De l’enfermement, de Gaza à Istanbul en passant par Tel Aviv 

Claude Lévêque, J’ai rêvé d’un autre monde, 2001


L’enfermement. Tout nous renvoie en ce moment à l’enfermement. 
À commencer bien sûr par les dizaines d’otages aux mains des terroristes du Hamas, dont beaucoup d’enfants, sans doute dans des conditions dantesques. En tous cas difficilement imaginables. 

Parmi les premières images du 7 octobre qui me sont parvenues comme à vous, alors que nous ne savions pas encore l’étendue de la cruauté des actions commises par les miliciens sanguinaires du Hamas s’exerçant sur des civils sans défense, deux vidéos « virales » m’avaient particulièrement horrifié, quand bien même on a su par la suite que l’une d’entre elles était partiellement un « fake » (car tournée avant le 7 octobre). 

La première montrait un jeune enfant israélien, enlevé et comme enfermé, au milieu d’un groupe d’enfants de Gaza le maltraitant, l’insultant et l’humiliant. La seconde (le « fake ») montrait des enfants en bas âge enfermés dans une cage des plus étroites qu’un geôlier, au rire gras et démoniaque, filmait, sans bien entendu dévoiler son identité… La peur et le désarroi qu’on pouvait lire dans les yeux des enfants en cage m’ont habité pendant plusieurs jours (et nuits). Je ne suis du reste pas certain, à l’heure où j’écris ces lignes, qu’elles ne me hantent pas toujours…  

Et puis les corps retrouvés de Juifs et non-Juifs calcinés, aux abords de Gaza, dans les lieux où ils avaient tenté de s’enfermer pour échapper à la sauvagerie des envahisseurs. 
Et puis les citoyens israéliens courant, toutes affaires cessantes, dès lors que la sirène retentit, s’enfermer, parfois dix fois par jour, dans leurs miklatim, abris aux murs sans fenêtre et à l’atmosphère réduite à presque rien… 

S’évader par les livres ? Pas vraiment…

Peu de temps après avoir écrit pour « Tribune Juive » une critique du livre du fils de Jean-Paul Kauffmann (1) évoquant l’enfermement de ce dernier dans les cages du Hezbollah, frères d’armes du Hamas, je viens de lire – grâce à Guy Birenbaum qui a contribué à son édition chez Stock – le livre de Fabien Azoulay, « Istanbul, dernier arrêt », sous-titré « 4 ans dans les prisons turques »(2).

On connait cette histoire qui s’est heureusement « bien terminée ». Son issue, dont on fêtera dans quelques jours les deux ans, doit beaucoup aux efforts conjugués et sans relâche de Xavier, frère de Fabien Azoulay, de l’avocate française Carole-Olivia Montenot, et d’une poignée d’amis qui ont réussi, en s’obstinant et en médiatisant l’affaire, à sortir le jeune homme aux quatre identités – français, américain, juif et gay – des infâmes prisons turques où il avait été injustement jeté par une justice aussi aveugle qu’expéditive.

A la lecture, on se rend aisément compte que bien peu de progrès ont été accomplis dans ces lieux d’enfermement sans âme depuis le bouleversant « Midnight Express » d’Alan Parker. Et l’on prend pleinement conscience de l’état dysfonctionnel, sous la coupe d’Erdogan, d’un pays et d’une administration qui déshumanisent tous ceux qui ont la malchance de leur être confrontés. A fortiori quand on est occidental, juif et gay… 

Sans doute qu’en terminant à Istanbul, en provenance de Tel Aviv, un voyage autour du monde, Fabien Azoulay, qui avait fait fortune aux États-Unis dans les spas, ne se doutait pas que pour « une connerie » il allait croupir aussi longtemps entre les murs sales de plusieurs geôles turques, entouré de ce qui se fait de pire en matière de condamnés de droit commun. Il ne se doutait pas qu’il finirait son parcours carcéral en France, à la Prison de la Santé, où il serait accueilli sous les cris de prisonniers promettant de lui faire la peau… Cette peau qu’il avait failli perdre à la suite de l’agression « à la bouilloire » d’un islamiste fou furieux… 

L’enfermement, à la fois physique et mental, de Fabien Azoulay a duré quatre ans. Sans doute plus si l’on considère que le retour à la liberté n’a pas été pour lui chose aisée. On ne guérit pas aussi vite d’un tel traumatisme… 

L’enfermement d’Israël

Celui d’Israël aujourd’hui, à la fois physique et mental, envahit tout. 
Il y a les otages bien entendu, mais il y a tout le reste de la population enfermée dans ses frontières, comme s’il s’agissait d’un ghetto, entouré de pays, de gouvernements et de populations farouchement hostiles. Pas seulement depuis le 7 octobre mais depuis 1948, et même encore auparavant. Un refus viscéral, alimenté par la haine et le ressentiment, par la jalousie et par une incapacité intellectuelle à admettre qu’un état juif, fût-il minuscule, puisse exister et prospérer au milieu d’un univers à 100% musulman, à 100% non démocratique. 

Conscient de cet enfermement, les tentatives d’Israël de s’ouvrir au monde, y compris arabe avec les Accords d’Abraham, sont-elles vouées définitivement à l’échec ? Inconsciemment les Israéliens – en tous cas ceux que je connais – ne sont guère optimistes. Ils se savent condamnés à un enfermement identitaire : on tente de les éliminer pour ce qu’ils sont, non pour ce qu’ils font… N’est-il pas symbolique que parmi toutes les séries israéliennes qui ont cartonné à travers la planète, l’une se nomme « Hatufim » (Les Enlevés) et l’autre « Hostages » ? 

Tous les gouvernants commettent des erreurs. Tous les opposants aussi. Mais comment ne pas se rendre compte aujourd’hui de l’enfermement stupide, pendant 40 semaines, dans lequel Netanyahou (voulant échapper à un enfermement personnel) et ses alliés de circonstance d’une part, l’opposition farouche dans la rue et dans les médias d’autre part, ont affaibli terriblement, et pour tout dire piégé, une population aujourd’hui profondément meurtrie et de nouveau en guerre ? 

Alors on peut se consoler en se souvenant que nous sommes, contre vents et marées, le Peuple du Livre. La Torah est le contraire de l’enfermement. Sa parole réconforte et libère. Puisse-t-elle inspirer ceux qui président et présideront demain à l’avenir du peuple juif en terre d’Israël. Puisse-t-elle donner aux soldats et aux réservistes la force de combattre efficacement contre les artisans de la mort… 
Puisse-t-on par nos prières permettre que nos sœurs et nos frères enfermés à Gaza retrouvent le chemin de la liberté ! 

© Gérard Kleczewski

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