« Deux peuples, deux États? » Par Shmuel Trigano

A l’occasion de la guerre de Gaza, a ressurgi le mantra bien connu « Deux peuples, deux États ». On l’invoque systématiquement, soit parce qu’on y croit, soit que l’on veuille, tout en condamnant aujourd’hui la terreur du Hamas, signifier de façon indirecte que l’on n’est pas contre les Palestiniens et leur cause et qu’on fait la différence entre eux et le Hamas jusqu’à les camper parfois en victimes du Hamas, persécutées à l’instar des Juifs. Un équilibre oratoire est ainsi fait entre les victimes et les bourreaux. La cause palestinienne et celle de l’islam sont sauves! On exonère ainsi les populations palestiniennes de leur lien avec leurs dirigeants. Qui ne seraient rien sans elles.

Mais l’apologie de ce « modèle » reflète-il bien la réalité ? On sait déjà, que, durant la période qui précéda le massacre du 7 octobre, c’est le Hamas qui avait le vent en poupe à Gaza et en Judée-Samarie à l’encontre du Fatah de Mahmoud Abbas. S’il y avait eu des élections à ce moment-là, il les aurait remportées. Quand au culte de la violence et à la haine des Juifs, quelle différence y-a-t-il entre les enfants de Gaza et ceux de Ramallah ? Ils reçoivent le même type d’enseignement. La chose a été parfaitement documentée et elle se déroule sous l’égide de l’UNWRA, financée par l’ONU et les États occidentaux, au su de tous. À Gaza comme à Ramallah on offre au cri de « Allah Ouakbar » des bonbons et allume des feux d’artifice chaque fois qu’un Israélien est assassiné dans un attentat. Cela dit quelque chose de la société palestinienne.

Par ailleurs, est-il bien sérieux, sur le plan non rhétorique ni politique mais géopolitique, de faire référence à ce « mantra » comme solution unique ? N’a-t-il pas échoué à tous les niveaux ? il y a une amnésie collective à ce sujet.

Israël, en effet, l’a déjà mis œuvre. Les Accords d’Oslo ont installé Arafat et ses troupes en Judée Samarie alors qu’ils avaient été vaincus lors de la guerre du Liban et chassés en Tunisie. Dès le lendemain de la signature, au lieu d’entamer la création d’un État, le Fatah a fait régner la Terreur dans une campagne d’attentats qui fit 1500 morts tandis qu’Arafat déclarait en Jordanie que la signature des Accords était feinte.

De même, le retrait de Gaza et la destruction des implantations par Arik Sharon n’a ouvert que sur l’installation du Hamas et la terreur des roquettes sur tout le sud d’Israël, qui ont nécessité plusieurs opérations militaires.

Aux dernières nouvelles, c’est le Hamas qui organisait, durant la période la plus récente, l’activisme palestinien en Judée Samarie et donc le cycle des attentats dans la chasse gardée du Fatah.

En un mot : Israël a déjà appliqué le principe de « Deux peuples deux États », tandis que les Palestiniens n’en ont profité que pour l’attaquer, en montrant objectivement qu’ils rejettent ce principe comme ils ont toujours rejeté le partage territorial et récusé l’existence de l’État d’Israël.

Proposer à Israël ce modèle est ainsi irresponsable.  C’est le vouer à une condition structurellement dramatique. C’est en fait l’idée d’une gauche archaïque qui méconnait la culture musulmane, notamment le fait que celle-ci dénie l’égalité et a fortiori la souveraineté aux peuples non musulmans. C’est une guerre de religion que mènent les Palestiniens contre « les Juifs ». Le conflit du Proche -Orient n’est en aucune façon un conflit national et territorial. Il n’y a eu de « nation » palestinienne que dans la confrontation et le « corps à corps » des Arabes avec la nation israélienne, qu’en se mesurant à elle et en se calquant sur sa dimension nationale.

