“Tamar”. Par Nathalie Ohana

Tamar, tu as neuf ans et je découvre ton visage à l’instant.

Tes nattes parfaitement tressées ou peut-être ton regard, il y a quelque chose dans cette photo de toi qui arrête ma course folle. Et doucement, j’ai peur de lire ton histoire. Car tu sais, ma chère Tamar, en ce moment, à chaque fois que je vois le visage d’un enfant, ce n’est pas pour me raconter de lui quelque chose de gai. Alors dès que je te vois, j’ai peur pour toi.

Tamar, je voudrais tellement parler de toi au présent. Je voudrais tellement faire le joli portrait d’une petite fille de ton âge, tu sais, Tamar, tu as l’âge de ma fille. L’âge où on aime le plus la vie, l’âge où chaque jour, on découvre combien on sait faire de nouvelles choses, combien on a de choses à vivre.

Je voudrais raconter combien tu es aimante avec ta famille, courageuse quand tu dois faire une prise de sang et quelle force de vie t’anime quand tu sautilles le matin pour retrouver tes amies dans la cour de l’école.

Je voudrais raconter comme tu as appris à lire vite, toute seule dans ton lit, je voudrais m’émerveiller de ta double culture – tu parles couramment l’hébreu et le russe -, tu aimes l’Opéra et tu te débrouilles déjà bien au piano.

J’aimerais parler de ce que tu aimes manger, des pays où tu aimes aller et des histoires qui te restent en mémoire même longtemps après que ta maman te les a racontées.

Mais toutes ces histoires sur ta vie, je ne peux pas les dire, ma chère Tamar. Car elles sont gommées par l’histoire qui se cache derrière ta photo et que j’ai lue, telle une légende, les yeux embués de larmes. 

Tamar, tu habites à Ashdod dans une ville où beaucoup de bombes tombent. Comme des bombes, il y en a souvent par là-bas et que tu as grandi avec les alertes, tu as l’habitude de courir dans l’abri. On peut dire que du haut de tes neuf ans, tu as déjà pris certaines habitudes. Tu sais que serrer la main de ta mère te fait du bien. Tu sais qu’après l’alerte, t’allonger sur ton lit au milieu de tes peluches est ton réconfort. Mais ce que tu ne sais pas, petite Tamar, c’est que ton cœur est fragile. Et ce vendredi, quand l’alerte sonne, ton petit cœur n’en peut plus. C’est trop lourd pour lui. Trop. Alors ton petit cœur cesse de faire son travail. Il se retire du monde et s’arrête. Net. Et tu nous quittes, fermant les yeux, dans ton abri.

Jamais je n’aurais voulu écrire cela de toi, ma petite fille. Jamais. Repose en paix, mon enfant.

© Nathalie Ohana

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