La Colonne de Judith Bat-Or. Journal d’une Invisible -45-

Judith Bat-Or

Tu ne mordras pas la main qui te nourrit. On pourrait imaginer cette injonction superflue, sa logique des plus basiques et son importance vitale étant à la portée de n’importe quel chaton. Comment expliquer alors l’action de Maissa Abd Elhadi ?

Née à Nazareth, en territoire non contesté, du moins officiellement, de l’État hébreu, dans une famille arabo-musulmane, elle détient un passeport israélien, mais au lieu de se définir comme Arabe israélienne, elle se dit Palestinienne. Fille de médecin, elle a étudié les sciences de l’éducation puis l’hydrothérapie dans le prestigieux « Institut Wingate », avant de se lancer dans une carrière d’actrice. En bientôt quinze ans de carrière, elle a interprété de nombreux rôles de premier plan aux côtés d’acteurs israéliens, sous la direction de réalisateurs israéliens, dans des productions israéliennes pour le cinéma, la télévision et le théâtre.

D’autant plus rudes furent la surprise, la déception, la colère de ses collègues et amis, -du moins le croyaient-ils-, lorsque le 7 octobre, elle s’est publiquement réjouie de l’invasion des villages et kibboutz en bordure de Gaza par les terroristes du Hamas, sans s’émouvoir, au contraire, des exactions indescriptibles dont ils se rendaient coupables.

Ainsi, le jour de l’attaque sanglante, elle postait sur son compte X l’image du tracteur enfonçant la barrière de sécurité entre Gaza et Israël, y ajoutant en titre : « Allons-y, style (mur de) Berlin ! »

« Faisons-le à la manière berlinoise » | Capture d’écran sur la story de Maisa Abdelhadi

Elle décorait d’émojis hilares la photo d’une femme âgée enlevée par les terroristes et commentait :  « C’est l’aventure de sa vie ! »

Pratiquerait-elle seulement un humour indigeste ? Ses paroles auraient-elles dépassé sa pensée ? Aucunement. En effet, à l’instant même où des familles étaient asphyxiées, brûlées vives, des femmes violées, des enfants décapités, elle écrivait sur WhatsApp à son groupe de copines : « Les filles, vous avez vu la bonne nouvelle ? Le Hamas a envahi Israël, ils ont baisé le Sud, enlevé des soldats et peut-être même des civils ».

Elle ne s’est donc pas contentée de mordre la main de ceux qui la nourrissait, elle leur a craché au visage. 

Mais qu’imaginait-elle en dévoilant ainsi le fond de sa pensée ? Que l’heure de l’anéantissement d’Israël avait sonné ? Qu’elle n’aurait pas de comptes à rendre ? Ou, dans le pire des cas d’une défaite du Hamas, que dans leur légendaire sottise, les Juifs oublieraient, pardonneraient, et qu’elle pourrait continuer son bonhomme de chemin comme si de rien n’était ?

Sauf que Maissa, semble-t-il, a fait une erreur de calcul. En effet, les réactions n’ont pas traîné à arriver. Désaveux, accusations, appels au boycott, arrestation, et aujourd’hui, selon les instructions du ministre de l’Intérieur, Moshe Arbel, une procédure de déchéance de sa nationalité a été mise à l’étude. Certains ont même envisagé de l’envoyer poursuivre sa carrière à Gaza. Pourquoi pas après tout ? Réaliser son rêve de réunification – « comme Berlin » – avec ses frères du Hamas ne devrait que la satisfaire.

Malheureusement, en Israël, d’autres qu’elles, moins célèbres mais tout aussi nocifs, ont vanté l’attaque du Hamas sur les réseaux sociaux. Ils ne sont qu’une petite centaine, m’opposeraient certains. Sans doute. Pourtant comment ne pas craindre, en cette période noire, que s’en cachent d’autres pas parmi ceux qui nous côtoient au travail, dans les rues, au café, dans les transports publics, à l’université (car oui, on se côtoie, pas comme en régime d’Apartheid) qui applaudissent aussi, mais en silence, en secret, au massacre de nos vieillards, de nos enfants, nos femmes, nos hommes ?

J’espérais jusqu’ici qu’en se comportant bien avec nos ennemis, nous en ferions nos amis. Que la haine ne résistait pas à l’épreuve de la réalité. Qu’il suffisait de se connaître et de communiquer pour la neutraliser, même pour l’éradiquer. Je suis tentée aujourd’hui de renoncer à cet espoir. Mais ce serait renoncer à qui je suis et je veux être.

À suivre

© Judith Bat-Or

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