Cette population est en effet loin d’une unité nationale. Elle est composée d’un ensemble de hamoula, de tribus, ce que confirment les crimes d’honneur et les vendettas tribales qui font des ravages dans le milieu social palestinien.

Sans l’existence d’Israël, il n’y aurait pas de « Palestine », ce qu’a montré la guerre d’indépendance d’Israël, à l’occasion de laquelle l’Égypte occupa Gaza tandis que la Transjordanie occupa la Judée Samarie. On ne vit alors aucun peuple palestinien se lever pour récupérer les territoires occupés et se constituer en État. De même l’Égypte et la Jordanie les annexèrent sans rendre ces territoires à une hypothétique Palestine.

Si l’on se penche sur l’histoire des relations internationales, on pourrait repérer l’époque – tardive – qui voit l’apparition sur la scène du concept de « peuple palestinien » distinct du « peuple arabe » ( les États arabes n’existaient pas avant la décolonisation. Ils étaient déjà sous le pouvoir colonial de l’empire ottoman). C’est « le peuple arabe », en la personne de l’émir Hussein de la dynastie hashémite, qui recevra la Transjordanie des mains des Britanniques, en 1921, une action qui ne respectait pas le mandat de la SDN d’ailleurs, et amputait le territoire mandataire de la Palestine de la SDN… 

La cause religieuse du conflit est le critère déterminant : ni un conflit national, ni un conflit territorial

La cause religieuse du conflit est le critère déterminant : ni un conflit national, ni un conflit territorial. On le constate avec l’agitation autour de la mosquée d’El Aksa. Et, avant tout, qui a remarqué que le crime du 7 octobre a entrainé dans le monde musulman un appel à la guerre sainte, spécialement contre les Juifs du monde, un appel officiel confirmé par des autorités religieuses et juridiques ?

Mais il y a plus que le côté politique : le plan géopolitique. Un État de Palestine s’étendrait sur la chaîne de montagnes qui divise le pays en deux versants, vers l’Orient et vers l’Occident. Elle surplombe la plaine où se trouve le cœur de l’établissement israélien, son centre névralgique, l’aéroport Ben Gourion. Il y a 70 km du Jourdain à la mer, le centre du pays fait 15 km de profondeur à sa largeur la plus petite. Ramallah est à 14 km de Jérusalem. Par ailleurs le territoire de Gaza, s’il échoit à l’État palestinien, nécessiterait un couloir de communication qui couperait Israël en deux et susciterait dans le Néguev des Bédouins des velléités d’indépendance. C’est déjà une région sur laquelle Israël n’a pas une pleine maitrise.

Par ailleurs, la non-maitrise par Israël de la vallée du Jourdain ouvrirait la porte à des infiltrations en provenance d’Irak et de Syrie.

Le problème de Jérusalem, enfin, au sommet de la chaine de montagnes, resterait entier en regard de la Mosquée El Aksa et de l’agitation panislamique autour d’elle. La perte des implantations juives en Judée Samarie  sonnerait,  en effet ,la fin de la protection que leur existence assure autant à Jérusalem qu’a la plaine côtière. On sait combien la région autour de Gaza a absorbé le terrorisme et assuré la protection des populations au-delà du pourtour de Gaza, notamment Tel Aviv…

En somme, proposer à Israël une telle « solution », après l’usage qui en a été fait par les Palestiniens, serait le vouer à une faiblesse géographique autant géopolitique qu’humaine catastrophique. Ce n’est pas avec une telle population ni une telle culture que ce découpage et cet enchevêtrement de populations assureraient la vie, pour ne pas dire la survie à un État d’Israël …

C’est du côté de la Jordanie et de l’Égypte qu’il faudrait chercher, là où l’histoire de ces deux régions s’est arrêtée.

© Shmuel Trigano

Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités.

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1 Comment

  1. Ce fut un rêve les deux états. Qui peut y croire encore. Depuis longtemps nous savons que les arabes n’en veulent pas.Ce qu’ils veulent c’est faire disparaitre l’état d’Israël.

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