Nous avons cherché en vain dans les posts et messages diffusés par les partis progressistes des signes de compassion envers les 1 400 victimes israéliennes. Quel contraste avec les hommes politiques et intellectuels français qui, à l’exception de LFI, ont tous exprimé leur solidarité avec la communauté juive. Oui, le silence de la Belgique fait exception en Europe.
Une carte blanche de Joël Kotek, Historien spécialiste des génocides, Olivier Boruchowitch, philosophe, Grégoire Jakhian, avocat, Félicité Lyamukuru, auteure tutsie, Doubi Ajami, Juif libanais fils d’un rescapé du pogrom d’Alep (1947) et Chemsi Cheref-Khan, humaniste de culture musulmane.
À quelques notables exceptions, nos politiques et intellectuels se sont refusés à condamner la séquence génocidaire perpétrée par le Hamas le 7 octobre dernier. Comme lorsque la mer se retire et expose le banc de sable qu’elle recouvrait, ce silence a dépouillé les Juifs de Belgique de leur dignité de citoyens à qui l’on dit : “Vous êtes seuls livrés à votre destin”. Ce qui dans la longue histoire des persécutions dont ils ont été les victimes s’est continûment confirmé.
Le silence assourdissant de la Belgique
Nous avons cherché en vain dans les posts et messages diffusés par les partis progressistes des signes de compassion envers les 1.400 victimes israéliennes. Quel contraste avec les hommes politiques et intellectuels français qui, à l’exception de LFI, ont tous exprimé leur solidarité avec la communauté juive. Oui, le silence de la Belgique fait exception en Europe, comme l’a souligné l’excellent Jean Quatremer dans un retentissant article publié dans Libération, le quotidien de référence de la gauche française. Que la cause palestinienne soit juste est une évidence, mais pas davantage que la cause israélienne ou encore les causes arménienne, chypriote, iranienne, ouïghoure, kurde qui, nous ne le savons que trop, ne déplacent aucune colère ni foule. Pourquoi ? La bande de Gaza et ses centaines de tunnels, ses 15.000 roquettes et missiles, ses drones, ses motos, ses ULM serait-elle réellement une prison à ciel ouvert (et si oui, à qui la faute ?), mais quid alors de ces deux millions (la population de Gaza) de Ouïghours qui croupissent réellement dans des camps de détention chinois ? Ne méritent-ils pas des marches “pour la Paix”, eux, tout comme les milliers d’Arméniens qui viennent d’être expulsés du Haut-Karabagh, les Iraniennes qui luttent pour leur dignité ou encore les Kurdes de Syrie qui sont déplacés, occupés et bombardés par l’armée turque ? Ne faut-il pas s’interroger sur cette absence d’empathie pour toutes ces causes et notamment pour ce seul État juif de notre planète dont la moitié de la population, faut-il le rappeler, est originaire de ces États arabes où règne un apartheid de fait. Pourquoi nos intellectuels et politiques progressistes feignent-ils d’ignorer que le monde arabe a poussé 99 % de ses Juifs à l’exil, des Juifs installés là bien avant l’arrivée de l’Islam ? En cause, un habitus antisémite, doublé d’un rapport troublé à la Shoah qui autorise toutes les audaces jouissives (“Et si les vrais nazis c’étaient les Israéliens !”). Plus généralement aussi, un clientélisme électoral, un triste antidote à la démocratie libérale et parlementaire qui substitue à la grandeur du discours politique et de ses valeurs une considération bassement calculatrice : “combien de voix ma prise de parole va-t-elle rapporter à mon parti ou à ma personne.” Qui niera que critiquer Israël, se taire sur l’Arménie peut rapporter électoralement gros ; d’où l’intense compétition que se livrent nos trois partis dits progressistes pour déterminer qui sera le plus hostile à Israël. Ces calculs politiques sont d’autant plus pernicieux qu’ils sont porteurs de menaces délétères visant l’ensemble de la société. Israël n’est qu’un aspect de la lutte que les Frères musulmans et leurs alliés portent à l’Occident. En témoignent ces minutes de silence qu’ont exigées certains de nos élèves bruxellois pour honorer la mémoire de ce terroriste tunisien qui s’est cru autorisé à assassiner de sang-froid, au nom de l’Islam, deux supporters suédois. Sans rapport avec Gaza, donc.
Les valeurs démocratiques dévoyées
Israël serait-il exempt de tout reproche. Non. Évidemment. Le gouvernement d’extrême droite israélien est co-responsable du drame que nous vivons dans notre chair. Nous l’avons assez dénoncé dans différentes tribunes et c’est précisément ce qui nous différencie de tous les soutiens au Hamas. Pour notre part, nous n’avons jamais craint de dénoncer “nos” extrémistes, “nos” fascistes, au contraire de tous ces islamogauchistes qui, juifs comme non-juifs, continuent à qualifier de “résistant” un mouvement authentiquement fasciste. Oublierait-on que le Hamas dénonce dans sa charte originelle un prétendu complot judéo-bolchévique et maçonnique ? Oublierait-on que les frères musulmans ont été les alliés des nazis ? Oublierait-on que les résistants français, belges ou juifs ne s’en prirent jamais aux civils allemands, même au pire moment de la Shoah ? Pourquoi leur est-il si difficile de qualifier de terroristes des individus qui violent puis éventrent des femmes enceintes ? Uniquement parce que les tueurs seraient palestiniens, ces nouveaux damnés de la terre, et les victimes des “sionistes” ? Un peu court, non ? Confondre les horreurs commises par le Hamas et le conflit israélo-palestinien revient à offrir un cadeau inespéré à l’islamisme, car contrairement au calcul électoraliste, les musulmans ne sont pas, dans leur grande majorité, des soutiens du Hamas, même s’ils sont, à raison, sensibles au destin palestinien. Oui, il faut créer un État palestinien à côté, et non à la place, d’Israël ! Croire qu’en ne condamnant pas les actes terroristes du Hamas, les responsables politiques s’attireront les voix des musulmans est non seulement un raisonnement inique qui leur fait injure, mais qui trahit surtout l’essence de nos valeurs démocratiques. Merci à Djemilla Benhabib, Tahar Ben Jelloun, Ismaël Saïdi, Sam Touzani d’avoir compati à la douleur indicible des Israéliens.
© Joël Kotek
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