L’interuniversitaire antijuive
- L’université et les nouvelles idéologies du ressentiment
Il y a bien longtemps que l’université – et notamment l’université française- n’est plus à la hauteur de sa mission première, qui est de garantir la formation des esprits. Elles sont lointaines et révolues les deux grandes époques de l’universitas : fondatrice, au Moyen Age, avec la transmission des arts libéraux ; héritière, à l’âge moderne, avec la transmission et la défense des humanités.
Depuis plus d’un demi-siècle, l’instance académique a subi une politisation accrue : en 1968, il fallait « investir la place » pour déboulonner les mandarins, puis les rebelles, devenus à leur tour mandarins, ont résolu qu’il ne fallait plus en partir, et muer en bastion de leur conception idéologique du monde, ce qui était l’espace sanctuarisé et privilégié du savoir. La fin de la Guerre froide a sonné le glas de l’hégémonie soviétique, incidemment, celle du PCF, dont les influences se prolongeaient dans la culture universitaire : ce faisant, c’est le gauchisme, « maladie infantile » (sic) qui l’a remplacée. Simultanément, tandis que l’université, comme l’école, s’ouvrait à l’économie, les mœurs pédagogiques et scientifiques sont devenues exemplaires, mais aussi vectrices de la promotion de discours centrifuges, peu à peu érigés en charte tacite du monde étudiant et de leurs cadres, depuis les présidences, jusqu’aux directions de recherche, peu à peu soumis à ce nouvel ordre.
C’est un mythe, ou une illusion sans autre fondement que le refus de voir la réalité, que de s’entretenir dans la conviction selon laquelle l’université transmet les normes de la rationalité, stimule la curiosité intellectuelle, ou réunit les conditions d’un cheminement érudit… Au XXe siècle, partout où les totalitarismes ont sévi – et la liste est longue : marxisme-léninisme, fascisme, national-socialisme, vichysme, communisme soviétique, communisme asiatique, etc.- le contexte universitaire a été parmi les premiers lieux de mise en conformité, le plus fort garant des conformismes du moment. C’est même sur le principe de cette fidélité serve que se sont recrutés les cadres. Dans l’atmosphère de « totalitarisme doux » qui caractérise le délitement culturel et moral des démocraties de marché (sic), la nécessité d’une telle adhésion, à la bêtise du moment érigée en norme de la vraisemblance- ne déroge pas à cette règle séculaire. La prestation de serment en moins, c’est désormais sur la foi de la convergence de leurs opinions que se reconnaissent les tenants de ce désordre organisé.
Les yeux se décillent désormais : qui ne sait aujourd’hui, qu’il le déplore ou l’approuve, que la plupart des universités, dites de lettres, notamment, sont les plus certains relais de l’illettrisme obligatoire, et les plus certains fourriers de la haine de l’histoire. Wokisme, postcolonialisme, islamo-gauchisme. Mais le point de concrétion, l’acmé, de ce remarquable point de mue du discours universitaire, c’est le palestinisme, qui les subsume et les conditionne tous trois.
- Le palestinisme : nouvelle charte des universités de lettres
La contribution du discours universitaires français alimente l’antisionisme violent sous la couverture de « la-critique-légitime-du-gouvernement-d’Israël ». La subversion du langage qui a libre cours dans le milieu universitaire depuis des années, contribue aujourd’hui à l’atmosphère de violence antijuive avérée. La dernière manifestation de l’internationale antijuive à Toulouse-Mirail, applaudie par l’agence de presse de la République islamique iranienne[1] avec les slogans « Palestine vivra Palestine vaincra », « Israël assassin », les slogans phares de tous les mouvements propalestiniens qui condensent l’idéologie meurtrière en témoigne. Tout le vocabulaire y est : « violence génocidaire », « tuer des enfants », « apartheid », « colonisation », « génocide des palestiniens ».
À EHESS, un communiqué du 8 octobre, soit un jour après les massacres terrifiants commis sur le sol Israélien par le Hamas « coloniser, réprimer, ségréger et bafouer le droit à l’autodétermination du peuple palestinien »[2], à Nanterre Université, on parle des « crimes d’Israël », de l’ »apartheid », à Poitiers, l’UFR de lettres relaie un message qui informe les étudiants « de l’organisation » des « enjeux de colonisation », France–Culture invite une sociologue qui a fait soutenir une thèse sur l’idéologie du Hamas où le mot « terroriste » est systématiquement mis entre guillemets[3].
