Des manifestants dans les rues de Paris scandaient autrefois “Nous sommes tous juifs”. Aujourd’hui, ils applaudissent le massacre des Juifs.
Aux dizaines de milliers d’”indignés” qui, dimanche 20 octobre dernier, se sont rassemblés dans plusieurs villes françaises et européennes pour manifester leur soutien à “la cause palestinienne”, il y a une question qu’il ne faut pas se lasser de poser :
Où étaient-ils quand c’était le Hamas, et non Israël, qui arrêtait, torturait, massacrait les Palestiniens coupables de vouloir la paix et de rêver de liberté ?
Pourquoi n’ont-ils pas marché avec la même passion lors de la longue épreuve des 380 000 civils tués dans la guerre au Yémen ?
Et les Syriens pilonnés, enterrés vivants dans leurs villages, gazés par l’armée de Damas, pourquoi n’ont-ils pas bénéficié de la même mobilisation de la gauche “sociale et politique” ? Pourquoi Jean-Luc Mélenchon, fer de lance de la compassion pour les 4 000 Palestiniens morts aujourd’hui, n’a-t-il pas dit un seul mot pour les 400 000 morts de la guerre d’hier en Syrie ? En fait, il avait un mot, voire deux : il a balayé ces 400 000 cadavres en répétant, de toutes les manières et à travers toutes les émissions, qu’ils étaient tous victimes d’une obscure querelle autour des “gazoducs et oléoducs”.
Et les victimes d’Omar el-Béchir au Soudan ? Et les adversaires d’El-Béchir, engagés depuis six mois maintenant dans une “guerre de généraux”, n’ont pas, à ma connaissance, provoqué un afflux de manifestants dans les rues.
Et les femmes afghanes, enfermées dans leur burqa après que les talibans ont repris le contrôle de Kaboul il y a deux ans ? Comment se fait-il que le sort de ces femmes, tout comme celui des Iraniennes assassinées pour un voile porté de travers, n’ait pas semblé enflammer ces contestataires qui réclament désormais justice à la république ?
Et les Ouïghours, génocidés par la Chine ?
Et, pour les plus âgés de ces défenseurs autoproclamés des droits de l’homme, victimes de Kadhafi en Libye ? Ou de la dictature en Egypte ? Ou des guerres de Poutine en Tchétchénie ? Et avant cela, bien avant, lors du siège de Sarajevo, les 100 000 musulmans bosniaques massacrés par les soldats serbes ? Pourquoi étiez-vous donc si peu nombreux à la brèche et dans les rues pour défendre ces musulmans ?
Sans parler de ceux bombardés à Marioupol, ou de ceux massacrés à Bakhmut. “Stand With Ukraine” organise, tous les samedis, des meetings de solidarité sur cette même Place de la République, où l’on ne voit aucun représentant de La France Insoumise, du Nouveau Parti Anticapitaliste, de l’Union Syndicale Solidaires, de la Fédération Syndicale Unitaire, du MRAP. (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), ou encore de la CGT, désormais intégrée à ce nouveau “Collectif national” de “soutien à la Palestine”.
La vérité est que, pour ces gens-là, les morts ne sont pas égaux.
Il y a, en Europe, des rebelles conséquents qui ont toujours pris fait et cause pour les Ukrainiens, les Ouïghours, les Bosniaques ; des nations arabes musulmanes que certains voulaient, au nom de la relativité culturelle, écraser dans une servitude perpétuelle ; pour les victimes innombrables et sans nom des guerres que le monde a oubliées ; pour, plus récemment, les Arméniens du Haut-Karabakh abandonnés de tous. Ces rebelles ont aussi défendu la cause de la solution à deux États, puis des Accords d’Oslo, puis de l’Initiative de Genève dont j’ai été, avec Bernard Kouchner et Patrick Klugman, l’un des parrains français, bref la cause du peuple palestinien.
Mais pour ceux qui sont dans la rue aujourd’hui, il existe deux poids, deux mesures. Même si tous les enfants tués devraient provoquer la même angoisse, une mort ne les émeut que si elle leur permet de crier “meurtriers israéliens” ou “sionisme égale nazisme” ou “du fleuve à la mer”, c’est-à-dire en bonne et due forme. En français, “Mort aux Juifs”.
Ajoutez à tout cela que ces indignés n’ont pas envahi les rues alors que ce sont 1 400 femmes, hommes, enfants d’Israël qui ont été éventrés, décapités, brûlés vifs, soumis à des pogroms.
Ces mêmes personnes que nous voyons scander “Nous sommes tous Palestiniens” auraient très bien pu, deux semaines plus tôt, comme les rebelles de 1968, s’exclamer “Nous sommes tous juifs” – mais ils ne l’ont pas fait et, de plus, il semble que l’idée ne leur ait jamais traversé l’esprit. .
Ajoutez aussi qu’ils ont toléré, dans leurs cortèges, le drapeau du Hamas, une organisation qui parle comme ISIS, pense comme ISIS, filme ses crimes comme ISIS.
Et ajoutez encore une fois que l’une des raisons de leur rassemblement, au moins une qui apparaît dans leurs tracts et sur leurs réseaux sociaux, était la destruction d’un hôpital à Gaza – une attaque qui s’est avérée avoir été provoquée non pas par un obus israélien mais par un obus palestinien. Un. Ajoutez alors que ces indignés ont été manipulés et que leurs manipulateurs sont passés maîtres dans la désinformation n’ayant d’autre but que d’enflammer les âmes, de semer le chaos et de tuer des Juifs.
L’antisémitisme, a-t-on dit un jour, est le socialisme des imbéciles.
Aujourd’hui, c’est le hamasisme qui reproduit cette même imbécillité criminelle, faisant de ces manifestations une offense à l’esprit démocratique.
Bernard-Henri Lévy est philosophe, activiste, cinéaste et auteur de plus de 30 livres dont “Le Génie du Judaïsme”, “American Vertigo”, “La Barbarie à visage humain” , “Qui a tué Daniel Pearl ?” , et “L’Empire et les Cinq Rois”.
© Bernard-Henri Lévy
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