du vice-président Joe Biden (2009), et conseiller adjoint sous Barack Obama (2015) ,  et aujourd’hui  71e secrétaire d’Etat, troisième personnage de l’Etat américain,   après la vice-présidente Kamala Harris. « Sa trajectoire parisienne, sa maîtrise de la langue de Molière et sa capacité à comprendre le point de vue des Européens font de ce diplomate sophistiqué un ministre bien différent de son prédécesseur républicain Mike Pompeo », confirme Jacob Heilbrunn qui dirige, à Washington, la revue conservatrice de géopolitique « The National Interest ». « Comme Biden, auprès duquel il travaille depuis presque deux décennies, Tony Blinken est un atlantiste convaincu, persuadé que la relation Europe-Etats-Unis doit rester un pilier de la politique étrangère américaine ». Quel autre ministre des Affaires étrangères peut en dire autant ?

© Alain Chouffan 

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1 Comment

  1. Un homme remarquable , fin , et discret .
    avec de grandes valeurs morales .
    Il contribuera à l’après guerre , pour l’intérêt réciproque d’Israel et des civils palestiniens .
    Une chance de l’avoir eu à ce poste , et à ce moment .

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