La libération de la parole antijuive au sein même de l’institution qui prétend transmettre le savoir, au moment-même où les juifs sont exterminés sur leur propre sol avec une barbarie inouïe, est révélatrice des résultats de l’enseignement du mépris et d’endoctrinement cautionné par l’internationale universitaire anti-juive. L’aubaine incroyable du monstre antisémite contemporain est le discours qui réclame des « droits de l’homme », de « la défense des opprimés », de « la liberté d’expression et de recherche ».
Ces discours s’inscrivent dans une archive bien définie : celle du national-socialisme qui présente le sionisme comme le complot juif mondial et celle du communisme soviétique. Ce dernier, corrélé au tiers-mondisme qui caractérise la gauche française culmine dans le pro-palestinisme : mélange du nationalisme palestinien avec l’hitlérisme d’abord, le stalinisme ensuite. Son but : Palestine libre du fleuve jusqu’à la mer, attesté dans la Charte de l’OLP, jamais abrogée, en dépit du lieu commun massivement réitéré par l’AFP, et dans la Charte du Hamas. Ce tiers-mondisme se résume dans le discours doxique par les formules répétées : « Sionisme=impérialisme » ; « sionisme=colonialisme » ; « sionisme=racisme » ; « sionisme=nazisme » ; « sionisme=apartheid », que l’on retrouve massivement dans la production universitaire.
- Subversion du langage
Ces équations sont efficaces car elles permettent de reconnaître ce que l’histoire de l’Occident, de l’Europe, et celle de la France évoque de pire : l’invasion du Vietnam, la guerre d’Algérie, le racisme nazi, le régime d’apartheid d’Afrique du Sud. Ces formules, qui ne renvoient à aucune réalité existante en Israël, ont conduit pendant des années à l’installation de discours-reflexes qui suscitent et entretiennent l’indignation (contre l’injustice) et l’hostilité (contre l’oppression). Quoi de plus normal ? Sauf que ces formules nourrissent le négationnisme en marche qui s’est installé progressivement dans la langue commune. Le terme « sionisme » est pratiquement toujours utilisé toujours avec une connotation péjorative sous la plume de doctes critiques d’Israël, qui ignorent passablement les origines de cette négativité. Hitler, les chefs du mouvement national palestiniens liés dans leur lutte avec l’Allemagne nazie, les propagandistes soviétiques et les musulmans radicaux ont contribué à pervertir le sens de ce terme qui renvoie à une idéologie politique visant à la constitution du peuple juif en nation souveraine pour qu’elle redevienne sujet de son histoire sur sa propre terre.
Colonisation
Passons maintenant à l’usage répandu de terme « colonisation », matraqué dans tous les communiqués anti-israéliens qui circulent aujourd’hui dans les messageries universitaires et sur les réseaux sociaux. On peut dater le début de la circulation massive de cette formule après le virage, fait pas la politique française en 1967, qui prend un tournant anti-américain et prosoviétique auquel s’ajoute l’indépendance de l’Algérie. La colonisation est associée à l’impérialisme, et ce sont les propagandistes soviétiques qui exploitent les premiers le rapport entre l’impérialisme et la colonisation. Cette appellation ne convient pas à la situation historique d’Israël. La définition du terme colonisation dans le domaine politique renvoie à l’exploitation, mise en tutelle d’un territoire sous-développé et sous-peuplé par les ressortissants d’une métropole. Cette définition coïncide avec la colonisation européenne des pays africains ou la colonisation américaine ou espagnole des terres appartenant aux indiens. Le « colonialisme » devient ainsi un terme à valeur axiologique péjorative. Le colonialisme est associé également au terme « impérialisme » et renvoie aux empires coloniaux. Or, l’État d’Israël n’est pas une métropole qui tient sous sa tutelle les territoires étrangers sans aucun lien historique et à des fins économiques, n’impose pas sa culture à d’autres peuples. La présence des Juifs sur cette terre, le cœur de la nation juive est ininterrompue. La seule fois où tous les juifs en furent chassés était en 1948, lorsque la Jordanie annexe (colonise) Judée-Samarie pendant la guerre de l’indépendance. Lorsqu’Israël reprend ces territoires en 1967, il ne les reprend pas à la Jordanie qui les a annexés. Il n’occupe pas les territoires d’un Etat Souverain, car la Palestine arabe n’existe pas comme Etat en 1967. Aujourd’hui son statut est disputé, ce qu’occultent ou ignorent les acteurs universitaires. La colonisation va ensemble avec un autre terme : « occupation ».
L’utilisation du terme « occupation », dans ce contexte, contribue par ailleurs à nourrir la logique de subversion langagière. Couplée avec « résistance », elle convoque une allusion à l’occupation nazi et la résistance française en inversant les rôles. Les Juifs en Israël sont les « occupants » et les Palestiniens qui rêvent de leur disparition sont les « résistants ».
Tueurs d’enfants
Il s’agit de vieux dérivé de l’accusation de meurtre rituel. On rencontre cette accusation dans la propagande palestinienne et au sein de la gauche universitaire. Ci-dessus un exemple:
La citation « ignoble » de Golda Meïr est « Nous pouvons pardonner aux arabes de tuer nos enfants mais nous ne pouvons pas leur pardonner de nous forcer à tuer leurs enfants ». L’historienne en question ne comprend pas ce que veut dire Golda Meïr, en exprimant la désolation de devoir tuer pour se défendre des attaques meurtrières.
Le co-fondateur du BDS, Omar Barghouti, le frère du terroriste Marwan Barghouti dont LFI est ses sbires universitaires se sont fait les porte-parole en France, écrit en 2001 dans le chapitre du livre The New intifada, resisting Israel’s apartheid, que les soldats israéliens tirent sur les enfants palestiniens quand ils s’ennuient (sic), comme le faisaient les nazis pendant la Shoah. On voit une inversion en œuvre qui a servi à l’endoctrinement d’un nombre de djihadistes européens, notamment Merah, qui justifie le meurtre des enfants juifs par le meurtre par « les juifs » des enfants palestiniens. « Le Juif » collectif devient un monstre génocidaire, un ogre tueur d’innocents. Nos universitaires, on le voit de ce tweet d’une historienne connue qui parle au nom de « nous », ne dédaignent pas la mythologie sanguinaire antijuive.
- Logique du discours meurtrier
Ces constructions langagières – qui circulent librement et impunément au sein de l’université française – s’inscrivent dans une logique du discours meurtrier. C’est une logique de revendication victimaire fondée sur la sinistre algèbre du décompte des morts dans chaque camp, en invoquant le meurtre pour lequel le meurtrier engage non pas sa responsabilité, mais celle du groupe auquel appartient la cible. Le discours meurtrier contient également un appel à l’empathie, non pour les cibles du meurtre, mais pour les auteurs du meurtre et les victimes auxquelles il est associé. Il est inutile de se lamenter sur la recrudescence des actes antisémites, si on ne comprend pas cette logique et rien n’est fait pour l’enrayer. Elle est soigneusement nourrie par l’activisme des propagandistes universitaires : ces derniers n’hésitent pas à endoctriner les esprits vierges de tout savoir, des jeunes esprits qui ont faim et soif de justice. Pour ce faire, les nouveaux doctrinaires usent des mots, et des équations efficaces comme de « minuscules dises de l’arsenic » dont l’effet toxique ; à la longue, est désormais palpable.
Notes
[1] https://fr.irna.ir/news/85263874/France-la-manifestation-pro-Palestine-des-%C3%A9tudiants-toulousains
[2] https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/internationales/pour-une-paix-juste-et-durable-solidaires-defend-le-respect-du-droit-international-pour-la-palestine/
[3] https://www.theses.fr/2021BORD0132.pdf
© Yana Grinshpun et Georges-Elia Sarfati
Source: Perditions idélogiques
Pleinement d’accord avec vous sur « l’interuniversitaire antijuive ». En lisant l’ouvrage-catalogue d’expo intitulé « ce que la Palestine apporte au monde », j’ai été frappé par le nombre très important de contributeurs français et étrangers faisant état de « travaux effectués dans le cadre du CNRS », qui me semble effectivement un lieu d’accueil très tolérant, voire une plaque tournante, pour les professionnels ou futurs professionnels du « palestinisme ». On se souvient de la polémique de 2021, avec la ministre Frédérique Vidal, qui n’avait sans doute pas tout à fait tort…
Il faut interdire la politique à l’université !